Candidat déclaré à la présidence de World Rugby en septembre dernier, Abdelatif Benazzi semble partir de loin face à ses deux concurrents. Pourtant, le profil de l’ancien international français est très alléchant ces dernières semaines…
Abdelatif Benazzi suivra-t-il les traces d’Albert Ferrasse et Bernard Lapasset, les deux Français qui ont déjà présidé aux destinées du rugby mondial ? La question se pose. L’ancien international français s’est déclaré tardivement dans la course à la présidence de World Rugby alors que les deux autres candidats – l’Italien Andréa Rinaldo et l’Australien Brett Robinson – avaient déjà exprimé leur envie et entrepris un véritable travail de fond. Le second est membre du Conseil de World Rugby depuis huit ans et prépare sa candidature depuis plusieurs mois. On dit même qu’il serait adoubé par l’actuel président Bill Beaumont. « Le favori est définitivement Brett Robinsonjure un membre de la garde rapprochée du vice-président de la FFR. Mais Abdelatif est un challenger de plus en plus inquiétant pour ses adversaires. »
Le CV de ses concurrents : l’Australien Brett Robinson
Né le 24 janvier 1970 à Toowoomba.
Il a fait seize sélections pour l’équipe australienne entre 1996 et 1998 en tant que troisième ligne.
Il a également disputé 43 matchs pour les ACT Brumbies en Super Rugby entre 1996 et 2000. Il a été le premier capitaine de l’histoire de la franchise de la capitale australienne.
Il a ensuite travaillé pour la fédération australienne en tant que directeur général de la performance avant de travailler quelques années dans le secteur privé (dans les assurances).
Il a présenté sa candidature via un discours alarmiste évoquant une menace existentielle pour le rugby qui, selon lui, est coupé des jeunes générations. Il a proposé diverses mesures pour influencer la rapidité du jeu et son attractivité.
Il a également évoqué les problèmes financiers qui menacent les grandes nations.
Dans cette course à la présidence, même s’il s’est déclaré en retard, Benazzi a également réalisé le travail de l’ombre nécessaire pour convaincre les fédérations votant. Ce dernier, en compagnie du président de la FFR, Florian Grill, a passé une grande partie des Jeux olympiques à l’hôtel Pullman Montparnasse à Paris, lieu de villégiature des membres affiliés à World Rugby. Lieu stratégique pour rencontrer et échanger avec les membres du Conseil et les fédérations votantes. Objectif : présenter la vision de la France pour l’avenir du rugby mondial. « Il y a beaucoup de choses à revoir en termes de gouvernance de World Rugby.souligne Florian Grill : l’organisation du rugby féminin, la santé des participantes, le développement scolaire. Aujourd’hui, le développement est centré sur le monde anglo-saxon. Mais notre vision est aussi de développer le rugby dans des pays comme l’Espagne, l’Allemagne et surtout le continent africain. L’Afrique représentera 40 % de la population mondiale d’ici 2050. Et la réalité du rugby est que ce n’est pas un sport mondialisé. »
Le CV de ses concurrents : l’Italien Andrea Rinaldo
Né le 13 septembre 1954 à Venise.
4 sélections pour l’équipe italienne en deuxième ligne (en 1977).
Il a passé la majeure partie de sa carrière à Padoue.
Il a la particularité d’avoir mené un brillant parcours universitaire. C’est un hydrologue de renommée mondiale.
Il a enseigné à l’Université de Padoue, à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne en Suisse. Il a même donné des cours dans des universités américaines, Purdue, Princeton et au MIT de Boston. Il a reçu plusieurs prix prestigieux au cours de sa carrière pour ses recherches sur le cycle de l’eau. Il a été président du club Petrarca Padova de 1996 à 2023.
Il a été deux fois membre du comité directeur de la Fédération italienne de rugby (2012-2016 et 2016-2003). Il a également siégé au comité directeur de la Coupe d’Europe (ERC puis EPCR).
L’autre sujet sensible est l’économie du rugby. « Aucune nation mondiale de rugby ne se porte bien financièrementtonne encore Florian Grill. Il y a encore un bug au niveau de World Rugby. Le taux de retour financier de World Rugby à ses fédérations membres est de 61 %. Pour donner un élément comparatif, la LNR reverse près de 80% à ses clubs. »
Un vote indécis jusqu’au bout ?
Ce lundi, dans la soirée, Abdelatif Benazzi s’envolera pour Dublin accompagné de Nicolas Hourquet, directeur adjoint des Affaires internationales de la FFR. Ils seront rejoints mardi par les deux autres membres français du Conseil : Florian Grill et la nouvelle trésorière Clotilde Delbos. Ensemble, ils ont sans doute convenu de poursuivre leur travail de lobbying jusqu’à la dernière minute. Un travail qu’ils continuent d’orchestrer depuis plusieurs semaines avec de nombreuses nations comme l’Uruguay ou la Roumanie (deux équipes qui ont récemment affronté le XV de France…), ou encore des confédérations africaines et asiatiques où Benazzi jouit d’une bonne cote de popularité.
Ces derniers jours, ils ont également été en contact avec les dirigeants de la fédération japonaise. Une fédération disposant de trois voix et dont le choix dit-on pourrait peser lourd lors du vote final. De même que la rumeur court que le candidat italien Andréa Rinaldo devrait, en cas de troisième place au premier tour, se retirer au profit du Français au second. Dans le camp français, on veille à ce que la candidature de Benazzi bénéficie d’une base de voix suffisante pour surmonter l’obstacle du premier tour. Selon les derniers décomptes, elle pourrait alors récolter, en duel avec Brett Robinson, entre 24 et 27 voix. Abdelatif Benazzi aura besoin de 27 voix pour être élu à la majorité absolue. Et un fin connaisseur des arcanes de World Rugby de conclure : « Cela se jouera jusqu’à la veille de l’élection lors du dîner des membres du Conseil. »
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