Vous êtes avec Philippe Sella (111), le seul Français à plus de 100 sélections. Le rugby français épuise-t-il plus vite ses talents ?
C’est une combinaison de facteurs. Nous avons effectivement un championnat qui est le plus disputé au monde. Les matchs doivent être faits et je pense que chaque joueur a un volume d’entraînement maximum. En étant sur le terrain, on augmente les risques de blessures, la baisse de forme et les possibilités de sortie de l’équipe de France que cela implique.
Les joueurs qui battent des records sont, à quelques exceptions près, des joueurs qui évoluent dans des équipes qui traversent des périodes de domination comme les All Blacks de 2010 à 2016, les Springboks aujourd’hui. L’équipe de France a traversé une période difficile où nous n’avions pas la formule. Dans le rapport d’opposition avec les autres nations, nous avions des joueurs moins bons et l’équipe changeait plus souvent.
Le projet d’accompagner les joueurs qui auront trente ans en 2027 vous semble pertinent ?
Certaines personnes doivent bénéficier d’un statut un peu particulier. Physiquement, il est certain qu’on récupère moins bien avec l’âge. Jouer moins de matches permet de faire durer les carrières. La question de savoir si ce projet sera aligné sur les impératifs des clubs est un autre problème. On constate depuis des années qu’on joue trop en France pour tirer la quintessence des joueurs. Vous ne pouvez pas être performant pendant 10 mois et demi par an. Les blessures de Romain Ntamack posent question. On ne peut pas dire que ce n’est pas une pépite. Il est peut-être le premier numéro 10 en France qui pourrait viser les 100 sélections. C’est un profil qui doit être protégé. Mais je trouve qu’Antoine Dupont par exemple a été plutôt bien géré l’année dernière. En conséquence, il a bien performé dans les moments qui comptaient. C’est certainement ce que souhaite Fabien Galthié.
Le constat est fait qu’on joue trop en France pour aller chercher la quintessence des joueurs.
L’expérience collective est-elle une clé essentielle de la performance au niveau international ?
Disons que ça ne gâche pas. Ce n’est pas l’alpha et l’oméga mais c’est un paramètre important.
En désignant des joueurs « Premium » à préserver, ne tue-t-on pas l’émulation ?
Non. Les joueurs ne sont pas dupes. Et puis être sur la liste « Premium » est une motivation pour ceux qui n’y figurent pas. L’émulation est présente partout.
Ces trentenaires connaîtront des déclins où ils seront peut-être interpellés par l’opinion publique. Faut-il les maintenir en toutes circonstances ?
Il faut avant tout veiller à ce que ces joueurs soient performants quand on en a besoin en club comme en équipe de France. Il est clair qu’on ne peut pas attendre les mêmes choses d’un homme de 33 ans que d’un homme de 25 ans. C’est pourquoi nous devons prendre soin d’eux. Mais il me semble que les entraîneurs des clubs sont plutôt enclins à le faire. Après, en club comme en équipe de France, il suffit de perdre quelques matches pour que l’ambiance change et le statut du joueur change aussi. Il y a les grands principes et l’adaptation aux circonstances.
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