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Kinésithérapeute habituelle du RCT, Sandrine Agricole évoque avec le sourire son intérim sur le banc de Toulon

Kinésithérapeute au RCT depuis 2020, Sandrine Agricole se retrouve sous le feu des projecteurs depuis deux semaines. Et pour cause : en l’absence de Pierre Mignoni, suspendu six matches après sa colère à Clermont, l’ancien demi d’ouverture du XV de (44 ans, 84 sélections) a accepté d’échanger provisoirement son kit kiné pour enfiler le RCT. brassard d’entraîneur pendant les matchs.

Parce qu’elle se lance dans une carrière de coach ? Pas vraiment. Disons plutôt que les clubs de Top14 sont tenus d’avoir au moins un technicien sur le banc de touche titulaire du DESJEPS (1), ce qui est le cas de Sandrine Agricole, même si elle refuse catégoriquement le statut de « première femme entraîneur en Top 14 ». Elle espère cependant que son exemple « ouvrira des portes aux filles qui travaillent pour être sous les projecteurs.

Avant de parler de votre actualité au RCT, parlons de votre carrière. Vous avez arrêté le rugby en 2014, avant de reprendre au RCTPM en 2022. Finalement, vous avez raccroché en juin. Cette fois, est-ce définitif ?

A 44 ans, il était temps (rires). Je pense que j’ai atteint la fin de cette histoire. Lorsque j’ai arrêté pour la première fois en 2014, j’avais 34 ans. Je pensais que le moment était venu, mais en réalité, je voulais toujours jouer. J’ai gardé cette frustration pendant des années, et lorsque j’ai eu l’opportunité de revenir au RCTPM en 2022, j’ai sauté sur l’occasion. On avait une équipe jeune, je pouvais transmettre des choses, prendre du plaisir et c’est ce que j’ai fait pendant deux ans. Mais c’était le moment, je sentais que j’avais moins de feu. Pas à propos du rugby mais à cause du fait de me faire violence. à l’entraînement, pour suivre les week-ends de match…

Revenons à Toulon. Cette saison, hormis Swan Rebbadj (pied) et Beka Gigashvili (adducteurs), l’infirmerie est vide (1). Plus que par le passé en tout cas. Comment l’expliquer ?

C’est lié à une certaine stabilité. Et pas seulement au niveau médical mais au niveau du personnel. Seb Bourdin [directeur de la performance] a fait du très bon travail. Les joueurs sont habitués à une certaine forme de travail, à un rythme. Et les recrues sont arrivées aussi avec du savoir-faire, de la méthodologie, de la rigueur. Ensuite, la stabilité, c’est aussi que les joueurs nous font confiance, ce qui nous permet de mettre les choses en place.

Et les méthodes ont-elles évolué, au sein même de l’unité de kinésithérapie RCT ?

Nous sommes un peu plus actifs en physiothérapie. On essaie d’être sur l’activation neuromusculaire, c’est-à-dire qu’on est plus sur le terrain et moins sur la table. Ce qui permet de gagner du temps sur l’activation et le chargement du lecteur. Nous sommes assez libres dans la mise en pratique de notre métier, ce qui nous permet d’innover et de créer.

Question naïve, mais êtes-vous kinésithérapeute RCT à temps plein ? Ou avez-vous un cabinet à côté ?

A mon arrivée en 2020, j’avais un cabinet en Bretagne. Alors pendant les premiers mois j’ai engagé un assistant, et finalement j’ai choisi de vendre mes actions. Alors non, je suis en CDI au RCT. Et donc à 100% avec Toulon. Alors probablement un jour, je redeviendrai libéral. Parce que c’est quelque chose que j’aime, et où l’on se confronte à ce qu’est réellement la physiothérapie. Dans le sens où quand on est dans un club professionnel, on retrouve souvent les mêmes pathologies, on a un confort de travail car on peut faire une IRM en cinq minutes… Dans un quotidien plus « classique », l’accompagnement est très différent et je pense d’y retourner un jour.

Envisagez-vous toujours de rester à Toulon pour le moment ?

Tant que le club voudra de moi, je resterai à Toulon !

Pour parler d’un sujet « plus chaud », en l’absence de Pierre Mignoni, ce n’est pas un de ses adjoints, mais vous qui portez le brassard d’entraîneur lors des matches. Pour quelles raisons ?

Nous avons des réunions du personnel chaque semaine. Et après Clermont, Pierre nous a annoncé vouloir se sanctionner et monter en tribunes pour quelques semaines. Là, Lutcho [Luc Van Wassenhove, secrétaire administratif] a répondu que le club avait l’obligation de mettre sur la touche quelqu’un qui possédait le DESJPEPS. Je n’ai rien dit, car j’imaginais que d’autres personnes du staff avaient ce diplôme. Et en partant, je rigole avec les collègues médecins et je dis : « s’ils trouvent quelqu’un, je suis là hein » (rires). Sauf qu’il y a un effet boule de neige : ça arrive aux oreilles de Lutcho, qui me demande si c’est vrai et il me dit : « banco, on te met au drap ».

Comment aurait été le club si vous n’aviez pas été là ?

Au club, Cédric Béal [manager des espoirs] a le diplôme et aurait pu jouer ce rôle.

En fait, vous avez déjà vécu deux rencontres avec le brassard. En quoi cela change-t-il par rapport à votre rôle de kiné pendant le match ?

La seule vraie différence, c’est que je ne peux plus aller sur la pelouse. Mais pour le reste, cela n’a pas beaucoup changé, puisqu’en tant que kinésithérapeutes, nous prodiguons des soins mais servons également de canal de transmission. Je reçois les informations du staff sur le casque et quand je vais sur le terrain, je peux dire un mot aux joueurs.

Mais comment communiquer sans avoir accès à la pelouse ?

Soit en criant un peu plus, soit en demandant aux joueurs de se rapprocher de la zone technique (rires).

N’est-ce pas frustrant de ne plus aller sur le terrain ? Et de ne plus occuper votre rôle de kiné ?

La première fois, contre le Racing, j’étais un peu perdu. En tant que kiné, on évolue avec les joueurs, on les suit. Quand un gars va à l’examen, je suis à proximité… Mais ce n’est pas frustrant car ça ne change rien au niveau de l’énergie, des encouragements, des informations que je dois emporter.

Pendant 80 minutes, OK. Mais avant et après le match, vos responsabilités ont-elles un peu changé ? Le personnel vous demande-t-il de parler devant le groupe ?

Certainement pas. Je reste à ma place. Mon rôle est d’aider pendant le match. Mais dès la seconde où l’arbitre siffle la fin du match, je reprends mon rôle de kiné. D’après ce que je lis, il s’agit d’un « arrangement administratif ». Alors évidemment, il y a un lien entre Pierre et son staff, dans lequel je dois m’inclure au cœur du match. Mais avant et après, je suis kiné.

L’information a été largement relayée, et vous avez été désignée comme « la première femme coach du Top 14 ». Comment vivez-vous ce statut de pionnier qui vous est accordé ?

En fait, j’ai l’impression d’être une imposture. Parce que je ne dirige pas cette équipe. Je suis là, je soigne les gars, je les encourage, je les répare, mais ce n’est pas moi qui travaille les analyses vidéo et la stratégie. C’est étrange et « inconfortable » pour moi de lire ceci… J’ai donc reçu de nombreuses félicitations, mais je n’ai pas répondu, car je ne suis qu’un larbin. C’est bizarre en fait… Maintenant, je veux retirer le positif de cette opportunité.

C’est à dire ?

J’espère que mon exemple ouvrira des portes aux filles qui travaillent pour être sous les projecteurs. Pour y parvenir, un homme doit nous en donner l’opportunité. Là, Pierre Mignoni aurait pu choisir Cédric Béal, mais il m’a choisi. Il a probablement vu quelque chose en moi. Compétences, qualités. Même s’ils ne s’expriment pas au quotidien, comme je suis kiné et non entraîneur, il a voulu me faire confiance. Ainsi, si les hommes changent leur mentalité à l’égard des compétences des femmes, cela apportera diversité et équilibre. Ce sont souvent des hommes qui sont à la tête de grandes équipes, alors s’ils ouvrent une petite porte à une femme qui a autant de compétences et d’envies, cela donnerait de la visibilité. Et cela permettra, un jour, à des filles qui ont plus de compétences et de légitimité que moi d’en bénéficier.

Après une première timide face au Racing, on s’est senti plus à l’aise face à Montpellier. Cela veut-il dire que vous vous laissez encore prendre au jeu ?

Bien sûr que j’aime ça, puisque je suis essentiellement coach [elle a coaché les filles du Stade rennais et une sélection de Bretagne]. En fait, cette situation m’a permis de dépoussiérer un peu le diplôme que j’avais enterré depuis 2010. Pourtant, les émotions que j’ai laissé apparaître contre Montpellier sont exactement les mêmes que celles que j’éprouve habituellement en tant que kiné, à la différence que les caméras ne sont pas concentrés sur moi (rires).

Pour conclure, si vous avez déjà obtenu ce diplôme, c’est probablement parce que le coaching vous a peut-être intéressé. L’idée pourrait-elle revenir ?

En 2007, j’avais un rêve : prendre la place de Bernard Laporte et devenir la première femme à entraîner le XV de France (rires). J’ai donc décidé de passer mes diplômes, que j’ai obtenus en 2010. J’avais de l’expérience avec les filles du Stade rennais et je me voyais devenir entraîneur. Sauf qu’à un moment donné, j’ai senti la fin du cycle. J’ai perdu cette envie, c’est là que j’ai obtenu mon diplôme de physiothérapeute et j’ai laissé le coaching derrière moi. Mais venir à Toulon, atteindre le plus haut niveau et voir ce qui était possible m’a redonné goût à mon sport. Je pose donc beaucoup de questions à Pierre sur le management et le jeu. Il est très à l’écoute et prend le temps. Et j’ai effectivement l’impression que j’aime toujours le terrain.

1.Fainga’anuku, Serin et Paia’aua se sont blessés aux côtes contre Montpellier, qui n’est pas musclé.

 
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