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Comment les clubs ont sué pour rêver du Bouclier de Brennus

Cet été, les soldats du Top 14 ont sué sang et eau avant de partir à la conquête du Bouclier de Brennus. On vous explique comment.

Au temps du rugby de papa, la préparation physique n’était qu’une tendre imposture. A ce sujet, nous n’avons jamais oublié ce qu’il nous confiait un jour Serge Blanco, le plus grand arrière latéral de tous les temps: « Je détestais ça. Alors quand nos piliers Pascal Ondarts et Jean-Pierre Garuet ont arrêté de courir, j’ai arrêté aussi. C’étaient mes repères. […] Un matin, le médecin du XV de France Jean-Claude Perrin me fit remarquer que j’aurais « aurait pu pousser plus loin »Je lui ai répondu : « Vous voulez dire que Paxkal (Ondarts) et Garuche (Garuet) ne sont pas coriaces, docteur ? » Mais ce n’est pas tout, hein ! Ah ? « Un jour, on nous a aussi demandé de faire des tractions. Avec Jean-Luc Joinel et Jean-Pierre Garuet, on n’a pas pu en faire une seule et le préparateur physique est allé dans la chambre de Jacques Fouroux (puis entraîneur) pour lui dire qu’il ne pouvait pas aller à la Coupe du monde avec des gens comme nous ! Diable. « Fouroux était furieuxBlanco rit maintenant. Il a dit au gars : « Tu vas pousser plus fort que Garuche dans la mêlée, toi ? Tu vas courir plus vite que Serge ? Non ? Alors, ne m’embête plus avec tes tests physiques et tes tractions… » Donc j’étais à la Coupe du monde… »

Quarante ans se sont écoulés depuis les événements que l’ancien président de la Ligue nationale de rugby raconte non sans humour. Et alors que débute la saison 2024-2025, les gars du Top 14 et de la Pro D2 ont cet été fait tout ce que le grand Serge détestait, avant d’inonder les réseaux sociaux de leurs travaux herculéens, calculant même leurs pics de forme en fonction des objectifs respectifs : le début de la Champions Cup pour le Stade Toulousain et La Rochelle ; le premier bloc du championnat pour le promu Vannes, première équipe de Top 14 à avoir repris l’entraînement début juillet. « C’est une tradition d’avoir de grandes pré-saisons ici, Martin Michel, le directeur général du club breton, l’a récemment expliqué. « On veut exister tout de suite. Et il faudra réussir tout si on veut avoir une chance de se maintenir : réussir notre recrutement, notre pré-saison et les premiers matchs. On ne veut pas se retrouver dans le trou après le premier bloc de neuf matchs… »

Antoine Dupont n’a repris qu’en septembre

Selon que l’on soit un international « premium », un Français en devenir, un simple soldat du Top 14 ou un médaillé d’or des derniers Jeux olympiques, la reprise ne s’est visiblement pas faite au même moment. Antoine Dupont, le « phénix des hôtes de cette forêt », ne rejouera par exemple pas avant fin septembre, le récent champion olympique ayant eu une dernière saison pour le moins chargée.

Toulouse affrontait Mont-de-Marsan en guise de préparation. Et les champions de France ont débuté leur saison en Top 14 par deux victoires convaincantes.
Icône Sport – Icône Sport

Les Tricolores sélectionnés pour la tournée en Argentine ont quant à eux regagné leurs centres d’entraînement vers le 15 août, un mois plus tard que leurs collègues et après avoir purgé leurs quatre semaines de congés réglementaires. Les « primes » du sélectionneur national Fabien Galthié, au nombre de vingt, ont profité de ne pas avoir été invités en tournée pour se régénérer. « C’est la première fois depuis longtemps que je ne pars pas en tournée.Romain Taofifenua, deuxième ligne du Racing 92, nous l’a dit. Et pour être honnête, j’ai pu vraiment déconnecter cet été. C’était une vraie intersaison et je me sens beaucoup plus frais que les années précédentes. »

Sébastien Piqueronies gives his instructions.
Patrick Derewiany

Mais qu’est-ce que l’intersaison exactement ? Pour en finir avec certaines idées reçues, les rugbymen de haut niveau ne passent pas la majeure partie de leur temps à soulever des poids. Ici, l’objectif des séances de musculation est davantage d’entretenir leur corps que d’augmenter leur force : en moyenne, les joueurs font quatre séances par semaine en salle et soulèvent généralement 2,5 tonnes de poids par séance. Côté cardio, le coach et le préparateur physique vont aussi mettre en place des journées à dominante énergétique, axées sur les efforts explosifs ou qui exploitent les qualités de vitesse de chaque joueur. Tout cela est naturellement adapté aux différentes morphologies rugbystiques, car un pilier ne produit pas les mêmes efforts qu’un ailier, un flanker ou un demi de mêlée. Celui-là ? Il est aussi considéré comme le marathonien du rugby professionnel : s’il n’est pas souvent soumis à de gros pics de vitesse, il est en revanche amené à beaucoup courir. En match, c’est le joueur dont l’écart entre la marche et la course est le plus grand.

Le casse-tête du jumbo jet

Mais saison après saison, le casse-tête des préparateurs physiques du Top 14 s’incarne sans doute par l’affinage régulier des plus gros tonnages du championnat : on citera en vrac Romain Taofifenua, Uini Atonio, Emmanuel Meafou, Paul Alo-Emile, George-Henri Colombe, Ben Tameifuna, Josua Tuisova ou encore Posolo Tuilagi. À ce sujet, l’ancien préparateur physique du XV de France et actuel maître de torture du Lou, Julien Deloire, confiait récemment : « Pendant les semaines d’entraînement, ces joueurs ne peuvent pas courir autant que les autres. Trop courir peut déclencher des problèmes de genoux, des problèmes articulaires ou des tendinopathies. Il faut donc leur trouver des alternatives comme l’aviron, le vélo, le watt-bike ou tout type de travail physique effectué. » Il continue : « La masse grasse, c’est du poids inutile. Un gars qui dit qu’il se sent mieux avec cinq kilos de graisse en plus, j’ai du mal à l’entendre dans un sport de haut niveau qui devient de plus en plus exigeant. Peut-être que ces cinq kilos seront utiles à un pilier en mêlée. Mais derrière, il les traînera sur son dos tout au long du match. »

Bref, la préparation physique inhérente à la trêve estivale n’est ni une science exacte, ni une garantie de remporter un titre en fin de saison. Mais sans elle, les rugbymen professionnels auraient, en Top 14 ou en Pro D2, l’espérance de vie d’un joueur de tennis français à Roland-Garros…

 
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