Un groupe de citoyens appelle les Québécois à boycotter Amazon en signe de solidarité avec les quelque 2 000 employés qui se retrouveront bientôt au chômage. Ils espèrent que le géant du commerce en ligne reviendra sur sa décision de fermer ses sites dans la province.
« J’avais bloqué ma journée pour postuler à un emploi chez Amazon aujourd’hui, et me voilà enfin dans la rue, mobilisant les gens pour boycotter l’entreprise. Quel revirement », ironise Louisa Worrell, porte-parole du mouvement.
Quelques heures après l’annonce de la multinationale mercredi matin, les critiques et les appels au boycott ont commencé à se multiplier sur les réseaux sociaux.
Plusieurs consommateurs croient que c’est la récente syndicalisation de l’entrepôt de Laval qui a réellement motivé l’entreprise à fermer ses sept sites au Québec. Amazon, de son côté, assure vouloir simplement revenir à son modèle économique de 2020 en confiant à nouveau la livraison des colis à des sous-traitants.
Parmi les mécontents, plusieurs ont décidé de s’organiser pour agir hors du web, jugeant la réponse politique trop faible. Une dizaine d’entre eux ont parcouru les rues et le métro de Montréal jeudi pour distribuer des tracts aux passants afin de les sensibiliser et les convaincre de se joindre au mouvement de contestation.
« Jeff Bezos, le grand patron d’Amazon, est l’un des hommes les plus riches du monde. Il crache sur le Québec, sur les travailleurs d’ici et sur nos conditions de travail. Amazon montre à tous les employeurs qu’il est possible de s’en prendre à nous. Ce ne sont pas seulement les travailleurs d’Amazon qui sont touchés, mais le Québec tout entier. Ne cédons pas ! » peut-on lire sur le tract et sur les pages Facebook et Instagram « Ici, on boycotte Amazon » ouvert dans la matinée par le petit groupe.
Ils appellent donc les Québécois à boycotter immédiatement le géant du commerce en ligne. Comment ? En arrêtant simplement d’acheter sur la plateforme et en vous désabonnant de Prime Video, une plateforme de streaming.
« Comme on dit, l’union fait la force. Nous devons nous mobiliser pour qu’Amazon comprenne que de tels comportements n’arrivent pas ici. L’entreprise ne peut pas s’installer ici et partir quand les salariés veulent faire valoir leurs droits. Ça ne marche pas comme ça», insiste Louisa Worrell.
Par ce geste, les manifestants espèrent que l’entreprise américaine fera marche arrière et maintiendra l’ensemble de ses sites ouverts.
« J’ai des amis qui travaillaient chez Amazon et qui se retrouvent au chômage. J’espérais moi-même y trouver une place. Il faut sauver tous ces emplois», insiste la mère de famille de 35 ans, à la recherche d’un emploi depuis huit mois. « Il y a eu des licenciements chez Telus, j’ai perdu mon emploi. Je sais à quoi ressemble le marché du travail en ce moment, c’est très difficile de trouver une place. »
-Un mouvement qui prend de l’ampleur
En quelques heures jeudi, plusieurs centaines de personnes avaient déjà rejoint la mobilisation contre Amazon sur les réseaux sociaux. Sur le terrain, la réaction est tout aussi bonne, confirme Louisa Worrell. Son groupe reprendra également la sensibilisation à Montréal et dans d’autres villes dans les prochains jours.
« C’est formidable de voir que beaucoup de gens nous soutiennent. En fait, beaucoup avaient déjà pris la décision [mercredi] pour tirer un trait sur Amazon», se réjouit-elle.
C’est le cas de Robert Mager. Ce Québécois remettait déjà en question son utilisation — quelques fois par année — de la plateforme en ligne pour effectuer certains achats. « J’ai réalisé que cela nuisait à l’achat local. Mais là, voir Amazon fermer ses centres au Québec et mettre à pied tant de gens, c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase», témoigne le professeur retraité de l’Université Laval, qui a depuis fermé son compte Amazon Prime et promet de ne jamais acheter sur à nouveau la plateforme.
« J’espère que les gens embarqueront. Nous avons parcouru un long chemin sur la voie de l’individualisme et de l’acceptation des règles du capitalisme. Nous devons nous réveiller. Moralement, nous ne pouvons pas accepter cela. »
Un mouvement durable ?
Maryse Côté-Hamel, professeure en sciences de la consommation à l’Université Laval, pense que le boycott risque de s’essouffler rapidement.
« Les consommateurs en colère sont souvent motivés au début, mais la réalité s’installe rapidement. […] Amazon est rapide, simple et souvent moins cher qu’ailleurs. Sans compter qu’on y trouve des produits qu’on ne trouve parfois nulle part ailleurs », souligne-t-elle.
Amazon possède un avantage indéniable sur ses concurrents. La plateforme est devenue incontournable pour beaucoup. Or, il est « très difficile pour un consommateur de modifier durablement ses habitudes d’achat », note le professeur, en s’appuyant sur de nombreuses études sur le sujet.
« Peut-être que certains seront suffisamment déterminés pour au moins réduire considérablement leurs achats. “C’est déjà plus probable”, ajoute-t-elle.
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