C’est une cérémonie si historique dans tout ce qu’elle implique que les médias lui consacrent des « rétrospectives ». Pour comprendre ce qui a évolué depuis.
Lors de la prestigieuse cérémonie des Golden Globes 2015, deux reines de l’humour US, les indescriptibles Amy Poehler et Tina Fey, prennent un malin plaisir à passer au crible célébrités, potins et sensations du moment, tout comme le Britannique Ricky Gervais. à travers ses présentations très « rôties » du gratin. De Woody Allen (qui met déjà une « ambiance ») à Steve Carrell, en passant par George Clooney et Leonardo Dicaprio, personne n’échappe à ces drôles de chaises tournantes entre deux présentations de statuettes.
Mais parfois les blagues vieillissent très mal.
Ou qu’ils deviennent encore plus grinçants qu’ils ne l’étaient à l’époque. Comme cette blague très polémique sur… Harvey Weinstein. Alors qu’il est toujours à la tête de sa société de production Miramax, le magnat et « ogre hollywoodien » n’est qu’à quelques années des enquêtes (au sein du New York Times et du New Yorker) ainsi que du procès historique qui généreront sa chute. Et au milieu des années 2010, on peut encore rire, apparemment, d’allégations qui, sans éclore, apparaissent comme des secrets de polichinelle.
La preuve… Avec cette blague donc.
10 ans après, cette blague sur Harvey Weinstein refait surface, et choque
Lors de cette soirée fébrile des Golden Globes qui met en lumière deux icônes féminines de séries comiques alors phénoménales, nous sommes encore à deux ans de la révolution #MeToo, l’un des grands déclencheurs sera la prise de parole de l’actrice Rose McGowan.
-Et entre deux blagues sur Meryl Streep, Amy Poehler et Tina Fey font semblant de jouer une famille – un fils et sa mère. La question se pose alors, lors de ce sketch affiché en public : qui est le père ? “C’est lui, maman ?» demande Amy Poehler à son collègue présent dans la salle, en désignant… Harvey Weinstein. Et tout le public rit généreusement.
Weinstein inclus. Et le malaise ne s’arrête pas là, en vérité.
Celui qui a été largement pointé du doigt pour ses « méthodes » peu orthodoxes de producteur « intouchable », avant d’être pointé du doigt pour des faits de violences sexuelles, d’agressions et de viols, pour lesquels il sera condamné, s’est largement prêté au jeu, avec une industrie qui a probablement pris les choses à la légère. Un peu à l’image des généreux remerciements de Ben Affleck au même « Harvey » lors du sacre de Will Hunting en 1998 lors de la cérémonie des Oscars, la séquence est plutôt difficile à passer aujourd’hui.
Car suite à cette plaisanterie, un embarras s’installe. Comme si la réputation de Weinstein auprès des femmes était déjà largement connue, normalisée, banalisée. On ne sait pas si le but est de dénoncer ou de jouer sur cette curieuse impression de « tout le monde sait » pour rire.
“Harvey Weinstein est ravi d’avoir participé à ce sketch (c’était une surprise pour lui)», se souvient The Ringer, une décennie plus tard. “Mais la réponse tiède de Tina Fey (« continuez ») et les rires maladroits du public suggèrent qu’il a réalisé quelque chose que nous avons tous appris deux ans plus tard. Harvey Weinstein purge actuellement une peine de 23 ans de prison pour viol et agression sexuelle. De tout ce qui se passe, rien n’est plus daté que ce moment : un exemple clair et déprimant de la complicité de toute une industrie.« .
C’est souvent là que le revers fait mal, lorsque les divertissements, comme les spectacles tardifs et les cérémonies outre-Atlantique, alimentent une sorte de connivence humoristique entre les personnalités les plus puissantes. Et il est rare que ces jeux de dérision se bonifient avec le temps…
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