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A Mayotte dévastée par le cyclone, « les agriculteurs ont tout perdu »

Mayotte, report

Cinq ans. C’est le nombre d’années de travaux qui ont été réduites à néant par le passage du cyclone Chido sur la parcelle Soihir Babae Ali. Le 14 décembre, les 2 hectares qu’il avait repris à son père dans le village de Miréréni, au sud de Mayotte, sont presque entièrement détruits. Mais un mois après le cyclone, Mayotte a subi la tempête Dikeledi, provoquant d’importantes inondations. Double peine pour les agriculteurs comme lui. « Ils ont tout perdu »déplore Combo, pépiniériste basé à Soulou, au nord de l’île.

Façonné sur le modèle traditionnel du jardin mahorais, regroupant une grande variété de cultures allant des plantes médicinales aux arbres fruitiers, le terrain de Soihir Babae Ali, encore luxuriant au début du mois de décembre, n’est plus qu’un champ de ruines végétales. « Sur les 1 000 cocotiers que je possédais, il n’en reste que 500. J’avais plus de 3 000 plants de bananiers. La plupart d’entre eux sont morts »il fait le point, montrant les troncs et les branches qui jonchent son terrain.

Soihir Babae Ali utilise ses terres pour sa propre consommation, comme de nombreux Mahorais, mais aussi pour vendre le fruit de son travail. « Rien qu’avec des bananes, je pourrais gagner 2 000 à 3 000 euros par mois »il donne comme exemple. Alors qu’il comptait sur le ramadan du mois de mars pour écouler ses récoltes, il avait déjà prévenu ses clients que les commandes ne pourraient être livrées. « J’ai replanté du manioc, mais il lui faudra six mois pour pousser. Bananes, 2 ou 3 ans. »

« Si je dois repartir de zéro, je le ferai »

Depuis Chido, Soihir Babae Ali doit lutter contre les mauvaises herbes, pour qui ce cimetière est un terrain de jeu inattendu. « Avec la saison des pluies et le soleil qui tape maintenant qu’il n’y a plus d’arbres, il pousse très vite »constate l’homme qui déblaye tout à la main et à coups de machette, le reste de son matériel s’étant envolé lors de la tempête. Un travail d’autant plus fatiguant sans couvert végétal pour s’abriter de la chaleur. Mais ce n’est pas ce qui l’inquiète le plus. « Les plantes vont souffrir, il n’y a plus d’ombre, il fait chaud. En saison sèche, ce sera encore pire. »

Face à la tâche herculéenne de tout défricher et replanter, les Mahorais ne se découragent pas. « Si je dois repartir de zéro, je le ferai »dit-il. Alors que les fumées des incendies se font sentir plus souvent que d’habitude depuis le cyclone, Soihir Babae Ali ne se laisse pas tenter par cette technique pour redonner vie rapidement à ses plantes. « Je coupe les mauvaises herbes et les laisse au sol. C’est un engrais naturel sans abîmer mon sol »soutient l’agriculteur.

Soihir Babae Ali contemple son complot dévasté, dans le village de Miréréni.
© Marine Gachet / Reporterre

A Soulou, Combo savait ce qui l’attendait lorsqu’il est allé voir sa parcelle, trois jours après le cyclone. Aujourd’hui, sa serre est toujours vidé. « J’avais assez de graines pour produire 3 500 plants. Tout s’est envolé »décrit le pépiniériste. Heureusement, le vent lui a laissé quelques plants de bananiers, de quoi honorer une partie de ses commandes. Pour le reste, il devra puiser dans ses stocks prévus pour l’année prochaine, dont il attend toujours la livraison depuis la Corse. « Les agriculteurs ont encore plus besoin de mon travail »insiste celui qui travaille chaque jour pour sauver sa ferme d’un peu moins d’1 hectare.

« Tout a brûlé »

Les dégâts ne lui facilitent pas la tâche. Sans électricité depuis la tempête, son système d’arrosage est SH. La canalisation qui lui permettait de puiser l’eau de la rivière en amont était cassée. Il en est réduit à ramasser la pluie qui stagne sur les restes de ses bâches. A côté de sa serre, sa serre détruite ne protège plus ses fleurs du soleil. « Regarde, tout ça a brûlé depuis »» crie-t-il en désignant ses monsteras, pétunias, pourpiers et soucis qui ont commencé à se flétrir parmi les mauvaises herbes ayant, comme dans le champ de Soihir Babae Ali, envahi la surface.


Combo a perdu une partie de ses plants de bananiers dans la tempête ainsi qu’une grande quantité de graines.
© Marine Gachet / Reporterre

Si le pépiniériste veut réparer ses infrastructures, cela coûte plusieurs milliers d’euros. « Quoi qu’il en soit, pour l’instant, tout le matériel est en rupture de stock »il murmure. Alors avant d’investir dans l’importation de bâches, bâches et filets, il préfère attendre la fin de la saison des ouragans. « On le voit avec Dikeledi qui a fait d’autres dégâtsillustre l’opérateur en montrant des plantes noyées par le passage de la tempête tropicale le 12 janvier. J’ai toujours été sûr de pouvoir faire mon travail. Mais aujourd’hui, je doute. »


Combo montre ses fleurs et ses plantes brûlant au soleil depuis la destruction de son ombrage.
© Marine Gachet / Reporterre

Une débrouillardise nécessaire

La Chambre d’agriculture, de pêche et d’aquaculture de Mayotte (Capam), dont les élections ont été repoussées d’un an pour garantir la poursuite de la gestion de crise, ne peut pas encore accéder à toutes les exploitations pour dresser un bilan, certains itinéraires étant toujours obstrués.

De son côté, Ange Dusom, président outre-mer du syndicat des Jeunes Agriculteurs (ET), a commencé à rédiger des rapports dès le lendemain de la catastrophe. Sur les 22 fermes qu’il a visitées en un mois, il a noté 90 % de serres détruites, 80 % de volailles décimées et tous les bâtiments de ruminants endommagés. Un constat corroboré par la Confédération paysanne, à la tête de la Capam. « Les animaux sont morts ou errants »regrette Christophe Van Hoorne, représentant du syndicat outre-mer.


Au lycée agricole de Coconi, au centre de l’île, des stagiaires ont commencé à construire une serre de bambou d’urgence dans le cadre d’une formation dispensée en partie par l’association Lilo Bambou.
© Marine Gachet / Reporterre

Face à l’urgence, la réponse de l’État tarde. « Pour l’instant ce ne sont que des réunions »déplore Ange Dusom, dont le syndicat a négocié avec le ETFNSEA de faire venir 100 tronçonneuses pour désenclaver les exploitations agricoles avec l’aide du conseil départemental. La débrouillardise est en effet nécessaire. Dans la semaine qui a suivi Chido, le lycée agricole de Coconi, qui a perdu 5 de ses 7 serres, a profité d’une formation financée par des fonds européens pour construire une serre d’urgence en bambou et replanter rapidement.

L’association locale Lilo Bambou, qui a en partie facilité cette formation et lancé une collecte de fonds pour le projet, prévoit également de récupérer les bambous non traités tombés lors de la tempête pour multiplier l’expérience dans la région, même si la première serre reste à terminer. . « Cela va durer deux ans, le temps de construire quelque chose de plus solide »explique Louis Dossal, co-gérant de l’association.

Des mesures insuffisantes

Le projet de loi d’urgence pour Mayotte ne rassure pas Ange Dusom. « Sur les 22 articles, il n’y a pas grand-chose pour le monde agricole, c’est le moins qu’on puisse dire. »se lamente-t-il. Seul l’article 18 mentionne le secteur pour prévoir une suspension des cotisations sociales jusqu’au 31 mars. Parmi les mesures du plan permanent de Mayotte, la sécurité sociale agricole (MSA) a dû verser 1 000 euros aux 1 350 exploitations affiliées, au plus tard le 15 janvier.

Une aide insuffisante pour Christophe Van Hoorne. « Il y a beaucoup plus d’agriculteurs à Mayotte, même si certains ne contribuent pas au MSA et un autre n’est pas déclarése défend le référent Outre-mer de la Confédération paysanne, précisant que 4.500 agriculteurs disposent d’un numéro Siret dans le département. Cette partie est indispensable pour nourrir Mayotte. »

Le 13 janvier, il a rencontré le Premier ministre pour demander que 1 000 euros soient versés à chaque ferme mahoraise pendant un an, puisqu’il faudra huit mois pour que les premières productions sortent des fermes. Il demande également que la restauration des serres ou le transport des animaux de remplacement soient couverts à 100 %. Du côté de ETAnge Dusom réclame dans un premier temps que toutes les aides qui étaient déjà dues aux agriculteurs, comme celle prévue pour la sécheresse de 2023, soient enfin versées. « Certains étaient attendus l’année dernière »il se souvient.

Une lenteur qui ne suscite pas beaucoup d’espoir dans les élevages. Mais pour Combo, c’est le délai d’obtention de cette aide qui déterminera l’avenir de sa production. « Pressé, il n’y a pas de temps. »

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