l’essentiel
Erich Sperling vient de vendre son bateau Le Cri de la Mouette, discothèque connue des amateurs d’électro. Enfant d’après-guerre d’origine polonaise, ce grand capitaine de 78 ans a marqué de son empreinte les nuits toulousaines pendant 45 ans. Portrait.
« En 20 ans, je ne suis jamais tombé à l’eau. J’ai pourtant pris quelques risques», s’amuse Erich Sperling, alors qu’il pose pour une photo, au bord du canal de Brienne, devant la péniche du Cri de. la Mouette. Il n’a plus les clés du bateau depuis le 24 décembre, date à laquelle il a vendu sa discothèque flottante à cinq acquéreurs, dont deux gérants du Rex de Toulouse et un Chevalier du Fiel.
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Casquette vissée sur son crâne chauve (« Je parais dix ans plus jeune quand je la porte »), le grand capitaine des nuits toulousaines vient de prendre sa retraite à l’âge plus qu’honorable de 78 ans. Connaissez-vous beaucoup d’hommes de cette génération qui passent leurs nuits en club ? Malgré des problèmes de santé – il s’aide de bâtons de marche nordique en attendant une opération au dos – il était présent presque tous les soirs sur son bateau de fête. Amarré au pied des ruelles de Barcelone, le lieu ouvrait ses portes de minuit à 6 heures du matin, chaque week-end, aux amateurs de techno. « Tout le monde m’a respecté jusqu’à la fin. Dès qu’il y avait un problème à régler, j’arrivais et Papy calmait le jeu… »
Cela fait sept ans que Cri de la Mouette était en vente. Erich a dû attendre avant de se retirer de la scène, d’autant plus qu’il souhaitait garder l’identité musicale du lieu et que le Covid est arrivé. La nouvelle équipe a conservé la même programmation électro, et sa figure de proue ne hantera plus le ponton. “Calme-toi! C’est ce dont j’ai besoin», confie-t-il. En une vie, Erich a vécu trente ans, et a marqué les nuits toulousaines avec trois établissements phares : le café concert Métropole, puis le bar Erich Coffee, à Saint-Cyprien, et la péniche Cri de la mouette. Quatre décennies de musique et de fête, réalisées à sa manière, en riant et en restant libre. «Je me suis beaucoup amusé. J’ai eu la vie que je voulais”, dit-il. « Je suis toujours resté pauvre, mais j’ai pris plaisir à travailler comme patron, à guider les jeunes. J’étais heureux quand les gens à l’intérieur étaient heureux.
Émigré en Allemagne de l’Est
Sa naissance remonte juste après la Seconde Guerre mondiale, en 1947, dans un petit village polonais, au cœur d’une famille de cinq enfants, contraint d’émigrer en Allemagne de l’Est alors qu’il avait 3 ans. Il a grandi à Berlin. « Mon père a perdu une jambe, la guerre l’a détruit. » Le jeune Erich est passionné de sport. « Je courais très vite, comme un réfugié », plaisante-t-il. Il fait des petits boulots, répare des 2CV, est mannequin, taxi… “J’écrivais des ballades avec des paroles drôles en allemand et je les chantais, j’adore faire rire les gens.” Il voyage en camion, obtient un diplôme d’architecte et quitte son pays pour une grande blonde, toulousaine rencontrée à Ibiza. Arrivé dans la Ville Rose, il ouvre le Métropole, rue de l’Industrie (à la place de l’actuel Frog & Rosbif). C’est l’un des premiers cafés-concerts de Toulouse et il trouve rapidement son public, accueillant des jams à gogo, des lives rock, blues et pop. The Fly & The Tox y font leurs débuts, le chanteur Nicolas devient un ami proche d’Erich.
Puis il déménage et crée Erich Café, dans le quartier de Saint-Cyprien. Un pub débordant d’énergie, qui voit défiler Axel Bauer, Sandoval, Joël Daydé, à grand renfort de bières et de décibels. «Tous ceux qui ont commencé sont venus chez moi. Le son était super fort, s’il devenait trop fort, je le coupais. Les voisins criaient. En fin de soirée, Eric a pris le micro pour chanter « Gloria », de Van Morrison, et faire sortir les clients. Ce sont les problèmes des riverains qui le poussent à quitter la rue Joseph-Vié, après 15 ans de vie.
L’arrivée de la technologie sur le bateau
« Je voulais un club, pour ne pas devoir fermer à 2 heures du matin. Je suis tombé sur cette péniche, l’Atlantis. C’était une poubelle, c’était squatté, mais ce n’était pas cher», se souvient-il. Il le rénove, l’insonorise et le repeint en blanc. Son épouse, Véronique, l’a baptisé « Le Cri de la Mouette ». « Un jour, elle m’a dit à son réveil : ‘Personne ne sait qu’il y a des mouettes à Toulouse et pourtant on les entend tout le temps.’ On y joue de la pop, du funk et toujours du rock. , « jamais de jazz ». Puis le capitaine sent le vent tourner. « Le nombre d’entrées diminuait. Les jeunes ont pris les clés et m’ont montré ce qui fonctionnait. » L’électro est entrée au Cri de la Mouette et elle y règne depuis en maître. « Même si je venais de Berlin, je ne connaissais rien à la techno. Je commençais déjà à être un peu sourd, confie Erich. Mais je sentais qu’une nouvelle ère commençait. J’ai tout ajusté au niveau du son et ce fut un succès. Finalement, j’ai pu me payer correctement, tout le monde était content.
Le Cri de la Mouette devient une scène de référence pour les DJ émergents, qui viennent s’y perfectionner avant de jouer dans des salles plus grandes, comme le Rex ou le Bikini. Erich a gardé son énergie jusqu’au début de 2025, date à laquelle il envisage désormais une vie de repos. « De temps en temps, j’irai voir un gros concert, comme les Stones. J’adore aller sur la côte, à Collioure. Et j’ai aussi envie de faire de longs voyages, je ne connais pas l’Asie… »
Dates clés
1947 Né en Pologne
1950 Arrivée à Berlin
1979 Quitte l’Allemagne et arrive à Toulouse
1981 Opens the concert café Le Métropole, rue de l’Industrie
1988 Lance Erich Café, à Saint-Cyprien
2005 Rachat de la barge Atlantis, sur le canal de Brienne
End of 2024 Retires and sells Cri de la Mouette
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