Vus de Washington, les insultes d’Elon Musk envers Justin Trudeau ont à peine suscité un sourcil haussé. À l’image de la campagne électorale menée par Donald Trump, elle n’a pas été gracieuse, mais il va falloir s’y habituer.
Le tollé suscité ici par la réaction d’Elon Musk aux propos du Premier ministre canadien lors du gala de la Fondation Equal Voice n’a trouvé pratiquement aucun écho aux États-Unis.
Cela dit, Justin Trudeau devait savoir qu’il courait après les ennuis, en commentant le résultat de l’élection présidentielle : « Les États-Unis ont voté pour la deuxième fois pour ne pas élire leur première femme présidente. Partout, les droits des femmes et leur progrès sont menacés.»
Au diable le protocole !
Nous connaissons la suite. L’homme le plus riche de la planète et actuel allié de Donald Trump – on verra combien de - cela durera – a utilisé son propre réseau social pour stigmatiser le leader d’un pays ami : « C’est un crétin insupportable. Il ne restera pas très longtemps au pouvoir.»
Le commentaire d’Elon Musk sentait sans doute la vulgarité, mais le manque de décorum venait en premier, je crois, du premier ministre canadien avec son ton moralisateur à l’égard du choix des électeurs américains.
Rappelons-nous également le type de campagne présidentielle que nous avons vécue. D’un rassemblement politique à l’autre, alors que Kamala Harris insistait sur la menace que Donald Trump faisait selon elle pour la démocratie américaine, il l’a lui-même attaquée personnellement, l’insultant et la dénigrant, bien au-delà des critiques politiques communes.
Trump et les « garçons »
Est-ce que cela a joué contre lui le jour du vote ? Evidemment non ! En fait, Trump fait partie de l’air du - et semble ressentir le pouls du monde ordinaire mieux que quiconque ces jours-ci.
Et ce monde, par exemple, pouvait s’entendre crier sur le parquet de la Bourse de New York jeudi matin, juste avant que le futur président ne sonne la cloche de l’ouverture des échanges à Wall Street : des cris de soutien, voire d’adoration, répétant notamment son « Combattez ! Lutte! Lutte!” du 13 juillet, jour de la tentative d’assassinat contre lui en Pennsylvanie.
Les États-Unis traversent une période de « bromance », de virilité assumée qui s’est clairement manifestée le jour de l’élection présidentielle. Donald Trump a fait émerger un vote qui reste habituellement assis sur son canapé ou devant son ordinateur : de jeunes électeurs masculins, blancs, sans diplôme universitaire, mais aussi afro-américains, hispaniques et asiatiques.
Taylor Swift, Oprah, Beyoncé… bof !
Tandis que Kamala Harris recevait le soutien de Taylor Swift et se retrouvait sur scène aux côtés d’Oprah Winfrey et de Beyoncé, Donald Trump adoptait une stratégie écartant la plupart des grands médias au profit de la manosphère, ce rassemblement informel de podcasteurs, banderoles et des stars des médias sociaux.
Au cours des deux mois précédant les élections, Trump s’est entretenu avec au moins huit podcasteurs – tous des hommes, plusieurs âgés de moins de 35 ans, certains intéressés par la politique, mais d’autres très peu sérieux, et parfois même franchement indécents. Une stratégie qui, malgré tout, a fini par s’avérer payante pour lui.
L’ambiance politique aux États-Unis, après la victoire de Trump et la déconfiture de Harris, est celle d’une masculinité décomplexée qui s’exprime souvent avec crudité.
Nous allons devoir mettre une carapace dure, car au cours des prochaines années, des propos comme ceux de Justin Trudeau deviendront, à mon avis, de plus en plus courants et, fort possiblement, de plus en plus vulgaires.
UNE CAMPAGNE PRÉSIDENTIELLE RICHE EN VULGARITÉS
« Quel président ! Le plus incompétent que nous ayons jamais eu. Le pire président, le plus incompétent et le plus corrompu.
– Donald Trump décrivant Joe Biden à Rome, Géorgie, le 9 mars 2024
“Un faible QI est une personne à faible QI.”
– Donald Trump parlant de Kamala Harris à Greensboro, Caroline du Nord, le 22 octobre 2024
« Le tordu Joe Biden est devenu handicapé mental, mais la menteuse Kamala Harris, je crois honnêtement qu’elle est née comme ça. Il y a quelque chose qui ne va pas avec Kamala. Et je ne sais pas ce que c’est, mais il manque définitivement quelque chose.
– Donald Trump concernant Kamala Harris à Erie, Pennsylvanie, le 29 septembre 2024
«Le Minnesota, patrie de l’homme le pire, le plus stupide… le plus stupide que j’ai jamais vu se présenter aux élections.»
– Donald Trump dans le rôle de Tim Walz, colistier de Harris à Greensboro, Caroline du Nord, le 22 octobre 2024
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