Ce n’est pas une exception française. Dans le monde, les artistes féminines sont moins programmées que les hommes, notamment sur les grandes scènes. Mais les initiatives lancées en Alsace visent à réduire ces inégalités et à donner de la visibilité aux musiciennes.
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Où sont les femmes en 2024 ? Pas évidemment sur les scènes de concerts alsaciennes. Cette année, ils ont encore une fois été largement oubliés dans la programmation des principaux festivals de la région. A la Foire aux Vins de Colmar, par exemple, les femmes célibataires sur scène ne représentaient que 20 % de l’ensemble des artistes programmés. Chez Décibulles, 11%.
Contacté à ce sujet, Nicolas Pierrat, directeur artistique du FAV, donne son point de vue : « Dans la programmation, nous sommes contraints par les artistes qui sont en tournée. Certaines années, nous sommes mieux servis que d’autres. Et ce n’est pas parce qu’on a une femme sur scène que le public sera féminin. Cette année, nous avions par exemple Patrick Bruel et le public était très féminin.
Malgré tout, le chiffre est saisissant. Selon un inventaire du Centre national de la musique, les femmes ne représentaient que 17 % des têtes d’affiche programmées en France en 2019, tous types de scènes confondus.
Et en cinq ans, rien n’a changé. Pour de nombreuses artistes féminines, il s’agit d’une situation avec laquelle elles ont dû apprendre à composer. « Laisser de la place aux femmes dans ce milieu n’est pas inné. Même devant votre public, vous devez vous affirmer. » explique Nouffissa Kabbou, musicienne franco-marocaine basée à Strasbourg. « Mettre cette dureté sur ton visage pour dire : c’est moi qui décide. »
Nisni, un beatmaker strasbourgeois de 19 ans, a décidé de ne pas s’adapter à ce milieu majoritairement masculin : «En France, il n’y a pas de figure féminine dans le beatmaking [composition de mélodies sur un logiciel]. En studio, j’ai senti un vide. Dès que je proposais quelque chose, cela était mis de côté. Mais je ne veux pas me changer pour être accepté. Je veux que nous [les femmes] imposons notre style, montrons-nous, je veux casser les codes masculins.
Pour compenser cette sous-représentation des femmes dans le monde de la musique, Nouffissa Kabbou espère voir les choses changer : « Au niveau local, des moyens doivent être mis en place pour soutenir la création musicale et artistique des femmes, et pour qu’elles soient plus visibles sur la scène musicale.
Et le processus a déjà commencé, à travers plusieurs actions à Strasbourg.
Le festival Music&lles, organisé par Sturm Production, s’appuie sur une programmation exclusivement féminine. “Avant, nous organisions une saison complète, mais nous n’avions salle comble qu’en mars et novembre, lorsque les médias parlaient de la journée des droits des femmes et de la conférence contre les violences faites aux femmes. Alors maintenant, nous organisons un festival deux fois par an à ces dates. » explains Séverine Cappiello, the director.
Et ce festival poursuit deux objectifs : mettre en valeur le patrimoine musical, »un mot qui existe depuis le 13e siècle”précise Séverine Cappiello, et interroge la question du genre au sein du secteur musical.
Pour inciter les femmes à s’engager dans la création musicale, les associations se tournent souvent vers des ateliers de « mixage sélectionné ». C’est-à-dire réservé aux femmes ou aux personnes sexisées (transgenres ou non binaires).
Nouffissa Kabbou, qui anime une série d’ateliers créatifs au sein du festival Music&lles, explique la démarche : “Il ne faut pas voir cela comme une guerre des sexes, mais plutôt comme un moyen de créer un espace d’expression et d’intimité commune entre les femmes.”
Pour Céline Petrovic, qui a fondé le programme wom.x (pour woman who mix : femmes qui mixent) à Strasbourg en 2021, ces ateliers permettent aux femmes de développer la technique mais aussi la confiance en elles. “[Pour être DJ]il faut se sentir légitime pour monter sur scène. En plus des ateliers de mixage, nous organisons des discussions pour identifier les situations de sexisme […]pour pouvoir surmonter cela.
L’association Horizome, qui accueille des jeunes du quartier dans son studio d’enregistrement de Hautepierre (Strasbourg), s’est également laissée tenter. “Nous avons peut-être 10 % de filles qui franchissent la porte du studio. deplores Grégoire Zabé, its president. “Nous essayons donc d’offrir un petit plus aux jeunes femmes qui souhaitent expérimenter. [Dans le cadre de Music&lles]nous avons proposé un atelier animé par le beatmaker Nisni et dédié à un public féminin.
Et ces premières initiatives alsaciennes commencent à porter leurs fruits. Céline Petrovic se réjouit d’avoir pu propulser une quinzaine de jeunes femmes sur le devant de la scène électro : «Nous en avons même un qui mixe à Berlin maintenant. Et un autre à Londres.
Pour sa directrice, wom.xa a réussi à faire bouger les choses dans la capitale alsacienne. “Au cours des dernières années, nous avons vu les choses évoluer. À Kalt [célèbre club électro de Strasbourg]c’est dans leur charte de programmer autant de femmes que d’hommes. Et dans de nombreux endroits, il ne viendrait plus à l’esprit des gens de sortir le soir uniquement avec des hommes.
Rendez-vous dans quelques années pour juger du succès de ces actions.
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