Mamuor, top model malgré lui : “Quand j’ai été repéré, j’ai cru que c’était une arnaque”

Issu de l’ethnie Dinka, un peuple d’éleveurs du Soudan du Sud, Mamuor était loin d’envisager ce métier en grandissant. Depuis son « petit village », et alors que le Soudan du Sud est ravagé par des conflits ethniques qui ont fait près de 400 000 morts depuis 2020, l’enfant unique choisit finalement de partir à Paris en 2021, après un entretien Zoom de 5 minutes avec Elite, sa future agence : « J’ai décidé de partir une fois qu’on a réglé toutes les formalités administratives, et notamment mon passeport. Si je me lance dans une aventure, bonne ou mauvaise, je la mène d’abord jusqu’au bout et j’en parle ensuite à mon entourage. Alors quand j’ai été repéré, je n’ai prévenu personne. J’ai attendu la semaine avant mon départ pour le dire à ma mère. Elle s’est mise à crier et m’a dit : ‘si tu veux mourir, fais-le seul’. Je me suis dit : ‘ok, je la prends au mot, je ferai tout tout seul.’ Et si ça marche, je la rappellerai et je lui enverrai l’argent dont elle a besoin.

A Paris, il n’aura fallu que quelques mois à Mamuor pour s’imposer sur les podiums, et passer du statut de mannequin au statut convoité de « top » modèle. « Tout le monde était captivé par son visage. Mamuor avait un physique si fort, si spécial. On s’est dit qu’on ne pouvait pas passer à côté », insiste Antoine Guyot, son agent chez Elite. Entre deux défilés, la nouvelle mannequin sort à peine de son appartement : « J’étais tellement excitée à l’idée de tout voir, d’aller partout, mais quand je suis arrivée à Paris, il faisait tellement froid. Il faisait si froid pour moi que je restais enfermé dans mon appartement. Une transition qui lui prendra quelques mois, mais qui ne l’empêchera pas de travailler. Et briller.

De l’homme Balmain au créateur de sa propre marque

En moins de 5 ans, il devient le favori des grandes maisons, à commencer par Balmain. Olivier Rousteing, le directeur artistique de la marque française, est l’un des premiers à lui faire confiance. « Il s’est imposé dans l’industrie plus que d’autres profils grâce à sa ténacité et sa force de caractère. Au-delà de sa beauté, il a une réelle envie de réussir, une force de conviction incroyable, et une vision mode très aiguisée. Il sait s’approprier les codes des maisons avec lesquelles il travaille », analyse Olivier Rousteing. Et le Bordelais en a fait la figure de proue d’une bonne partie de ses défilés masculins où le Sud-Soudanais impressionne par son magnétisme, et son aisance – elle encore ! – sur le podium. « Il y a eu un avant/après Mamuor. L’industrie s’est par la suite montrée beaucoup moins frileuse quant à la réservation de ce type de physique. Tout le monde a pris les devants. Créateurs [comme Olivier] ont ainsi permis de développer une nouvelle génération de modèles masculins », ajoute Antoine Guyot. De Rousteing, Mamuor dit aussi qu’« il est talentueux, beau, le meilleur gars que j’ai rencontré dans ma vie ». “Un mélange de précision et d’élégance innée”, dit Rousteing à propos du garçon.