Fin septembre, Flore Benguigui annonçait son départ du groupe français L’Impératrice. Sur Instagram, la chanteuse a souligné des problèmes de santé mentale et « profonds désaccords personnels et artistiques » avec les autres musiciens. Mais la réalité est encore plus sombre. Ce week-end, le musicien français a livré un témoignage choc à nos confrères de Mediapart. La chanteuse du tube « Agitations Tropiques » raconte avoir vécu neuf années dévastatrices au sein de L’Impératrice où, bien qu’elle apparaissait comme la leader aux yeux du public, elle était constamment rabaissée et « humilié » selon elle. ” On m’a toujours dit que j’étais un mauvais chanteur, que je chantais faux ou pas assez fort. » commence-t-elle en révélant que la scène live a été l’étincelle qui a mis le feu aux poudres : « C’est un groupe avec beaucoup d’instruments, il y avait un mur d’amplis sur scène. Très vite, il y a eu cette pression pour me faire chanter plus fort ».
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“J’avais l’impression de tricher, de mentir”
Pour pallier à cela, les membres décident d’utiliser des séquences vocales en concert : « Ce que les gens entendaient dans la salle était à 50 % ma voix en direct et à 50 % ma voix préenregistrée. Ils ont dû utiliser cet artefact pour pouvoir m’entendre dans la pièce. C’était très difficile à vivre parce que j’avais l’impression de tricher, de mentir au public. « . Selon le chanteur, les autres musiciens ont estimé que « la voix est venue en dernier » dans le processus créatif : « J’ai dû m’adapter tout le temps. Au fil des années, j’ai perdu toute confiance en moi dans tous les domaines. J’en suis arrivé à un point où je me suis dit que je ne méritais pas d’être là. « . Vivre avec « le sentiment d’être constamment licencié », Flore Benguigui a tout fait pour ressentir » indispensable » within L’Impératrice: “ Gérer les réseaux sociaux, faire du merch, styliser, laver et repasser les tenues de scène de chacun… ».
« J’avais l’image d’une personne puissante : j’étais la frontwoman d’un groupe qui tourne beaucoup, j’écris mes textes, je réponds aux interviews… On a l’impression que j’ai le contrôle, mais il y avait un contrôle constant sur deux des les membres du groupe et le manager » poursuit-elle, révélant que même ses discours sur scène étaient « contrôlé » et devait être « validé » par d’autres membres. Durant ses neuf années au sein de L’Impératrice, l’artiste de 32 ans dit avoir vécu une alternance de ce que l’on appelle le love bombing (” Ils m’ont offert beaucoup de cadeaux “) et les moments où elle l’était” rabaissé et humilié » : « Ils pouvaient me crier dessus devant les autres membres du groupe. Il est même arrivé qu’un des membres me menace physiquement. C’est presque allé assez loin ».
“J’ai dû m’enfuir”
Sentiment ” sous influence » (« J’étais constamment avec cinq, voire neuf hommes ), Flore Benguigui a fini par perdre la voix, courant 2021, face à un stress constant. En studio pour le deuxième album « Tako Tsubo », elle raconte avoir vécu « une sensation d’étouffement » lors de l’enregistrement de la chanson « Submarine ». Réponse de son collègue ? ” “Si tu avais travaillé plus, tu aurais pu vaincre ton stress” « . Ce qui l’a obligée, pendant un an et demi, à effectuer du lip sync sur scène. Sauf qu’aucun des membres ne lui aurait témoigné la moindre compassion : « Personne ne pensait que je devrais arrêter. (…) Pendant un an et demi, j’ai essayé de chanter le plus possible, j’étais presque en play-back. Pour un chanteur, c’est une énorme humiliation. (…) Le soir je pleurais systématiquement, tout le monde le voyait. J’étais déprimé, sous anxiolytiques ».
En ces temps très difficiles, le groupe doit enregistrer son troisième album « Pulsar » dans quelques mois seulement, afin d’assurer une nouvelle tournée et surtout un concert au festival de Coachella en avril 2024. Pour Flore Benguigui, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase : ” C’est la tournée qui a dicté la composition. L’argent a guidé tout le processus créatif « . Si elle exprime ses réticences, étant « dans un état physique et mental encore extrêmement faible », le dirigeant lui aurait dit qu’elle « n’avait pas pas le choix « . Ironiquement, Flore Benguigui trouve amusant que le groupe ait validé le choix du nom de l’album « Pulsar », une étoile morte qui continue de briller, car c’est exactement ce qu’elle dit ressentir depuis plusieurs années. Les paroles de cet album évoquent également ce malaise constant, même si peu de gens le comprennent. La chanteuse se retrouve alors face à un dilemme et prend sa décision de quitter le groupe : « Si je ne pars pas maintenant, je ne partirai jamais. Si je n’étais pas parti avant la grande tournée, je ne sais pas comment j’aurais survécu. J’avais perdu tout contrôle. (…) J’ai dû m’enfuir « . Et Flore Benguigui déplore « le sexisme tellement établi et puissant » dans l’industrie musicale.
Ce témoignage choc, vu plus d’un million de fois sur les réseaux sociaux et partagé en masse, a été publié ce week-end alors que L’Impératrice donnait deux concerts à l’Olympia avec sa nouvelle chanteuse, Louve. Dans l’article de Mediapartles membres restants du groupe se défendent contre » la gravité des faits » : « Il n’y a jamais eu de contrôle sur ses discours. Au contraire, Flore s’est toujours exprimée librement sur ses projets personnels et les causes qu’elle défend, notamment à travers ses réseaux personnels. « . L’Impératrice assure que « allocutions » et « traitement vocal « live » » sont des décisions prises et validées collectivement. ” Si l’investissement et l’attention que nous lui avons apportés n’ont pas suffi, nous ne pouvons que le regretter. En tout cas, nous lui souhaitons le meilleur pour la suite. » concluent-ils alors qu’ils poursuivent leur tournée européenne jusqu’à la fin de l’année. Depuis, Flore Benguigui a reçu le soutien de nombreux chanteurs tels que Pomme, Zaho de Sagazan, Silly Boy Blue, mais aussi Terrenoire ou Voyou et même l’actrice Judith Godrèche, devenue le symbole de #MeToo dans le cinéma français.
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