Le célèbre chef britannique est actuellement en Australie, non pas pour promouvoir le roman incriminé, mais son dernier livre de cuisine, Simplement Jamie. Malheureusement pour ce dernier, ce n’est pas celui-ci qui fait la une de l’actualité, mais la suite de son premier ouvrage d’enfant, Billy et l’aventure géantepublié en 2023.
« je suis dévasté »
En question : l’intrigue secondaire de Billy et l’évasion épiquesitué en Australie, accusé de perpétuer des stéréotypes néfastes et de banaliser des histoires complexes et douloureuses, par la NationalAboriginal and Torres Strait Islander Education Corporation. Cette association entend œuvrer en faveur des communautés des Premières Nations d’Australie et a exhorté Jamie Oliver à retirer son livre de la vente.
Le roman met en scène une jeune fille des Premières Nations, Ruby, vivant en famille d’accueil dans une communauté près d’Alice Springs, qui est kidnappée par le méchant du roman et qui possède des pouvoirs magiques.
Les critiques ont particulièrement souligné la manière dont les pouvoirs de la jeune fille étaient décrits, considérés comme une simplification excessive des croyances spirituelles élaborées des Premières Nations, réduites à un simple « » magie », et comment l’ouvrage n’a pas réussi à faire la distinction entre les différentes langues et traditions de ces peuples. En particulier, il a été noté que le personnage de Ruby utilisait les termes des Premières Nations de manière irréaliste, compte tenu de la région où elle a grandi.
Par ailleurs, selon l’association, la représentation des enlèvements d’enfants « banalise dangereusement le traumatisme persistant associé à l’histoire violente du retrait d’enfants en Australie ».
Face à la polémique, le chef étoilé a déclaré, au Tuteur : « Je suis dévasté d’apprendre que j’ai causé du mal et je m’en excuse sincèrement. » Et d’ajouter, avec le New York Times : « Je n’ai jamais eu l’intention de mal interpréter cette question profondément douloureuse. Avec mes éditeurs, nous avons décidé de retirer le livre de la vente. »
L’éditeur du livre pour enfants, Penguin Random House UK, a également exprimé ses regrets, reconnaissant le manque de consultation des communautés ou des individus autochtones avant la publication du livre. ” Ce fut une erreur de notre part de ne pas l’avoir fait. Cela aurait dû être fait, l’auteur l’avait demandé et nous nous en excusons sans réserve. », a déclaré l’entreprise.
Autrement dit, il a raté le fameux « lecteur de sensibilité » (ou démineurs éditoriaux, en français), qui fait couler tant d’encre et de pixels. L’auteure de Kooma Nguri, Cheryl Leavy, descendante d’Australiens indigènes, va plus loin en parlant de « normes industrielles de base » qu’il s’agirait d’appliquer, avec l’usage de « conseillers experts » pour tout « sujet sensible ».
Anita Heiss, auteure Wiradjuri – un groupe autochtone – et éditrice d’une maison du groupe Simon & Schuster dédiée aux Premières Nations, Bundyi Publishing, déclare pour sa part : « Les membres des Premières Nations doivent être impliqués à chaque étape du processus, de l’acquisition à la publication en passant par les ventes et le marketing. C’est seulement alors que nos histoires seront racontées avec tout le respect qu’elles méritent. » Et d’ajouter : « Il n’y a pas de place dans l’édition australienne (ou ailleurs) pour que nos histoires soient racontées à travers une lentille coloniale, par des auteurs qui ont peu ou pas de lien avec les personnes et les lieux sur lesquels ils écrivent.. »
De l’effacement à la réhabilitation
La question des premiers peuples dans des pays comme l’Australie ou le Canada reste très sensible, car elle touche à la fois à l’histoire coloniale et aux dynamiques contemporaines de reconnaissance et de réconciliation. Au Canada, les peuples des Premières Nations, les Inuits et les Métis ont été historiquement marginalisés et leur culture est souvent déformée ou ignorée.
En réponse, un mouvement croissant visant à inclure les voix des peuples autochtones dans la littérature et les arts, et à ce que leurs représentations soient authentiques et respectueuses, s’est développé. Parmi les acteurs de cette initiative, on peut citer l’éditeur Mémoire d’Encrier, basé au Québec et dirigé par Rodney Saint-Éloi et Yara El-Ghadban.
En 2019, dans une démarche affichée de réconciliation avec les premiers peuples, le Conseil scolaire catholique Providence en Ontario a pris la décision controversée de détruire 5 000 œuvres. Suzy Kies, qui s’est présentée comme une « gardien du savoir » indigènes, avaient lancé cette initiative, dénonçant les stéréotypes néfastes véhiculés par ces livres.
Cette initiative comprenait un incendie lors d’une cérémonie de purification, où une trentaine de livres, dont des bandes dessinées commeAstérix, Lucky Luke et Tintin, ont été brûlés. Ils étaient visés pour leurs contenus jugés stéréotypés et racistes.
En Australie, la situation est similaire chez les aborigènes et les insulaires du détroit de Torres, où la lutte contre les stéréotypes dans la littérature et dans d’autres formes de médias est également devenue une préoccupation majeure.
Crédits photo : Scandic Hotels (CC BY-SA 3.0)
By Hocine Bouhadjera
Contact : [email protected]
Related News :