Disparu dimanche soir à l’âge de 91 ans dans sa somptueuse demeure de Bel Air à Los Angeles, Quincy Jones entretenait des relations de longue date avec la France et notamment Saint-Paul-de-Vence, Saint-Jean-Cap-Ferrat et Saint-Tropez. où il se rendait chaque été dans le sillage de son grand ami Eddie Barclay, comme lui producteur et musicien. Il a continué à y jeter l’ancre ces dernières années pour des sorties à la plage et de longues nuits de fête, avant que la pandémie et l’âge ne le rattrapent.
Parmi le cercle des (très) amies proches, la Tropézienne d’adoption devenue presque « Madame Jones », Caroline Barclay, évoque entre émotion et admiration cette figure de la entreprise de musique qui a travaillé avec Sinatra et Michael Jackson, dont il a produit la trilogie magique Hors du mur, Thriller et Mauvais.
Comment vivez-vous ce départ de votre ami de quarante ans ?
Très difficile de se réveiller avec cette nouvelle… Les messages en provenance des Etats-Unis ne s’arrêtent pas… Je l’ai encore eu en appel vidéo il y a un peu plus d’un mois. Il était faible, marchait lentement, mais à ma connaissance il n’était pas malade et était sain d’esprit… J’étais resté avec lui l’année dernière à Los Angeles. Nous avons regardé ces milliers de photos pleines de souvenirs… En effet, il ne sortait quasiment pas de chez lui depuis la crise sanitaire de peur d’attraper à nouveau le covid qui avait failli lui coûter la vie… Lorsqu’il le recevait il fallait aussi faire un test avant d’entrer dans le pays. porte. Il avait des poumons très fragiles et avait aussi déjà dû lutter contre plusieurs pneumonies…
À quand remonte la rencontre fondatrice avec cette figure unique ?
Je l’ai rencontré lorsque je suis entré dans la vie d’Eddie Barclay en 1986. Quincy se rendait chaque été au Montreux Jazz Festival dont il était coproducteur. Nous y avons passé notre temps avec lui, entourés d’artistes. Des moments fabuleux. Ensuite, il revenait avec nous à Saint-Tropez pour soi-disant se « reposer » (rire), mais en réalité on continuait en mode fiesta parce qu’il adorait sortir en boîte, que ce soit aux Caves du Roy, où se trouvait le Barclay’s Club. logé. à l’époque, puis avec Jean-Roch qu’il aimait beaucoup. Boire des nuits jusqu’à ce qu’il arrête de boire il y a une dizaine d’années ! Avoir Quincy Jones chez lui à Ramatuelle signifiait forcément la visite de tous ses amis artistes. De Jack Nicholson à Liza Minnelli en passant par Elton John et les plus grands jazzmen tandis qu’Eddie lui fait découvrir Picasso, Bardot ou encore Sinatra à Monaco !
La France et Quincy, une longue histoire ?
Il arrive à la gare d’Orsay en 1957 avec l’orchestre de Lionel Hampton dont il est alors trompettiste. Eddie, qui était ami avec Hampton, s’est sympathisé avec Quincy et il est finalement resté à Paris ! C’est là qu’un tournant s’opère dans sa carrière puisqu’il devient l’élève de la très influente pianiste-compositrice Nadia Boulanger. Fort de ses talents d’arrangeur, Eddie l’engage comme directeur artistique de sa maison de disques où il s’occupe des albums d’Henri Salvador, Michel Legrand, Aznavour, etc. Il adore aussi la vie « française » qu’Eddie lui fait découvrir. C’est à dire de bons repas, de bons vins… C’était à la fois un esthète et un enfant curieux. Il voulait tout savoir et tout voir sans jamais se considérer comme une star même s’il était proche de Chirac, Clinton ou Obama avec qui il parlait encore régulièrement au téléphone…. Il voyageait partout et parlait cinquante langues. Son truc, c’était de dire qu’en apprenant cinquante mots de toutes les langues, on pouvait communiquer partout !
L’amitié avec Quincy est-elle allée bien au-delà de la fête ?
Oui. Il m’a toujours donné de bons conseils, notamment sur l’éducation de mes enfants. Lui-même était le père exceptionnel de sept enfants issus de cinq relations. Ils ont tous énormément réussi. La fille qu’il a eu avec Nastassja Kinski est mannequin et cavalière talentueuse, une autre est actrice-productrice, son fils est producteur de rap, etc. Il faut reconnaître qu’il était un père fantastique, mais aussi un homme à femmes. Il m’a lui-même proposé (en riant), ce qui m’a extrêmement surpris car je l’aimais d’un amour inconditionnel, mais pas physique. Il ressemblait plus à une famille. Une figure paternelle.
Un génie espiègle doublé d’un grand séducteur
Lorsqu’il évoque ce génie musical qu’Eddie Barclay lui a fait découvrir il y a trente ans, Jean-Roch garde à vie ses discussions sur la réalisation des chefs-d’œuvre de Michael Jackson ou les coulisses de l’enregistrement de l’hymne « We Are The ». Monde”.
« C’était un Dieu de la musique, mais quelle simplicité ! Après avoir fait venir les plus grands musiciens de la planète, c’est lui qui fit apposer ce message sur l’entrée du studio : « Laisse ton ego au vestiaire » ! Je garde aussi de lui ce regard malicieux et l’aura du grand séducteur », souligne le patron du VIP Room en transit ce lundi entre sa Toulon natale et Saint-Tropez.
Reste une autre scène, Ramatuelloise celle-là. ” Quand vous avez ouvert la porte de Barclay’s, Quincy jouait toujours du piano ! Je marchais sur la pointe des pieds pour ne rien rater et surtout pour ne pas le déranger. », poursuit celui qui a offert à Bob Sinclar la surprise de sa vie en lui faisant découvrir la légende un soir de l’été 2009 au VIP Room.
Le résultat est une photo ensemble dans le plus pur style Quincy, à savoir avec le bras tendu au-dessus de la tête. ” Il a systématiquement pris cette pose. Je lui ai demandé ce que cela signifiait ? Il m’a dit que ce signe représentait le soleil ! », conclut Jean-Roch qui vient de perdre une de ses étoiles qui prétendait descendre d’un musicien français, Nicolas Lanier, joueur de flûte et cornet, décédé en 1611.
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