Vaea Sylvain est décédée récemment à Paris. Elle avait 74 ans. Le talent de cet artiste d’une beauté indéniable a été reconnu tant au niveau local qu’international. Elle laisse derrière elle une œuvre immense, un héritage fièrement entretenu par sa famille.
“Papa voulait faire un film avec elle !”» dit Maima Sylvain en regardant le portrait de sa sœur Vaea récemment décédée à Paris. Sur un tirage légèrement délavé, Vaea fixe l’objectif de son père photographe et évoque ces actrices des années 70-80. “Elle avait des yeux fantastiques, même lorsqu’elle était bébé, elle avait des yeux incroyables”. Ils étaient bleu-vert.
Vaea aurait vraiment pu utiliser cette beauté pour faire carrière au cinéma. Il n’en était rien. Tout ce qu’elle voulait, c’était attirer l’attention sur ce qu’elle créait : des dessins et de nombreuses peintures. Des œuvres qui ont fait d’elle une artiste hors du commun. « Vaea n’était pas mannequin, elle était avant tout une artiste dans toute sa splendeur, c’était une très belle femme, très courtisée. Je pense que Vaea était un personnage extraordinaire, hors du commun, partout où elle allait, elle monopolisait l’attention, ne serait-ce que par son regard”, remarque Teva, son frère photographe connu pour ses photos de vahine.
Vaea peignait constamment. Un virus attrapé sur le lieu de travail, transmis entre autres par « Des artistes polynésiens comme François Ravello qui lui a donné les bases pour apprendre à peindre »ajoute Teva. Après son baccalauréat « elle n’avait aucune formation en beaux-arts… elle a su comprendre la peinture et a développé son art de peindre, c’est ce qu’on appelle une autodidacte ».
Sa passion pour la peinture était en fait son œuvre. « Le travail, le travail, j’adore ça. Et plus c’est difficile, plus j’aime ça. Et quand c’est facile, je m’ennuie. Alors qu’en réalité rien n’est vraiment facile et donc rien ne me dérange. Pour moi, cela résume assez bien la situation, car ce qui semble facile ne l’est pas et ce qui est difficile est ennuyeux.» a écrit Vaea. La marque des vrais artistes. 95 % de sueur et 5 % de talent, disent-ils.
Une œuvre largement reconnue, ici comme ailleurs. « Elle faisait tout le temps des allers-retours, elle voyageait tout le temps, et elle travaillait tout le temps on va dire… Elle a fait beaucoup d’expositions, aux Etats-Unis, en France, au Japon, partout. En fait, elle ne s’est pas arrêtée. [long] CV, elle n’a jamais arrêté… Elle écrivait, elle peignait, elle n’a jamais arrêté en fait »reconnaît Maima, la « petite » dernière du clan Sylvain.
Et c’est dans la maison familiale de Punaauia que certaines de ses œuvres sont exposées. On voit que Vaea a touché à tous les genres. Pointillisme, surréalisme, figuratif… “On ne peut pas la mettre dans un moule… elle n’a pas vraiment de style car elle a tout le temps évolué”précise Maïma. Avec grâce et beauté. Comme ces croquis représentant des scènes ordinaires de la vie locale. Ici, un orchestre kaina, là des danseurs, un peu comme Boullaire. Ou encore ces deux tableaux accrochés dans le salon dévoilant une étude sur le drapé. Sur la plus petite, une jeune vahine est allongée. “C’est moi qui dors!”s’exclame fièrement Maima. A côté, dans la chambre de leur mère Jeanine, on sent l’influence de Gauguin : Vaea peint des femmes marchant ou assises vêtues d’un simple paréo.
Et la comparaison ne s’arrête pas à la peinture. Par écrit aussi. « Je vois la peinture de Vaea comme quelque chose d’assez exceptionnel, c’est une artiste talentueuse, extraordinaire dans sa peinture, mais elle a quelque chose de particulier qu’on retrouve chez Gauguin, c’est à dire que la peinture de l’artiste s’appuie aussi sur son écriture. Et Vaea écrit dans D’une manière extraordinaire, Gauguin s’est aussi exprimé de manière particulièrement incisive, mais pour Vaea, c’est la sensibilité d’une femme qui s’exprime sur des sujets variés. , avec beaucoup de profondeur »précise Teva Sylvain, « en tout cas, c’est une artiste qui restera ici, son nom persistera certainement dans la culture locale justement parce qu’elle a apporté un complément à sa peinture, c’est-à-dire l’écriture ».
Peinture, écriture et aussi sculpture. Parmi les dernières œuvres qu’elle a réalisées, « une sculpture sur plexiglas, elle a sculpté un tiki et a été exposée en 2014, avec des artistes très connus comme Picasso. Elle a fait un chef-d’œuvre »lâcha Maïma.
On l’aura compris, le clan Sylvain est plus soudé que jamais et en admiration après le décès de cette sœur à la beauté envoûtante et à la créativité sans limite.
Sur une photo en noir et blanc, Vaea peint dans son atelier comme si elle allait à la plage, coiffée d’un chapeau de soleil et simplement en bikini ! « Elle était inclassable [comme son œuvre], elle était à l’aise partout, en ville, sur un motu”déclara Maïma, “sur l’eau [aussi], elle était championne polynésienne de ski nautiquee [vers l’âge de 15 ans], comme Teva après”.
Un touche-à-tout dont le moteur était sans aucun doute son amour inconditionnel de la vie. « Vaea aimait vivre, elle appréciait les plaisirs de la vie, comme la cigarette à outrance, je crois qu’elle brûlait la bougie par les deux bouts ! Elle est décédée à l’âge de 74 ans, elle a vécu une belle vie”remarquez, apaisé, Teva.
Bien qu’elle ait eu de nombreux courtisans, sa sœur n’a pas eu d’enfants. Certains diront que ce sont ses créations qui appartiennent désormais à ses proches. « Elle nous a laissé des œuvres d’art fantastiques, nous ne l’oublierons donc jamais. [Son âme est toujours dans ses œuvres ?] Oui, bien sûr !dit Maïma.
Un riche patrimoine artistique, fruit d’une activité intense et d’une liberté sans limites : « Je suis absolument certain qu’un artiste est comme le vent : personne ne peut dominer le vent, il faut le laisser faire. Encadrer l’artiste, c’est le mettre en prison, c’est la fin de l’art.» a écrit Vaea.
L’artiste sera bientôt incinéré à Paris. Puis ses cendres seront ramenées par son frère à Tahiti.
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