Pierre Domecq, le roi de l’eau-de-vie de Jerez était béarnais

P.Pierre Domecq, originaire d’Usquain, a grandi à Sauveterre-de-Béarn avant de commencer ses études au collège Moncade à Orthez. Après ses années de formation à Londres, Paris puis Jerez auprès de son oncle commerçant, Juan Pedro Domecq Lembeye, il lui succède à la direction de la maison espagnole de vins et spiritueux Pedro Domecq.

L’histoire de Pierre Domecq n’est pas anodine, comme aime à le rappeler Diego de Isasi, descendant des Domecq en Béarn : « Dès son arrivée en Espagne en 1842, il hispanisa son nom en Pedro Domecq Loustau et se vit très tôt confier fonctions de direction dans l’entreprise familiale dont il prend la direction après le décès de son oncle en 1869. À partir de 1874, il innove en transformant l’eau-de-vie obtenue à partir du vin de Jerez en un produit commercialisé sous la marque Coñac Fundador, permettant ainsi à l’eau-de-vie de Jerez de concurrencer Cognac français.

Ce Béarnais a toujours gardé des liens très forts avec sa région natale. Il passait ses étés dans la maison familiale de Saint-Gladie, près de Sauveterre-de-Béarn, pour échapper à la chaleur andalouse.

Un commerçant innovant

Ce jeune Béarnais, né le 11 septembre 1824 dans une famille de petits propriétaires agricoles, remarqué adolescent par son oncle le commerçant Juan Pedro Domecq Lembeye, fut aussi un innovateur incessant. À partir de 1879, il développe la production d’un vin mousseux selon la « méthode champenoise » et de vin rouge à la manière bordelaise, outre le xérès ou sherry qui est alors le produit espagnol le plus exporté vers l’Angleterre.

L’histoire ne s’arrête pas là, et bien que Pedro ait eu dix enfants de son mariage avec l’Espagnole Carmen Núñez de Villavicencio, il reproduira son parcours en favorisant l’éducation d’un de ses neveux béarnais, Théodore Montesquiut, également diplômé de l’ESCP et qu’il appellera à son tour à ses côtés. Un système original de cooptation d’oncle à neveu, gage de dynamisme à la tête de la Maison Domecq.

Une famille illustre et bienfaitrice

Dans les années 1990, l’entreprise familiale est fusionnée avec le groupe britannique Allied Domecq avant d’être rachetée par la société française Pernod Ricard, qui la revend ensuite. ESCP Madrid vient de célébrer le 200ème anniversaire de la naissance de Pedro Domecq Loustau en réunissant plusieurs de ses descendants ainsi que des membres de la communauté des anciens élèves en présence de l’infante Elena d’Espagne, lors d’un hommage qui a permis d’honorer son héritage et célébrer ses nombreuses œuvres caritatives.

En signe de gratitude, la famille Domecq a fait poser une plaque commémorative sur le campus de l’ESCP Madrid. Mais le roi de l’eau-de-vie de Jerez n’a jamais oublié ses compatriotes béarnais, insiste Diego de Isasi : « En 1893, il fit don de sa maison d’enfance à la paroisse de Sauveterre-de-Béarn afin qu’elle soit utilisée pour une institution dédiée à l’éducation, aujourd’hui la lycée privé rural Notre-Dame ». La première promotion d’infirmières auxiliaires et d’assistantes puéricultrices y verra le jour en 2025.

Une dynastie renommée avec une descendance diversifiée

Ancêtre de tous les Domecq espagnols, Pedro Domecq décède en septembre 1894 à Saint-Gladie. En reconnaissance des bienfaits apportés par le couple, sa veuve reçut du pape Pie l’industrie espagnole le titre de marquise de Casa-Domecq.

Depuis l’année dernière, une série de commémorations ont eu lieu en Espagne, réunissant plus de cinq cents de ses descendants à Jerez. L’histoire des Domecq est une histoire de va-et-vient entre le Béarn, leur région d’origine, et l’Andalousie, puisque dans les années 1950 Juan Pedro Domecq lors d’un voyage décide de s’installer à Saint-Gladie et de s’enraciner là où ses ancêtres étaient partis. deux siècles auparavant.

Cette famille, d’abord agriculteurs béarnais et commerçants de Cadix, s’est transformée au fil des générations en une famille de grande bourgeoisie industrielle viticole et d’aristocrates fonciers locaux formés au commerce international en Angleterre et à Paris. Le génie de la deuxième génération de Pedro Domecq fut aussi de combiner le monde du vin et celui de la tauromachie.

La célèbre ganaderia Juan Pedro Domecq est à l’origine de l’actuel troupeau de taureaux de combat. Autre héritier, le célèbre rejoneador Alvaro Domecq, décédé en 2005, fut maire de Jerez de 1952 à 1957 et qui, à la fin de sa vie, refusa de parler espagnol, fier de ses attaches béarnaises.