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Seule devant le silence, La Tulipe et le triste sort des salles de spectacle de Montréal

La semaine dernière, la fermeture de La Tulipe, lieu emblématique du Plateau Mont-Royal, a créé une onde de choc dans le milieu culturel montréalais. La Cour d’appel du Québec a ordonné l’arrêt de toute amplification sonore après qu’un promoteur immobilier voisin ait invoqué avec succès les règlements municipaux sur le bruit. Cette décision rappelle les défis auxquels sont confrontés les lieux culturels à Montréal.

La Tulipe n’est que le dernier d’une série de lieux concernés par la réglementation sur le bruit. Même si ces réglementations visent à protéger la qualité de vie des résidents, elles négligent les besoins spécifiques des salles de spectacle.

En criminalisant à la fois la musique en direct et enregistrés, ces règlements interdisent toute forme de son amplifié audible hors des murs des salles de spectacle, ce qui limite leur capacité à créer une ambiance dynamique dans une ville réputée pour son effervescence. De plus, ils imposent des amendes pouvant atteindre 12 000 $, ce qui met en danger l’avenir de ces espaces culturels.

En tant que directeur général des Scènes de musique alternatives du Québec (SMAQ), l’association qui représente les salles de concert indépendantes à travers la province, j’ai reçu de nombreuses demandes d’entrevues suite à la décision de la Cour d’appel et à la fermeture de La Tulipe. Lorsqu’on me demande si je suis surpris par cette tournure des événements, ma réponse est malheureusement non. Même si je suis profondément bouleversé et déçu, cela ne me surprend pas. Cette situation est le résultat d’une exclusion systémique, d’un manque de respect et d’une négligence chronique envers les salles de concert indépendantes de notre ville.

Le cas particulièrement frappant de La Tulipe est révélateur d’un problème plus vaste. Les réglementations municipales, combinées à des procédures bureaucratiques lourdes et à un manque (ou à une absence de) soutien financier, rendent la viabilité des salles de spectacle considérablement plus difficile. La position hypocrite de la Ville sur la musique en direct est un exemple flagrant des relations tendues entre notre secteur et les pouvoirs publics, que ce soit au niveau municipal, provincial ou fédéral. Cette situation met en évidence un besoin criant de réajustement des politiques publiques en matière de musique en direct.

Les salles de musique indépendantes accueillent plus de 80 % des concerts professionnels au Québec, incluant Montréal. Presque tous les artistes locaux et canadiens s’y produisent. La majorité des musiciens de Montréal, du Québec et du Canada tirent l’essentiel de leurs revenus grâce à ces salles, qui jouent également un rôle clé dans l’émergence de talents locaux et nationaux.

Sans ces petites scènes, il n’y aurait pas de grandes scènes, et c’est grâce à ces lieux que des artistes se retrouvent sur les scènes les plus prestigieuses de notre province et de notre pays. Malgré leur rôle crucial dans la promotion et le développement des artistes locaux et nationaux, ces salles de concert indépendantes bénéficient de très peu d’aide financière publique, quasiment inexistante tant au niveau fédéral que municipal à Montréal.

Bien que le gouvernement provincial ait lancé un projet pilote doté d’un budget d’un million de dollars pour soutenir ces établissements, il faut noter que les critères de ce programme excluent la plupart des théâtres montréalais. Par ailleurs, cette somme est dérisoire comparée aux autres programmes culturels du ministère de la Culture et des Communications, dont le budget annuel atteint le milliard de dollars. Franchement, il est clair qu’il y a un manque désespéré d’initiatives pour répondre aux besoins urgents de ce secteur.

Ces lieux sont également confrontés à des hausses de coûts vertigineuses : une inflation de plus de 40 % dans le secteur, une baisse de fréquentation de 20 %, une pénurie de main d’œuvre, ainsi qu’une crise de santé mentale parmi le personnel et les opérateurs. Ajoutez à cela des augmentations massives des loyers et, oui, des plaintes pour bruit, qui conspirent actuellement pour éliminer la musique. en direct de notre paysage urbain. Malgré tout cela, les salles continuent de soutenir l’industrie musicale à Montréal et au Québec, fonctionnant avec des marges minimes et dans des conditions économiques difficiles. Ils le font par passion et par amour des arts, même si ces réalités économiques rendent la situation intenable.

Musique en direct La situation à Montréal est à un tournant critique et des mesures concrètes doivent être prises sans délai. Il ne s’agit pas de rejeter la faute sur un individu ou un parti politique, mais de reconnaître, collectivement, l’importance que nous souhaitons accorder à la musique et à la culture dans notre ville. Ces lieux, piliers de notre scène artistique, ne survivront pas sans un soutien immédiat et conséquent. Si nous n’agissons pas maintenant, nous risquons de les perdre à jamais, ce qui laisserait un vide irréparable dans le paysage culturel montréalais et dans nos vies.

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