une grande voix française est décédée

Le 6 janvier 2024, on apprenait le décès de Benoît Allemane, à l’âge de 82 ans. Il était connu pour être la voix française de Morgan Freeman, mais l’envergure de sa carrière va bien au-delà de ce rôle emblématique : il fut l’un des les plus grandes voix françaises, incarnant James Earl Jones, Michael Dorn, Brian Cox, ou encore des personnages de dessins animés (Zeus dans Herculele grand-père dans Le petit dinosaure…).

J’étais très attaché à Benoît Allemane. Il a été la voix de l’épisode 2 de notre série documentaire, un projet à forte implication humaine, auquel il a participé avec beaucoup de cœur ; mais l’histoire remonte plus loin.

Benoît Allemane, générosité et profondeur dans la voix

Ma première interaction avec Benoît Allemane remonte à 2016. Je n’avais alors que 20 ans, j’étais étudiant, et, en tant que jeune passionné de sciences, une série documentaire notamment m’avait marqué au point de participer à la définition d’un une partie de ce que je voulais faire dans la vie : Cosmos : Une odyssée à travers l’univers. Celle-ci a été présentée par le physicien Neil deGrasse Tyson, dont la voix est doublée en français par Benoît Allemane. Dans son jeu, il a su retranscrire à la fois la poésie profonde et l’humour et la curiosité insatiable de l’écriture de Cosmos.

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A la rentrée 2016, lorsque la radio locale bretonne Radio Laser m’a remis les clés de ma nouvelle émission, EurêkaJe ne pense qu’à une chose : la voix de Benoît Allemane. La plus chaleureuse curiosité était déjà mon mot d’ordre : sa voix étant pour moi une incarnation inoubliable. Sa gentillesse, lors de ma première prise de contact, m’a touché : après avoir lu mes motivations, il m’a confié qu’il aide parfois les étudiants, et il a généreusement accepté de me donner sa voix pour les crédits. Quelques jours plus tard, il m’a envoyé le fichier audio qui m’était le plus précieux. Sa voix m’accompagne alors — ainsi que les auditeurs — pendant une année entière, chaque samedi matin.

Huit ans plus tard, au sein du média Numerama, début 2024, la production de notre série documentaire consacrée au futur battait son plein. Épisode 1 terminé, avec la voix de la talentueuse Adeline Chetail, nous avons souhaité varier les acteurs et actrices pour que chaque épisode ait sa propre ambiance narrative, une direction artistique visant également à promouvoir ce métier dans sa diversité. Qui ensuite ?

C’est tout naturellement que Benoît Allemane m’est apparu comme l’acteur idéal pour l’épisode consacré à rien de moins qu’un soleil artificiel – ou au plus grand scientifique du monde – que j’ai voulu vertigineux, un brin poétique. Là où nous n’interagissions qu’à distance en 2016, nous nous retrouvons cette fois en studio pour l’enregistrement de ce documentaire, dans un contexte professionnel, mais pour une séance marquée par l’émerveillement collectif.

Dans chaque séquence, chaque morceau de texte, Benoît Allemane s’implique car il aime les sciences et adore faire Cosmos. Il ne se contente pas de poser sa voix, il s’implique dans le sujet, s’interroge sur ce qu’est un soleil artificiel, me pose des questions, me demande comment on s’y sent, trouve les enceintes géniales, fascine par les images du lieu, et est passionné. sur ce qu’un tel projet pourrait changer pour l’avenir. Il apprécie qu’on dise « chercheurs », et souhaite aussi que ce soit chercheuses d’abord. Et puis il s’attache à raconter une histoire, à être un personnage en tant que narrateur, on a l’impression d’être au coin du feu et sur Jupiter, sa voix vibre sur ces deux fréquences en même temps.

Au fur et à mesure que l’heure avance en studio, je comprends à nouveau que la profondeur de sa voix vient de sa profondeur d’acteur et d’être humain. Que ce soit en 2016 en tant qu’étudiant ou en 2024 en tant que professionnel, ce même sentiment s’imprime en moi.

Pas étonnant, en effet, qu’il ait participé au mouvement TouchePasMaVF contre l’utilisation de l’IA dans le doublage vocal : il incarnait la notion même de cœur à l’œuvre, ce qu’aucun algorithme ne peut réaliser. produire.

Désormais j’éprouverai une émotion supplémentaire à chaque fois que j’entendrai sa voix prononcer cette phrase finale : « Ce village de 42 hectares n’est pas qu’un projet scientifique : il démontre notre capacité à coopérer pour un objectif commun. » Parce que sa générosité et sa passion ont été là jusqu’au bout.