Le cinéaste Rafaël Ouellet estime que Julien Poulin lui a fait « un vrai cadeau » en acceptant d’incarner un personnage inspiré de son père dans son film Camion.
« On entend souvent des acteurs dire que tel ou tel rôle était un cadeau. Mais dans ce cas-ci, c’est vraiment Julien qui m’a fait un cadeau, a confié lundi Rafaël Ouellet, encore secoué par le décès de Julien Poulin.
« J’aurais pu arrêter ma carrière après Camion. Je ne dis pas ça parce que le film est tellement réussi. C’est plutôt parce que j’ai réussi à réaliser le film que je voulais faire grâce à [la performance de] Julien. J’ai abordé ce métier il y a 30 ans sans imaginer que j’aurais un jour la chance de travailler avec un monument comme lui. Je n’aurais jamais pensé qu’une chose pareille puisse arriver dans ma vie. »
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Sorti en 2012, Camion met en vedette Julien Poulin dans le rôle d’un camionneur veuf qui décide d’abandonner son travail après avoir été traumatisé par un accident de la route. Rafaël Ouellet s’est inspiré de son propre père pour écrire le scénario du film qui a permis à Poulin de remporter le prix Jutra du meilleur acteur en 2013.
Lors de la préparation et du tournage du film, le cinéaste a développé des liens très forts avec Julien Poulin. Ce dernier a également passé plusieurs heures avec le père du cinéaste (qui a été chauffeur routier pendant 40 ans) pour apprendre les bases du métier.
« Julien a marqué ma vie, mais aussi celle des gens qui m’entouraient. J’ai l’impression de perdre un membre de ma famille”, raconte le cinéaste, qui a eu la chance de retravailler avec l’acteur sur le tournage de son dernier film, Arsenault et fils.
« Grande sagesse »
En travaillant aux côtés de Julien Poulin sur ses plateaux de tournage mais aussi en dehors du milieu de travail, Rafaël Ouellet dit avoir été marqué par la sagesse et la sensibilité de l’interprète du personnage légendaire d’Elvis Gratton.
«Je suis allé en République tchèque [au Festival de Karlovy Vary] avec lui pour présenter Camion et il m’a beaucoup parlé de sa vie et de sa vie en général. J’ai trouvé qu’il avait en lui une grande sagesse et une grande tranquillité, malgré sa petite couche nerveuse.
« Même s’il était capable d’être clown, je pense que Julien n’a jamais été aussi bon que dans les relations en tête-à-tête. C’était une personne très accessible, véritablement un homme du peuple. Son empathie et sa sensibilité lui permettaient également d’exprimer son indignation envers les personnes qui souffrent. La souffrance individuelle de l’autre l’affectait et le touchait beaucoup, et il vivait toutes ces émotions avec acuité. Il était vraiment sensible et ouvert aux autres.
Ces dernières années, Rafaël Ouellet avait réussi à convaincre Julien Poulin d’écrire ses mémoires sous forme d’entrevues.
“Mais la maladie ne nous a pas permis d’aborder ce projet”, déplore le cinéaste. « J’aurais aimé écrire un livre facile à lire, clair et clair, car Julien racontait des histoires sans trop s’ouvrir. C’était une personne modeste et j’aurais aimé que nous apprenions à le connaître en lisant ce qu’il avait à dire et à raconter.