Clément Guillaume a grandi à Poitiers. Celui qui a découvert sa passion à l’école de danse de Bernadette Collas fait désormais partie du Ballet national d’Ukraine. Un choix aussi politique qu’artistique pour le Poitevin de 26 ans. Il joue à Paris, au Théâtre des Champs-Élysées, jusqu’au dimanche 5 janvier 2025 avec sa troupe ukrainienne dans une adaptation de La reine des neiges.
Comment est née votre passion pour la danse ?
Clément Guillaume: « C’était ma grande sœur qui dansait dans Biard. Avec ma mère, je suis allée voir son spectacle de fin d’année. J’avais 8 ou 9 ans et je pensais que j’allais m’ennuyer… Mais je n’ai pas quitté la scène des yeux. J’ai également suivi le cursus jusqu’à mes 14 ans avant de déménager à Bordeaux puis Amsterdam. »
Vous souvenez-vous de ce que ça faisait de danser pour la première fois ?
« J’ai dit à ma mère que danser sur de la Musique était ce que j’aime. J’étais inscrite au Conservatoire de Musique de Poitiers en même temps et combiner cela avec la rigueur de la danse, c’est ce qui m’a fait vibrer. »
Pourquoi ne pas choisir la route française via l’Opéra de Paris ?
« J’ai essayé l’Opéra de Paris ! Mais je n’ai pas été attrapé. Ensuite, j’avais un choix à faire. J’ai été emmené au Conservatoire de Paris et au Conservatoire d’Amsterdam. J’ai fait ce choix parce que j’ai toujours eu l’impression que ma danse séduisait davantage l’étranger. C’est aussi pour cela que je suis ensuite parti aux Etats-Unis. J’ai une taille petite qui correspond moins aux canons français. »
Quel est votre style ?
« Je n’ai pas de technique particulière mais c’est un mélange de tous les professeurs que j’ai eu depuis le début de ma carrière. En combinant tout ce qu’ils m’ont appris, j’ai pu créer une façon d’évoluer en classique. »
À l’été 2020, vous avez été blessé, comment un danseur vit-il cette immobilisation ?
« C’est très difficile, surtout à cet âge, dans la vingtaine. C’est horrible… On pense qu’on ne pourra plus jamais danser. Je travaillais aux États-Unis à l’époque. Je suis revenu en France pour me faire opérer de la cheville à la clinique du sport de Bordeaux. Il m’a fallu un an pour me remettre à niveau. Nous craignons que le corps ne soit plus jamais le même… »
La dernière chose qui tombera à Kyiv, c’est le théâtre ! Il n’a jamais fermé. Même lorsqu’il ne restait plus que dix danseurs, ils continuèrent. Leur résilience est inspirante.
Clément Guillaume danseuse au Ballet national d’Ukraine
Et le retour sur scène apporte-t-il de la joie ou de l’appréhension ?
« Quand je danse, je pense à ma cheville… Je suis beaucoup plus attentive à mon corps. Je danse différemment, c’est sûr. Pour les garçons, en ballet, l’exigence technique est énorme, donc on prend des risques. Je sais que si ça revient, je ne pourrai pas l’arrêter. On essaie d’avoir un bon état d’esprit pour s’amuser avant tout. »
Depuis un an et demi, vous intégrez le Ballet National d’Ukraine, est-ce un acte politique ?
« C’est aussi un acte d’amour ! J’ai travaillé dans une compagnie de danse à Bruxelles. Là, j’ai rencontré Maria, une danseuse ukrainienne. Naturellement, je l’ai suivie dans son pays. Nous avons déménagé à Kyiv en août 2023 [la Russie a lancé son offensive militaire dans la nuit du 23 au 24 février 2022]. Nous avons auditionné pour l’opéra et nous avons tous deux été acceptés. C’est une opportunité extraordinaire. »
Comment vit-on dans un pays en guerre ?
« C’est ma façon de prendre position. Je veux montrer à Maria que je soutiens son pays. Je n’avais pas peur de m’installer en Ukraine. Ma famille le fait… et c’est tout à fait normal. Mais j’y vois une manière d’alléger le quotidien des amateurs de ballet ukrainiens et ils sont nombreux à Kiev. La culture en Ukraine est politique. La dernière chose qui tombera à Kyiv, c’est le théâtre ! Il n’a jamais fermé. Même lorsqu’il ne restait plus que dix danseurs, ils continuèrent. Leur résilience est inspirante. »
Jusqu’à dimanche, vous jouez à Paris au Théâtre des Champs-Élysées dans « Frozen ». Est-ce un plaisir de retourner dans votre pays ?
« Oui, ça fait du bien de revenir en France. Cela fait aussi du bien aux Ukrainiens de montrer aux Français qu’ils ne baissent pas les bras et que la culture est toujours présente dans leur pays. Dans le même temps, il est important que les Français voient que les Ukrainiens n’abandonnent pas. Il se passe beaucoup de belles choses sur la scène de l’opéra de Kyiv. Nous sommes capables de produire de beaux spectacles même en temps de guerre. C’est important de le montrer en France. »