Dès les premières secondes, votre pièce glisse dans l’absurdité puisqu’elle commence… par la fin !
“Nous commençons en fait par saluer le public. Les lumières s’éteignent, le générique commence, le rideau tombe. Les gens se demandent ce qui se passe. J’ai entendu certains dire : « Ce n’est pas possible ! Ils se moquent de nous ! (rires) Quand j’ai proposé cette pièce au Théâtre de la Renaissance à Paris, personne n’y a cru. On m’a dit que ça n’allait pas marcher, que le public n’allait pas comprendre les codes. Au contraire, ce fut un succès. Les gens rient depuis le début.“
Au-delà de cette question initiale, la pièce aborde plusieurs autres sujets qui vous obsèdent.
“Une fois que je me suis amusé à imaginer le sujet de la pièce, j’y mets des réflexions personnelles sur le -, la mort, ce que nous sommes, ce que nous ne sommes pas. Je suis obsédé par tout ça. Pour moi, la vie est mouvement. Dès qu’on s’arrête, c’est un peu comme si on était mort. Un cycliste qui arrête de pédaler tombe. C’est pourquoi je fais des courses, du théâtre, de la télé, du cinéma. Je ne m’arrête jamais. Je marche, je galope, je grimpe aux murs. C’est ma façon de vivre et d’exister.“
Voyez-vous votre métier d’acteur différemment depuis que vous avez vous-même écrit une pièce ?
“Oui, beaucoup. Dans une pièce précédente dans laquelle j’avais joué, je me suis permis de changer quelques mots du texte initial parce que je le trouvais meilleur. Le créateur de la pièce n’était pas content. Je n’entendais pas son désarroi. J’ai compris quand j’ai vu des acteurs jouer dans ma propre pièce. Si l’un d’eux se permettait d’improviser, cela m’ennuierait car j’ai choisi chaque mot de cette pièce et cela a pris des mois. C’est comme si je choisissais chaque note pour créer une mélodie spécifique. En conséquence, cette expérience m’a appris à respecter davantage l’auteur. D’ailleurs, si j’écris à nouveau une pièce – ce qui arrivera certainement parce que j’ai adoré l’exercice – je n’y jouerai plus. Je ne suis pas le même acteur. Trop souvent, je me retrouvais spectateur de ce que je faisais. J’étais toujours à l’affût de ce que jouaient les autres. Je m’implique davantage dans les pièces des autres.“
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Qu’ont dit les acteurs lorsqu’ils ont lu pour la première fois le texte de la pièce ?
“Ils pensaient que j’étais malade ! (rires) Le premier à lire la pièce fut François Berléand. Il m’a dit qu’il l’avait lu quatre fois. Il m’a dit que la première fois, il n’avait rien compris. La deuxième fois, c’était pour essayer de comprendre ce qu’il n’avait pas compris, la troisième fois parce qu’il avait enfin compris et pouvait se promener dans l’histoire et la quatrième fois, juste pour en profiter.“
Avez-vous eu peur de l’accueil du public ?
“Oui, j’étais pétrifié de voir comment les gens allaient recevoir cet OVNI. Il y a une pression supplémentaire parce que je mets mes tripes sur la table. Si ça ne marche pas, c’est pour mon visage.“
Dans un précédent entretien avec DH, vous nous disiez : «Je suis toujours à la recherche de sensations fortes : sur piste et sur scène.. Alors vous êtes toujours à la recherche de défis ?
“Toujours à la recherche de challenge et de remise en question. Ce n’est pas pour rien que la pièce s’appelle Un léger doute. Je doute beaucoup et je suis heureux de le faire. Je suis un chercheur d’émotions, un accro à l’adrénaline. J’ai besoin de ça. Je me sens plus vivant au bord du précipice que dans un lit de plumes. Je veux me mettre dans des situations qui me mettent au défi, qui me font réfléchir, rire, pleurer.“
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Depuis combien de - avez-vous cette passion pour les mots ?
“Au début, les mots n’étaient pas mes amis. Je n’arrivais pas à les mettre dans le bon ordre et à m’exprimer comme je le voulais. Quand j’ai commencé à travailler en freelance pour des magazines, les gens ne comprenaient pas tout ce que j’écrivais. Mais j’ai dit que je ne savais pas faire autrement, que c’était ma façon d’écrire. Ensuite, Canal+ m’a dit : j’aime ce que tu fais. Et cela a fonctionné pour ça.“
Que pensez-vous de l’IA ? Le craignez-vous pour l’avenir de votre métier ?
“Si l’IA arrive à refaire mes textes, c’est qu’on est allé très loin. Écrire avec l’IA, c’est comme inviter les gens à manger chez soi et avoir un traiteur. C’est bon, ça a pris moins de - mais ce n’est pas toi. Pour le métier en général, je n’ai pas vraiment peur de tout ça. Il faudra toujours aller ressentir l’ambiance d’un acteur ou d’une actrice sur scène. Être remplacé par un hologramme ? Je n’y crois pas vraiment. Il ne faut pas oublier que l’IA existe parce qu’elle s’appuiera sur des choses qui existent parce qu’elles ont été créées par les humains. Alors, si l’homme ne crée plus rien, il va tourner en rond à un moment donné. Je crois en l’homme et en sa capacité à créer des choses qu’aucune machine ne peut créer. Et si la machine crée la machine, serons-nous dominés par la machine ? Je n’y crois pas. Mais si cela se produit, nous nous adapterons en trouvant une faille, comme nous l’avons toujours fait. Aujourd’hui, il y a des robots à gauche et à droite qui assument certains métiers mais à côté de ça, d’autres métiers émergent. On ne sait pas tellement ce que l’avenir nous réserve que je préfère imaginer des choses positives.“