La déclaration d’amour de Sylvain Tesson à la Dame de Pierre

La déclaration d’amour de Sylvain Tesson à la Dame de Pierre
La déclaration d’amour de Sylvain Tesson à la Dame de Pierre

Dans ses textes lus alternativement au théâtre Poche Montparnasse par François Marthouret, Samuel Labarthe, Claude Aufaure et Christophe Barbier, l’écrivain révèle une cathédrale magnifique et digne, à la fois spirituelle et charnelle, mais qui ne doit pas être tenue pour acquise.

Rejoignons le lecteur sous les combles, dans la célèbre forêt Notre-Dame. Un bureau et une chaise en velours rouge sont positionnés au centre de la salle du Théâtre de Poche. François Marthouret tient des feuilles dans ses mains. Il nous racontera une merveilleuse histoire d’amour. Tout commence par la rencontre entre un adolescent et un monument. Une cathédrale vertigineuse. Quoi de mieux pour cristalliser les rêves d’un citadin amoureux de liberté et de sommets ? A défaut de montagne au centre de Paris, c’est Notre-Dame de Paris que Sylvain Tesson choisit pour pratiquer l’alpinisme. Le miracle gothique du bâtiment « adapté à l’escalade » explique celui que ses amis surnommaient « le prince des chats ». « Les quatre piliers de la croisée d’ogives réunis par la clé de voûte permettent l’élévation », continue-t-il. Et le défi est tel qu’il faut apprivoiser l’équilibre architectural de la Dame pour atteindre le sommet sans la perturber. Notre-Dame s’élève vers le ciel ; comme la montagne, elle regarde l’homme d’en haut et semble imperturbable.

Sylvain Tesson a vu sa vie bouleversée à l’âge de 51 ans dans un accident de « stégophilie », cette passion d’accéder aux toits et de s’y promener. Il tombe du haut de la façade d’un chalet à Chamonix. Face à cette épreuve, il se retire à Paris et à Notre-Dame. Ce n’est plus son terrain d’escalade. Non, elle devient sa soignante, son infirmière. L’écrivain que l’on sait voyageur a passé près de quatre mois sans bouger, alité à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière. Lorsqu’il retrouve l’usage de ses jambes, la question de la rééducation se pose. ” Je n’aime pas ce mot, il a dit. La perspective de passer des heures dans une salle de sport me démoralise. » Puis il repense à son amour de jeunesse : « A deux pas de mon appartement, il y a la cathédrale. Les navires de pierre sont encalminés sur l’île. Il me suffit de grimper au sommet de ces tours pour reprendre des forces. »

Méritez à nouveau Notre-Dame

L’homme voit ces exercices comme un moyen de reconquérir sa beauté ou du moins son apogée. Pour ce faire, il redouble d’efforts : « Chaque matin, je sors de chez moi à petits pas, je descends les escaliers de l’immeuble, traverse prudemment la place de Saint-Julien-le-Pauvre (…). Je traverse la Seine et rejoins la billetterie à l’entrée des tours. » Il est lent, il sait qu’il dérange les visiteurs qui le suivent dans les escaliers qui mènent à la tour sud, mais il s’en fiche. C’est une histoire entre elle et lui. Son objectif ultime est d’arriver au sommet pour mériter à nouveau Notre-Dame. Chaque pas lui rappelle qu’il ne doit pas « disposer de sa vie à la légère ». Et c’est la forme physique et mentale. Elle le renforce et lui réapprend à « recevez la caresse du soleil comme une bénédiction ».

Au fil de la lecture, nous pénétrons dans l’intimité de l’auteur. Il nous décrit la routine qui s’installe entre lui et la Dame. « Chaque matin, depuis mon appartement, je regarde la flèche s’envoler vers le ciel de Viollet-le-Duc. Je lui lance un regard, un salut. Certaines choses sont plantées. » Cette habitude est un « allié sûr » pour reprendre les mots de Jean-Pierre Montal, lauréat du Prix des Deux Magots 2024.

Vient ensuite la date du 15 avril 2029. C’est au tour de Notre-Dame de vaciller. Les flammes envahissent la silhouette de la cathédrale que l’on croyait indestructible. Quelle erreur avions-nous commise en la prenant pour acquise ? Ce soir-là, on se rend compte que Notre-Dame occupait une place à part dans le cœur de Paris et dans celui des Parisiens. Le peuple, qui ne la regardait plus, se dirigea vers le lit de leur Reine. Notre-Dame est blessée, écrit Tesson, « la vigueur cauchemardesque des flammes, de la bestialité du feu qui s’attaque à ce monument phare du christianisme à l’heure où le christianisme est en déclin dans le monde ». Mais Notre-Dame brûle aussi parce qu’elle avait été négligée. L’écrivain semble reprocher à ses contemporains de ne pas avoir été assez conservateurs.

Depuis plus de cinq ans, la tente de reconquérir Notre-Dame. Compagnons, architectes, ingénieurs, artisans et chercheurs se sont mobilisés pour redonner vie au bâtiment. Il aura fallu un accident pour que Sylvain Tesson prenne soin de sa vie. Il aura fallu un incendie pour prendre soin de ce magnifique patrimoine. La mission des hommes est désormais de nourrir cet amour pour qu’il perdure. Car à la question d’Antoine de Saint-Exupéry dans sa dernière lettre au général Chambe :« De ce que j’ai aimé, que restera-t-il ? » Sylvain Tesson répond que la flèche de Notre-Dame restera dans le ciel de Paris.

Journeys to Notre-Dame by Sylvain Tesson
Du mardi au samedi à 21 heures, au Théâtre de Poche-Montparnasse (Paris 6e). L’écrivain Sylvain Tesson interviendra à l’issue des lectures les 26, 27, 28, 29 novembre 2024 et les 3, 5, 10, 17, 1 et 19 décembre 2024.

 
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