Le poète populaire, habituellement secret, semble avoir découvert tardivement le réseau social (ex-Twitter) racheté par le milliardaire ultra-conservateur. Inattendu, mais après tout, l’insaisissable Dylan n’est plus un paradoxe.
By Thomas Richet
Publié le 26 novembre 2024 à 16h41
C‘c’est un peu comme imaginer Jean-Luc Mélenchon lors d’une conférence du Medef. Bob Dylan, la plus secrète des rock stars, s’est imposé ces derniers mois comme un incontournable sur X, le réseau social d’Elon Musk. Le compte officiel du chanteur de 83 ans a longtemps été le destinataire d’une série de messages promotionnels impersonnels, qu’on imagine aisément postés par un stagiaire de Sony, sa maison de disques. Mais le 26 septembre, un mystérieux tweet est apparu : «Joyeux anniversaire Mary Jo!» Rendez-vous à Francfort. » Qui est Marie Jo ? Aucune idée, mais les temps changeaient. S’ensuit, quatre jours plus tard, un hommage à Bob Newhart, comédien américain mort depuis plusieurs mois, puis, plus surprenant encore, le parrainage d’un restaurant : «Lors de notre dernière visite à la Nouvelle-Orléans, nous avons mangé au Dooky Chase, au coin des rues North Miro et Orleans. Si vous passez par là, je vous le recommande vivement. »
L’auteur de Comme un Rolling Stone est-il vraiment aux commandes ? L’homme, taquin, a l’habitude de contrefaire et de s’arranger avec la vérité : dès le début, il s’était inventé de toutes pièces un passé de vagabond céleste. Tout récemment, il s’amusait (avec Martin Scorsese) à glisser, dans le documentaire Rolling Thunder Revue : Une histoire de Bob Dylan, une rencontre improbable avec Sharon Stone – parmi tout un tas de faits alternatifs. Mais non, l’équipe du prix Nobel de littérature a confirmé qu’il était le seul maître de son compte X.
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Depuis, Bob Dylan a tweeté à propos de la Foire du livre de Francfort : “Je ne savais pas qu’il y avait autant d’éditeurs de livres dans le monde” –, nous a conseillé de regarder L’Inconnu, de Tod Browning, un film de 1927, et démenti une rumeur qui circulait à son sujet : non, il n’oblige pas les gens à baisser les yeux lorsqu’ils le croisent dans les coulisses de ses concerts. Récemment, on apprenait qu’il était présent au concert de Nick Cave à l’Accor Arena de Paris le 17 novembre : “J’ai été frappé par cette chanson, Joie, où il chante “Nous avons tous eu trop de chagrin, maintenant c’est l’heure de la joie.” Je me disais, ouais, c’est à peu près vrai. » Preuve que le musicien maîtrise le format, chaque tweet est repris et décortiqué par la presse spécialisée en ligne. Et la machine repart lorsque le chanteur des Bad Seeds le remercie pour un « belle pulsation de joie qui pénétrait [son] état d’épuisement proche du zombie”. On n’a qu’une critique à faire au maître, figure de la lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis : pourquoi rester sur X avec ses meutes d’extrême droite quand l’alternative Bluesky a le vent en poupe ?