image : getty, montage Keystone : Watson
On doit l’euphorie entourant le futur président américain à une seule personne : Elon Musk, l’homme le plus riche de l’histoire depuis dimanche. Le bras droit de Donald Trump a acquis un pouvoir sans égal, devenant le citoyen non élu le plus influent de la planète. Et sa dernière menace de racheter la chaîne de télévision préférée des démocrates fait fantasmer l’extrême droite.
Plus de « International »
Jusqu’à présent, nous n’avons rien trouvé de plus efficace que de se moquer de lui. Lorsque le Monde entier réalisa avec étonnement qu’Elon Musk aurait bientôt une chambre libre à la Maison Blanche, il fut rapidement considéré comme la nouvelle épouse du futur président des Etats-Unis. Une « Elonia Trump » qui navigue dans les jupes du gourou de MAGA, avec la ferme intention de ne plus jamais quitter les patios de Mar-a-Lago. On voulait voir l’ami encombrant, le fardeau, au point de parier, au lendemain de la présidentielle, que cette bromance n’avait pas d’avenir.
Un des nombreux mèmes qui circulent sur les réseaux.
Une autre stratégie pour lutter contre cela revient souvent à se concentrer sur l’instabilité financière du réseau social, ce qui n’est pas faux. Les annonceurs ont quitté le navire, les procès et les dettes s’accumulent. Selon le Journal de Wall Street13 milliards de dollars n’ont toujours pas été remboursés aux sept grandes banques qui ont ouvert leurs caisses au serial entrepreneur.
Cette prise de pouvoir, isolée de l’actualité politique, n’avait en réalité pas beaucoup de sens. Allons encore plus loin, il y a une bonne année, on pouvait lire qu’Elon Musk avait simplement acheté le jouet sur lequel il passait ses nuits, pour en faire le terrain de jeu de ce qu’il appelle la liberté d’expression. Autrement dit, l’énième caprice d’un homme d’affaires mégalomane.
Jusqu’à son soutien public et total à la candidature de Donald Trump. Là, du jour au lendemain, il a fallu se rendre à l’évidence : le gouffre financier que représente la plateforme Fox Nouvelles a un blog pour les républicains des maisons de retraite. X, sur lequel la modération laisse volontairement à désirer, a proposé une autoroute d’algorithmes aux commentateurs d’extrême droite et aux podcasts trumpistes les plus populaires aux Etats-Unis.
Après l’automobile électrique, la conquête spatiale ou les neurotechnologies, Elon Musk a donc investi (à perte ?) dans le dernier niveau qui lui manquait pour accéder sereinement au Bureau Ovale : le pouvoir médiatique.
Parier sur Trump, en glissant personnellement plus de 100 millions dans sa poche, était un pari pour celui qui est devenu dimanche soir l’homme le plus riche de l’histoire, avec une fortune estimée à 348 milliards de dollars. . Responsable aujourd’hui du nettoyage (notamment) de l’administration fédérale, Elon Musk l’est sans doute, comme il le dit Axiosle « citoyen non élu le plus puissant de tous les temps », tout en collectant des conflits d’intérêts qui n’empêcheront pas Trump de dormir. Ce qui n’est pas forcément le cas des élites politiques européennes.
“Si une personne comme lui possède 60 % de tous les satellites en orbite dans l’espace, cela doit nous préoccuper beaucoup.”
Angela Merkel, dans une interview avec Spiegelce week-end.
Ce pouvoir, sans précédent dans l’histoire moderne, fait aujourd’hui tourner la tête des apôtres de Donald Trump. Elon Musk est enfin cet ami influent qui leur manquait pour se pavaner, lâcher prise et définitivement prendre confiance, depuis l’élection du milliardaire MAGA. Avec Trump et Musk dans la même équipe, la politique et l’argent, le yin et le yang du populisme d’extrême droite, tout est désormais possible. Et quand les grands enfants atteignent le sommet du monde, cela provoque une euphorie qui confine à l’hystérie.
Dernier exemple en date, l’avenir de la chaîne de télévision préférée des démocrates. Lorsque Comcast a annoncé vouloir regrouper CNBC, E!, SyFy, Fandango, USA Network, Rotten Tomatoes, Oxygen, Golf Channel et la star MSNBC au sein d’une nouvelle entité, le fantasme s’est emparé des trumpistes : et si Elon Musk payait pour la chaîne progressiste, comme s’il s’était emparé de Twitter ? En fait, ce système permet effectivement à un acheteur de s’offrir le bouquet. Et le fils de Donald Trump a lancé les hostilités ce week-end, sur le ton de la plaisanterie.
La réaction d’Elon Musk a été :
“Combien ça coûte?”
Une réponse qui en rappelle une autre, prémonitoire, en 2017 :
Si le rachat de Twitter est également parti d’une plaisanterie, il y a très peu de chances qu’Elon Musk puisse s’offrir cette chaîne qui a largement soutenu Kamala Harris lors de la campagne présidentielle.
Malgré tout, son toupet permet de mesurer le sentiment d’impunité et de toute-puissance d’un clan qui est à deux doigts d’accéder au pouvoir. Le patron de Tesla en a profité pour rappeler l’ambition qu’il porte pour son réseau social, qu’il considère comme la quintessence du journalisme citoyen.
Au lendemain de la victoire de Donald Trump, Musk livrait son verset biblique sur son réseau social : « Vous êtes les médias désormais. »
Alors, ce dimanche :
« On dirait que tout le monde veut que j’achète MSNBC ! Ce serait une bonne idée d’avoir les principales nouvelles de
Elon Musk, sur X.
Une distorsion de pensée que l’historien David Colon, spécialiste des médias, a tenu à commenter dans une tribune au Monde : « Ce que Musk appelle le journalisme citoyen n’est autre qu’une arme de destruction massive de la réalité factuelle et de disqualification systématique de ceux dont la vocation est de produire des connaissances fiables. »
Une autre réalité, qui a également nui à la campagne démocrate, est qu’en période électorale, les médias traditionnels tirent la langue face au pouvoir des voix militantes sur d’autres médias. Et la gauche n’a pas encore trouvé d’armes aussi redoutables que Tucker Carlson ou Joe Rogan, pour rattraper son retard. Si cette influence inquiète, c’est dans ce paysage bouleversé et avec la bénédiction du futur président, qu’Elon Musk a désormais le pouvoir de menacer la stabilité du monde, rien qu’en sortant son chéquier.