Hugues Aufray, 60 ans de carrière et plus de 430 chansons enregistrées, revient sur scène à l’automne 2024.
Parmi ses succès, des standards qui ont traversé les générations et que l’artiste promet de chanter à nouveau sur scène. Mais aussi des titres un peu moins connus qu’il souhaite mettre en avant.
Entre deux rendez-vous, il répondait aux questions au téléphone de La nouvelle République du Centre-Ouest.
La scène est-elle un endroit spécial pour vous ?
Hugues Aufray: « La scène est comme la terre pour l’agriculteur. C’est ici qu’il cultive ses choux, ses vignes ou promène ses vaches et ses moutons. La scène est le lieu où tout se passe, car il y a le public.
Et quand on chante, on peut dire ce qu’on veut, on chante toujours pour les autres. Chanter, c’est voir le bonheur que nous apportons aux gens.
C’est un peu comme quand on joue à la pelote basque. Vous lancez votre balle contre un mur et le mur vous renvoie la balle.
Quand vous chantez sur scène, vous envoyez quelque chose au public et il vous renvoie. S’il aime ça, il lui rend sa chaleur, son amour. Le bonheur de l’artiste naît de ce retour. Donc sans scène, il n’y a pas de retour. Si on chante dans le vide, c’est un grand malheur. »
« L’espoir est la seule chose pour lutter contre le désespoir »
Que souhaitez-vous dire au public aujourd’hui ?
« Compte tenu de la situation très grave qui règne dans le monde, il y a lieu de s’inquiéter. Il y a un changement climatique dans le monde. Mais je pense que ce n’est pas le résultat de l’activité industrielle humaine (1).
L’industrialisation de l’humanité provoque de la pollution. La pollution est une saleté. Les gens qui jettent leurs bouteilles dans les champs ou à la mer, les bouteilles en plastique, les fumées, les choses artificielles… ça change l’environnement.
Quand on voit les inondations monstrueuses, les incendies monstrueux, c’est horrible. C’est tout aussi grave, sinon plus grave, que les guerres. Nous sommes heureux quand les guerres s’arrêtent. Et là, on n’est pas sûr que les inondations vont s’arrêter.
Alors l’artiste sur scène que je suis essaie de chanter des chansons qui donnent de l’espoir aux gens. Je pense que l’espoir est la seule chose qui puisse combattre le désespoir. »
Avez-vous des chansons préférées ou des chansons que vous ne pouvez pas vous empêcher de chanter sur scène ?
« J’ai la chance de n’avoir jamais écrit de chansons malsaines ou impossibles à chanter aujourd’hui.
C’est ce qui me différencie de certains, notamment dans le rock’n’roll, qui prenaient plaisir à développer des choses subversives, complexes, et qui poussaient les gens à se droguer.
J’avoue que je n’ai jamais pris de drogue. Je n’ai pas bu d’alcool depuis longtemps. Aujourd’hui encore, certains remplissent les grands stades mais ce sont des choses qui vont passer de mode.
J’ai des chansons qui le sont peut-être moins avec succès, comme on dit en anglais, moins populaire que les autres. « Allumer le feu », ce n’est pas mon truc (chanté par Johnny Halliday). J’aimerais que tu éteignes le feu ! »
Qu’est-ce que cela signifie pour vous que presque toutes les générations d’écoliers apprennent le « Santiano » à un moment donné de leur parcours scolaire ?
« C’est une belle réussite, car c’est une chanson que j’ai ramenée des Etats-Unis, mais avec un texte différent. J’en ai fait une chanson d’espoir. Laurent Voulzy a réalisé une version très différente de Santiano, pleine de nostalgie.
En fait, j’ai une chanson sur un immigrant qui quitte son pays pour aller aux États-Unis. “Nous irons à San Francisco” trouver du travail, être heureux, fonder des familles, fonder une société, un monde…
Des enfants qui chantent “Santiano” aujourd’hui, tout le monde ne sait pas qui je suis et d’où vient cette chanson. Mais elle est totalement positive et non agressive. »
Avez-vous toujours autant de plaisir à le chanter ?
« C’est la chanson qui domine ma carrière. Mais c’est comme le jour et la nuit. La nuit existe parce que le jour existe.
Santiano est une chanson militante. Mais il y a une autre chanson, c’est celle que Georges Brassens aimait dans mon répertoire. Il a confié à sa secrétaire que c’était une chanson qu’il aurait aimé écrire.
C’est “Le petit âne gris”. Cela fait pleurer les enfants mais j’ai décidé, pour faire plaisir à un prêtre alsacien, d’ajouter un vers (2). Et je l’ai ajouté en quelques minutes.
Il m’a demandé pourquoi je faisais pleurer les enfants avec Céline, avec Stewball ou Au revoir monsieur le professeur… mais j’ai répondu que les enfants pleurent parce qu’ils sont sensibles. Et je ne les fais pas pleurer pour de mauvaises causes. »
Quelles sont les chansons sur lesquelles vous écrivez en ce moment ?
« Je viens de vous le dire : espérer. Je n’ai qu’un mot à dire aux gens. Vous n’avez pas le choix, vous devez croire en l’espoir.
L’espoir brille, c’est la lumière dans la nuit. Sur ma page Facebook, j’ai dit que j’aimerais rencontrer Tony Estanguet pour lui expliquer que j’aimerais porter la flamme de l’espoir. Je suis fan de le porter partout car il brille dans le noir. »
Vous reconnaissez-vous dans certains artistes de la nouvelle génération ?
« Malheureusement, non. Je vais vous le dire, je n’ai jamais été scout de ma vie. Mais je pense que le scoutisme est ce qui manque aux jeunes aujourd’hui.
Parce que le scoutisme est quelque chose de totalement génial. Robert Baden-Powell (le fondateur du scoutisme) l’appelait l’école de l’espoir. Le mot scout vient du vieux français « escouter », c’est-à-dire écouter la nature, les paroles des animaux, les paroles de la marée, des vagues, du vent… Baden Powell, c’était l’espoir et l’enseignement aux enfants vivre dans la nature et partager dans le respect de ses voisins.
Aujourd’hui, les églises sont incendiées et pillées (3). Je ne pratique pas du tout mais je suis croyant. Si des temples ou des mosquées protestants étaient pillés, je serais choqué. Il faut respecter les lieux où l’homme tente de traduire son besoin de transcendance.
Il y a des jeunes chanteurs que j’aime bien, je pense que les jeunes d’aujourd’hui ont beaucoup de talent mais malheureusement ce ne sont pas ceux qu’on voit le plus à la télévision. Et ce ne sont pas toujours ceux qui remplissent le Stade de France. »
(1) Il existe un consensus au sein de la communauté scientifique mondiale (des dizaines de milliers d’experts) qui prouve l’impact de l’activité humaine sur le réchauffement climatique et notamment son accélération. Le 6e Le rapport du GIEC rappelle notamment que les émissions de gaz à effet de serre dues aux activités humaines ont réchauffé le climat à un rythme sans précédent : la température de la surface du globe a augmenté de 1,1°C par rapport à la période préindustrielle.
(2) Les enfants inconsolables de la grâce ne pleurent plus ; Dans une modeste écurie votre âne est revenu ; En cette nuit de Noël, vénérez l’enfant nu ; Réchauffez le petit Jésus dans sa crèche ; Réchauffez le petit Jésus dans sa crèche.
(3) Selon un rapport parlementaire des députés Florennes et Mendes sur les actes antireligieux, publié en 2021, la France a recensé 1 659 actes antireligieux, dont 52 % sont antichrétiens. Et parmi celles-ci, 92 % sont liées à des attaques contre des lieux de culte (752 attaques sur les 46 000 lieux de culte recensés). Il mentionne également 284 attaques contre des biens de la communauté juive et 107 attaques contre des mosquées et des centres culturels musulmans.