Alain Ducasse présente les nouvelles stars culinaires internationales

Gloire à la cuisine universelle ! « Jamais dans l’histoire de l’humanité il n’a atteint de tels sommets. » Ainsi parle Alain Ducasse, le chef le plus étoilé de la planète. Une multinationale à part entière : dix-neuf macarons Michelin dans neuf pays, 2 000 salariés dans le monde, trois écoles de cuisine en , d’autres à l’étranger, quatre chocolateries, une glaciere et une biscuiterie…

« Je ne me suis jamais dit que c’était mieux avant. Mais « avant », c’est notre histoire, notre ADN, les racines essentielles à la création. » Les racines… ces techniques et gestes transmis au fil des siècles : maîtrise de la cuisine, de la découpe, des produits, etc. Ils s’enflamment dès la préhistoire avec la première étincelle du feu sacré qui va révolutionner les conditions de vie de l’humanité. Ils traversent les âges grâce à l’utilisation du sel, du séchage et du fumage depuis l’Antiquité.

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Jessica Rosval, 38 ans, chef à la Casa Maria Luigia, à Modène, en Italie. Première femme étrangère nommée meilleur chef d’Italie en 2021 par le guide « L’Espresso », le Michelin transalpin.

Getty Images via AFP / © 2022 Getty Images

Au Moyen Âge, les œufs, les poissons et les légumes étaient marinés dans du jus de citron, du verjus ou du vinaigre. Les moines vignerons fabriquent également du fromage. Viandes, volailles et gibiers en abondance garnissent les banquets des châteaux.

Au XIIIe siècle, les recettes transmises de bouche à oreille étaient enregistrées sur parchemin. On se souvient de l’art du braisage, du rôtissage, du pochage et de la friture. On découvre les épices, magnifique cache pour les produits qui se conservent mal ; on fait bouillir les viandes avant de les rôtir.

De nos jours, le sucre et la cannelle disparaissent des plats principaux et sont relégués aux desserts. Les sauces seront concoctées avec du citron, des herbes, du sel et des câpres. Louange à l’acide !

Le reste après cette annonce

Au XVIIIe siècle, Nicolas Appert invente la conservation en conserve. Deux cents ans plus tard, le réfrigérateur faisait son entrée dans les foyers.

Et puis il y a les hommes, ses héros et son martyr. François Vatel, organisateur des fastes sous le règne de Louis XIV, qui, pris de désespoir lorsque sa commande de poisson n’arrivait pas, s’empala sur son épée. Antonin Carême, cuisinier de Napoléon, inventeur de la toque et premier à porter le nom de « chef » dont on dit que la cuisine servie au Congrès de Vienne sauva la France du démembrement.

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Marvic Medina, 28 ans, ancien chef du Sapid, le restaurant végétal parisien d’Alain Ducasse, travaille au Central à Lima. Le meilleur restaurant du monde selon le World’s 50 Best.

©DR

Auguste Escoffier, père de la cuisine moderne et inventeur, entre autres, de la pêche Melba. Et les figures tutélaires du XXe siècle, Fernand Point, le « pape » Paul Bocuse, Alain Chapel – « mon mentor », confie Alain Ducasse –, Michel Guérard, visionnaire de la cuisine minceur, Joël Robuchon qui a réduit avec humour sa prodigieuse carrière à créer une simple purée de pommes de terre. Aujourd’hui, Yannick Alléno, pour qui la cuisine n’existerait pas sans les jus qui l’accompagnent, et Alain Passard, pionnier de ses jardins…

Et bien sûr les femmes. Des mères et grands-mères qui ont transmis les gestes, le goût, la passion. Et les chefs, les mères lyonnaises gourmandes, Eugénie Brazier et Marie Bourgeois, premières femmes triplement étoilées au Michelin en 1933, Annie Desvignes, Marguerite Bise, Paule Castaing, mannequins mythiques. Aujourd’hui Anne-Sophie Pic, Hélène Darroze, Stéphanie Le Quellec et bien d’autres.

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Alessandra Montagne-Gomes, 46 ans, chef du Nosso à Paris. Recettes brésiliennes avec des légumes d’Île-de-France.

©DR

Chacun mijote les fonds de sauce comme les anciens, qui les préparaient soigneusement le soir pour les utiliser le lendemain. Bouillons, jus, sauces, arrangés, légers et toujours indispensables. Il y a aussi bien sûr les inventions incontournables: quiche Lorraine, pâté en croûte, coq au vin, poule au pot, cassoulet, paquets de pied, ratatouille, bouillabaisse, blanquette, bœuf bourguignon, choucroute, gratin dauphinois, escargots au beurre persillé, pot-au-feu, tarte Tatin, crêpes, Paris-Brest, chantilly…

La France est le porte-drapeau de la gastronomie

Alain Ducasse

« La France est le porte-drapeau de la gastronomie », estime Alain Ducasse. C’est elle qui impose ce rythme de rigueur, de précision, de technique et de discipline aux jeunes chefs qui viennent apprendre chez nous. De retour chez eux, ils injectent ce savoir-faire dans leurs produits, issus de leur propre terroir. C’est à eux de raconter leur histoire. » Il faut être un peu chauvin quand on est cuisinier.

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Le maître et la relève : Amaury Bouhours, Jean-Philippe Blondet et Emmanuel Pilon. Dans leur palette, moins de viande, plus de verdure. au Meurice.

Paris Match / © Julien Faure

Alain Ducasse, qui, avec « Fou de France » il y a vingt ans, mettait déjà de jeunes chefs en selle, a travaillé dur, à l’occasion du 75e anniversaire de Paris Match, pour identifier de nouveaux talents, une élite de jeunes chefs opérant autour le monde. Techniciens pointus, artistes passionnés, déjà célèbres pour les uns, modèles de demain pour d’autres, autant de hérauts qui portent haut les couleurs de la gastronomie sur les cinq continents. « Ces femmes et ces hommes sont les expressions culinaires de notre époque. Chacun raconte son territoire, sa cuisine, sa personnalité, dessine l’avenir, mais avec l’ADN du savoir-faire français. »

Alessandra Montagne-Gomes est née dans une favela de Rio de Janeiro. Elle a étudié en France avant d’ouvrir son restaurant Nosso à Paris où elle propose une cuisine moderne et gourmande, à base de produits locaux, avec une touche brésilienne et un accueil à l’image de son pays, joyeux et souriant. … Chez Mory Sacko, du restaurant MoSuke (une étoile), Alain Ducasse aime la subtilité, la justesse du trait et les assiettes hybrides ponctuées de touches japonaises, une culture qu’il connaît bien, mais aux fortes influences africaines…

L’Afrique est la conquête gastronomique de demain

Alain Ducasse

« L’Afrique est la conquête gastronomique de demain. Et Dieuveil Malonga, du restaurant Meza Malonga, à Kigali au Rwanda, est pour moi son futur Paul Bocuse, leader d’un mouvement qui va redonner de l’énergie à tout un continent. » Congolais d’origine, il a visité tous les pays d’Afrique, où il s’est formé auprès de grands-mères, avant de s’installer au Rwanda et de proposer sa cuisine « afro-fusion ».

Les talents attirent les gourmets partout, du plus proche au plus éloigné. « La cuisine de demain sera une cuisine de créateur. En un quart de siècle, le nombre de restaurants dans le monde a triplé, précise Alain Ducasse. Il y a quarante ans, à New York, il y avait par exemple cinq restaurants « gastronomiques » ; aujourd’hui il y en a plus d’une cinquantaine ! L’offre n’a jamais été aussi nombreuse et variée. Le mouvement continue de s’accélérer. »

Si je vais au Pays Basque, je n’ai pas envie de manger ni d’être accueilli comme en Provence

Alain Ducasse

À Lima, la capitale du Pérou, Central a été sacré meilleur restaurant du monde en juin dernier par le célèbre World’s 50 Best. C’est ici qu’opère Marvic Medina, coaché ​​par le chef Virgilio Martinez. Elle puise son inspiration dans la terre de ses ancêtres, des rives du Pacifique jusqu’à Cuzco, à 3 400 mètres d’altitude. « Elle travaille avec rigueur et discipline l’expression culinaire de son territoire, nourrie de son expérience parisienne », précise Alain Ducasse. Au Four Seasons de Tokyo, Daniel Calvert, jeune chef britannique, suit avec brio la même logique : utiliser sa grande maîtrise de la cuisine française pour séduire les Japonais.

« La Terre a la capacité de nourrir tout le monde, mais nous devons agir différemment. C’est ce que nous commençons seulement à comprendre : avoir une vision humaniste de notre façon de manger. Économiser des ressources rares et veiller à la santé des consommateurs, les nourrir mieux, avec moins de gras, moins de sel, moins de sucre, moins de protéines animales… » Chaque cuisinier est le conteur de sa propre histoire. « La cuisine va devenir de plus en plus incarnée. Formatage terminé. Si je vais au Pays Basque, je n’ai pas envie de manger ni d’être accueilli comme en Provence », commente Alain Ducasse. La surcharge d’informations nécessite excellence et transparence. « Grâce aux réseaux sociaux, chaque client devient un inspecteur du guide Michelin. »

Une Canadienne élue meilleure cuisinière d’Italie en 2021

Jessica Rosval est la chef de la Casa Maria Luigia, à une dizaine de kilomètres de Modène, la demeure du maestro Massimo Bottura. Cette Canadienne pur sirop d’érable a été élue meilleure cuisinière d’Italie en 2021. « Étoile montante de la gastronomie de demain, elle prépare avec génie les produits de la province d’Émilie-Romagne. Elle représente pour moi LA cuisinière aubergiste du futur. »

En Italie toujours, Riccardo Camanini, chef du Lido 84, en Lombardie, travaille en famille. «Je me souviens d’une assiette de spaghettis au beurre et à la levure grillée. J’étais choqué. À tel point que j’ai demandé l’autorisation d’ajouter ce plat à ma carte au Plaza Athénée. »

Chacun apporte son supplément d’âme

Alain Ducasse

La cuisine, c’est aussi ça. Se laisser captiver par l’émotion d’un goût, d’une histoire, d’un service. Ainsi chez James Kent au Saga à New York, Alex Dilling à l’Hôtel Café Royal à Londres, Matthias Hahn au Tantris à Munich, Emmanuel Pilon au Louis XV à Monaco, Wilfrid Hocquet au Blue d’Alain Ducasse à Bangkok et bien d’autres. …

« Chacun apporte son supplément d’âme », conclut Alain Ducasse. Car l’ingrédient essentiel, celui qui fait la différence, reste la sensibilité. J’espère qu’il en sera ainsi dans le siècle à venir. » Il y a vingt ans, les cassandres nous prédisaient un triste avenir gastronomique, fait de pilules multicolores et de découvertes moléculaires avec option insectes. Ce débat d’idées fait suite au raz-de-marée de la nouvelle cuisine que Paul Bocuse résumait comme étant « l’art d’agrandir les assiettes et de réduire les portions ». Nous avons évité le pire ! Retour à la générosité et à la gourmandise. La grande gastronomie internationale nous promet un avenir radieux.

 
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