Le piano avant le cinéma
Une performance loin des excès de la famille de Jeff, Cathy et les autres. Pas de frites non plus au menu, mais toujours de la purée de pommes de terre : celle que son personnage – Jimmy, ouvrier du Nord de la France – sert à la cantine scolaire qui l’emploie. Un type plutôt dur qui se découvre… un frère quand ce dernier débarque un beau matin chez lui pour demander un peu d’aide. Trois fois rien : juste une greffe de moelle. Sauf que l’inconnu, bien que issu du même ventre, a eu la chance (?) d’être adopté par une famille bourgeoise, et se trouve désormais être un chef d’orchestre de renommée internationale. Pas le même karma.
guillementJe viens de la classe moyenne. Quand j’étais petit, j’étais un bourgeois parmi les pauvres et un pauvre parmi les bourgeois
“C’est beaucoup à digérer», comme le dit le courageux Jimmy. Et beaucoup de rattrapage à faire. Un joli sujet de comédie aussi, idéal pour cet acteur de 35 ans qui place la musique… au-dessus du cinéma dans le bas classement de ses passions :Mon premier amour est le piano et ma maîtresse est le cinéma», raconte celui qui a été placé devant un piano par sa mère quand il était très jeune et ne désespère pas de mener, un jour, une carrière musicale.
Dans Une fanfare, c’est dans un trombone qu’il souffle puisque Jimmy – qui a « ça » dans le sang, évidemment – le joue pour la fanfare locale : «Je n’en avais jamais fait et je pensais pouvoir produire un son décent en deux mois. Mais pour cela, il faut un an. Alors, c’est assez simple : dans le film, quand ça sonne mal, c’est parce que c’est moi, et quand ça sonne bien, c’est parce que c’est doublé ! (il rit)
Pas là pour sauver le monde
Oui, Pierre Lottin a certainement raison dans ce rôle très émouvant, et dans un film qui confronte deux mondes : la France au sommet et celle située, disons, un peu plus bas sur l’échelle de la réussite sociale. La chose parle à l’acteur de 35 ans : «Je viens de la classe moyenne. Au fond, quand j’étais petit, j’étais un bourgeois parmi les pauvres, et un pauvre parmi les bourgeois.»
guillementLe cinéma veut souvent faire comprendre les choses. Parfois, vous pouvez aussi les laisser tranquilles et simplement essayer de les faire rire.
Tout est finalement une question de point de vue. Celui de ce Parisien d’adoption, né à Angers, est très lucide sur son propre parcours. Plus « sérieux », le rôle de Jimmy peut clairement lui offrir de nouveaux horizons. »mais je ne sauve pas le monde non plus (sic) : disons qu’au lieu de me voir proposer le troisième ou le quatrième rôle, j’aurais peut-être droit au premier ou au deuxième.“
Pas question pour autant de mettre la comédie de côté. Faire rire les gens, il adore ça. Et ne nie absolument pas, par exemple, sa participation à Tuche : “Ce sont des films pleins de scènes devenues cultes, ça veut dire quelque chose. Parce que c’est bien écrit, avec de bonnes références, par des gens qui ont une sorte d’oreille absolue pour les conneries. Le cinéma veut souvent faire comprendre les choses. On peut aussi parfois les laisser tranquilles et juste essayer de les faire rire.»
Pierre Lottin n’est pas du genre à faire semblant : avant d’arriver là-bas ce vendredi, à Namur, il ne savait pas : «J’ai peut-être tourné là-bas, parce que j’ai souvent tourné en Belgique, mais tu sais, dans ce métier, un jour tu es là, le lendemain tu es ailleurs… et tu finis par te perdre (il rit) !
Par contre, en bon Français, il dit « j’aime les Belges » : «Cela fait peut-être un peu parisien de dire ça, je m’en rends compte, mais il y a une subtilité, en Belgique, qu’on a un peu perdue en France depuis les années 80-90. Un côté suranné, même dans la langue que nous n’avons pas su maintenir. J’ai grandi avec Dikkenek : ce film m’a bercé, je l’ai adoré, et je le connais par cœur. J’aime aussi beaucoup le travail de Jaco Van Dormael : franchement, Monsieur Personne, Là, il fallait y penser, c’est une péniche. Franchement, les Belges, ils ont de bonnes idées, ils sont têtus. C’est pourquoi j’aime vraiment ces gens. C’est bon, ai-je assez léché ton derche ? (il rit)
Véritable coup de cœur dès les débuts du FIFF après avoir été présenté à Cannes, En fanfare met également en avant le monde des fanfares, ici en équilibre avec le monde plus prestigieux de la « grande » musique classique. “Un peu à l’image du théâtre amateur avec le « vrai » théâtre, le monde des fanfares est très déconnecté de celui de la musique classique.reconnaît Emmanuel Courcol, le réalisateur de ce « feel good movie » dans lequel apparaît également Benjamin Lavernhe. Mais il existe aussi, par endroits, une réelle exigence de qualité. Avec, en prime, une vraie complicité amicale.“