Le procès de la mère d’Amandine, accusée d’avoir torturé et laissé mourir de faim la jeune fille de 13 ans, s’est ouvert ce lundi 20 janvier 2025 devant la cour d’assises de Montpellier. Cette audience, parmi les nombreux mystères terribles de cette affaire, soulève une question : comment personne n’a-t-il pu mettre un terme au martyre de cette enfant alors même que des signalements avaient été faits, 6 ans plus tôt, par son école de Perpignan ?
Chercher plus d’une seconde sur la photo d’Amandine au moment de son décès en août 2020 est strictement impossible. Insupportable. Une jeune fille de 13 ans pesant 28 kg et mesurant 1,55 m. Soumis à la barbarie pendant plusieurs mois dans la maison familiale de l’Hérault, séquestré au fond d’un débarras, parfois nu, souvent dans le noir. Espionnée par le système de vidéosurveillance installé par sa mère et morte de faim.
Comment expliquer l’impensable ? Comment a-t-on pu passer à côté de l’enfer vécu par Amandine, malgré tous les signaux et tous les signalements faits sur des soupçons de maltraitance dès sa petite enfance dans les Pyrénées-Orientales ?
A cette époque, la petite fille vivait avec sa famille dans le département d’où son père était originaire, elle fréquentait l’école Jules-Ferry à Perpignan. Déjà, constate le personnel de l’école, la petite fille vole de la nourriture. Un comportement si marquant que durant l’année 2013-2014, alors qu’elle avait entre 7 et 8 ans, l’équipe pédagogique a rédigé une information inquiétante adressée au parquet. “Tout au long de l’année, nous avons remarqué qu’elle volait des collations à ses amis. elle écrit. Après l’avoir également surprise, “manger les restes de collations des poubelles.”
La mère envoie un certificat médical à l’école et la petite fille ne revient jamais
Toujours en CE1, Amandine arrive avec des bleus et des traces de coups sur le corps. Le réalisateur est ému et une expertise médicale révèle des contusions de « 19 cm de haut sur 13,5 cm de large sur un genou », “10 cm sur 12 cm sur l’autre genou”mais aussi sur chaque pied, sur la fesse, sur l’avant-bras et sur l’épaule. Interrogée, l’enfant explique qu’elle a été placée à genoux sur une règle en bois pendant plusieurs heures lorsqu’elle a été punie. Puis elle se rétracte. Une enquête est ouverte et n’aboutira à aucune suite. “manque d’informations suffisantes”. Le juge des enfants, comme en 2012 pour la première fois, a été contacté et a conclu qu’il n’y avait pas besoin d’aide éducative. Après avoir convoqué les parents par le médecin scolaire, la petite fille ne reviendra pas à l’école Jules-Ferry, sa mère envoyant un certificat médical précisant que sa fille souffre d’une maladie provoquant des bleus ainsi qu’une chute de cheveux. .
À la maison, le silence est de mise. Les frères et sœurs d’Amandine n’osent pas parler ou sont obligés de mentir aux services sociaux “par peur” pour eux-mêmes, être séparés ou “pour qu’Amandine ne soit plus frappée. Tout le monde finira par confier que dès l’âge de 2 ans, elle était “l’analgésique” ou “le vilain petit canard de la famille”, ne jamais participer à des sorties en famille ou être le seul à être exclu des vacances. Que sa mère “Je la détestais parce qu’elle ressemblait beaucoup à son père.” Elle a enduré “plus que tous les autres” privation de nourriture, corrections traumatiques, coups de poing et de pied, arrachage de cheveux, strangulation, etc.
-« Deux jours sans manger ni boire »
Entre 2017 et 2020, l’adolescente changera trois fois d’école, d’abord au collège Notre Dame des Anges à Espira-de-l’Agly en 6e, elle va à Montpellier en 5e et à Sigean en 4e en interne. Dans l’Hérault aussi, le personnel a constaté des marques sur son corps qu’elle a maladroitement tenté de justifier. Et ce n’est pas tout, plusieurs camarades de classe de la collégienne l’ont alertée suite à ses aveux, mais Amandine les nie toujours. Ne prenant plus de cours lors du premier confinement et ne revenant plus à partir du 7 mai 2020. Définitivement livrée à son innommable épreuve.
L’humiliation et la punition alimentaire, contenues par le lien social de l’école, s’intensifient à huis clos à la maison. « Au début, elle était privée de repas le soir. Puis le midi et le soir, puis enfermée dans sa chambre pendant deux jours sans manger ni boire », révèle un ami proche. Amandine, mise à l’écart en bout de table, limitée à des repas à base de légumes verts qu’elle n’aime pas quand les autres profitent de menus copieux, est vite exclue. Interdit de manger. Contrainte d’écrire des lignes à deux pas des assiettes et de rester au fond d’un débarras, en seule compagnie d’un congélateur, pour tourmenter encore davantage la faim qui la tourmente.
« Avec le recul, il aurait été difficile de l’éviter. Personne n’aurait pu imaginer cela.
Le père d’Amandine, Frédéric Florès, policier à Perpignan, qui a eu deux autres enfants avec l’accusée Sandrine Pissara, n’a également rien dit lors des enquêtes sociales menées dans les Pyrénées-Orientales. Il explique avoir été témoin des punitions d’un “autre âge” et des crises de colère de la part de la mère mais jamais de violence. « Sandrine Pissara les lui a cachés. Elle a manipulé toute la famille pour s’assurer qu’ils contestaient les accusations et que tout le monde soutenait ses mensonges. Et M. Florès était persuadé qu’elle était incapable de faire ça à Amandine”, précise son avocat Me Florian Médico qui s’exprime depuis l’ouverture de l’audience. « Avec le recul, il aurait été très difficile de l’éviter. Ce père de famille a fait part de ses convictions aux services sociaux. L’institution judiciaire ne disposait pas des éléments nécessaires pour être consciente de ce qui se passait. Personne ne pouvait imaginer cela. Et six ans plus tard, nous nous retrouvons dans une tragédie absolue, avec des actes de torture et de barbarie.»
Une douleur d’autant plus profonde que Frédéric Florès n’avait pas vu ses enfants depuis trois ans avant les événements malgré, dit-il, ses demandes régulières auprès de leur mère. « Sandrine Pissarra avait convaincu les enfants qu’il ne voulait pas les voir alors qu’il n’avait pas d’autre souhait. Son dernier contact avec Amandine remonte à avril 2020, pour 45 minutes au téléphone. Ils avaient discuté de ce qu’ils pourraient faire pour se revoir« . Sans le père, même s’il savait que sa fille était malheureuse, confie-t-il, il ne pouvait pas supposer qu’elle était en danger.
Aujourd’hui, Frédéric Flores n’a qu’une attente. “Que la mémoire d’Amandine soit respectée et que les accusés reconnaissent les tortures qu’ils lui ont infligées. En espérant que les manipulations de Sandrine Pissara n’affecteront pas la juridiction comme cela a été le cas par le passé.»
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