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Leur bébé meurt chez le dentiste

Lorsqu’ils se sont rendus chez le dentiste avec leur bébé de quatre semaines, le 28 juin 2023, Laurence Hardy et Nicolas Beauchemin ne se doutaient pas qu’ils sortiraient en ambulance avec leur bébé en arrêt respiratoire. Le tout après avoir subi une intervention qui devait être banale : une frénotomie, ou une intervention qui consiste à couper le frein de la langue.

«C’est un véritable cauchemar», dit la mère. « Si nous avions su que l’intervention comportait des risques aussi importants, nous y aurions réfléchi à deux fois avant de la faire », ajoute le père.

Deuxième enfant de la famille, le petit Jules Beauchemin n’a eu aucun problème de santé, affirment ses parents. Mais peu après la naissance du bébé, lors d’une visite de routine au domicile d’une infirmière du CLSC, elle aurait fait remarquer à Mme.moi Hardy et M. Beauchemin que leur fils avait un frein de langue « important ». Une condition qui, parfois, peut compliquer l’allaitement.

Avec Jules, l’allaitement se passait bien, raconte Mmoi Robuste. Mais après avoir obtenu ces informations, les parents disent s’être posé des questions. Ils se sont donc rendus le 28 juin 2023 à la clinique de la dentiste Marie-Ève ​​Grégoire.

Nous y sommes vraiment allés dans le but d’obtenir des conseils sur ce qui était le mieux pour lui.

Laurence Hardy

Les parents affirment avoir rencontré pour la première fois une consultante en allaitement, Marie-Ève ​​Sturrock, à la clinique dentaire de Saint-Jean-sur-Richelieu. Cela leur aurait donné « plusieurs arguments » pour les convaincre de réaliser une frénotomie, affirment les parents. Comme avantages « en terme d’alimentation quand il allait commencer à manger, en terme d’élocution quand il allait commencer à parler », énumère M.moi Robuste. Des impacts sur l’estime de soi auraient aussi été évoqués, puisque ces enfants seraient parfois traités de « bavards » à l’école, précise M.moi Robuste. “Il semblait évident que nous devions aller de l’avant avec la frénotomie”, ajoute-t-elle.

L’intervention a également semblé « ordinaire, rapide et indolore », précise M. Beauchemin. Pas d’anesthésie. Juste un appareil laser qui permet de couper l’attache-langue avec un jet d’eau. Parmi les quelques risques possibles, on aurait évoqué l’allaitement peut-être un peu plus difficile dans les deux ou trois premiers jours qui suivent l’intervention, raconte le père. Ou bien, l’attache-langue pourrait se remettre en place et une nouvelle procédure pourrait devoir être effectuée. « Cela semblait être peu de risques pour beaucoup d’avantages pour le reste de sa vie », explique M. Beauchemin.

Peu après la rencontre avec la consultante en allaitement, la dentiste Marie-Ève ​​Grégoire a réalisé la frénotomie, témoignent les parents. Pour ce faire, Jules aurait été emmailloté et placé dans les bras de son père qui était assis dans le fauteuil du dentiste, rapportent-ils. L’intervention aurait été courte. Quelques minutes tout au plus.

Mais dès que le petit a été remis dans les bras de sa mère, celle-ci a déclaré avoir remarqué que «ses cris étaient différents». «Je l’ai désemmailloté. Rapidement, il est devenu bleu et doux”, explique M.moi Robuste. Les parents racontent que des manœuvres de réanimation ont été initiées avant leur départ en ambulance avec Jules pour l’hôpital, où le bébé a été constaté mort.

La cause exacte du décès reste inconnue puisque le rapport du coroner n’a pas encore été publié.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Empreintes de pas de Jules Beauchemin, deuxième enfant de la famille

Le choc pour la famille est immense. “Vous ne pouvez pas vous préparer à ça.” On a eu un enfant qui n’était pas malade», souffle M. Beauchemin.

«C’était irréel. On ne s’en remet jamais », dit M.moi Robuste. Les parents ont déposé une plainte auprès de l’Ordre des Dentistes dans cette affaire.

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Accusée d’avoir partagé ses honoraires

Le dossier devant le Conseil de discipline sera entendu à compter de ce lundi à Montréal. Six chefs d’accusation ont été portés contre la dentiste Marie-Ève ​​Grégoire, dont celui d’avoir recommandé une frénotomie « sans avoir une connaissance suffisante des faits qui la justifiaient », d’avoir « manqué à son devoir d’information envers les parents » en leur fournissant avec « des informations incomplètes ou erronées quant à la nature et à l’étendue du problème qui découle de l’état » du bébé ainsi que des « risques et bénéfices liés au traitement recommandé, à savoir une frénotomie ».

Marie-Ève ​​Grégoire est également accusée d’avoir « toléré » que « Marie-Ève ​​Sturrock, une personne qui n’est pas membre de l’Ordre des dentistes du Québec, effectue des actes dentaires réservés aux dentistes », soit « diagnostiquer un frein lingual et un frein labial restrictif et prescrire une frénotomie. Enfin, il est reproché à la dentiste d’avoir «versé une partie de ses honoraires pour des traitements de frénotomie à Marie-Ève ​​Sturrock».

La presse j’ai essayé de contacter Mmoi Grégoire jeudi dernier, mais son bureau a indiqué qu’elle ne donnait aucune interview. La presse j’ai aussi essayé de contacter Mmoi Sturrock vendredi, sans succès.

Intervention controversée

Trésorier de l’Association d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale du Québec, Dr.r Alain Moukheiber explique que très peu de complications sont généralement liées à la frénotomie. La frénotomie peut être réalisée par des médecins de famille, certains médecins spécialistes ou des dentistes. Il s’agit de couper le frein de la langue – la membrane qui relie le plancher de la bouche au bout de la langue – à l’aide d’un outil laser ou de ciseaux.

Dans un communiqué publié en 2022, l’Académie nationale de médecine de indiquait que « malgré la simplicité du geste chirurgical » d’une frénotomie, et même si les complications « restent rares », certaines peuvent survenir comme « des hémorragies, des lésions tissulaires collatérales ». , obstruction des voies respiratoires, refus d’allaiter, aversion orale, infection ou augmentation de la durée de l’allaitement après l’intervention chirurgicale.

Le recours à la frénotomie est un phénomène croissant partout dans le monde.

Dans son communiqué, l’Académie nationale de médecine s’interroge sur « l’augmentation spectaculaire, en France et dans le monde, des frénotomies linguales » chez les nourrissons. Il s’agit d’un « geste agressif et potentiellement dangereux pour les nouveau-nés ou les nourrissons », a indiqué l’Académie.

Dans un avis publié sur son site Internet, la Société canadienne de pédiatrie (SCP) mentionne qu’« une énorme controverse entoure le diagnostic, la signification clinique et la prise en charge » de l’ankyloglossie. Une condition qui peut être définie comme une « restriction du mouvement de la langue », explique le chef du service de chirurgie de l’Hôpital de Montréal pour enfants, l’oto-rhino-laryngologiste Sam Daniel. L’ankyloglossie est « souvent causée par un frein de langue trop court », explique-t-il. Sans commenter le cas précis de Jules Beauchemin, le Dr Daniel mentionne que « beaucoup de gens ont ça. Cela ne veut pas dire que nous devons faire quelque chose.

« La plupart des nourrissons atteints d’ankyloglossie sont asymptomatiques et n’ont aucun problème à s’alimenter », écrit la Société canadienne de pédiatrie. Une frénotomie peut être indiquée dans certains cas si la restriction est importante et complique l’allaitement, noter le Drs Daniel et Moukheiber. “Mais il faut d’abord avoir exclu d’autres causes du problème d’allaitement”, explique le Dr.r Daniel. Les deux médecins soulignent que l’ankyloglossie n’a généralement aucun impact sur le développement du langage chez les jeunes.

Selon la Société canadienne de pédiatrie, alors que les autorités sanitaires martèlent les bienfaits de l’allaitement, « la pression est plus grande que jamais pour diagnostiquer l’ankyloglossie comme cause d’échec de l’allaitement, augmentant ainsi la demande de frénotomie ».

Une étude publiée en 2020 dans le Journal d’oto-rhino-laryngologie – Chirurgie de la tête et du cou par le Dr Eric Wei a démontré que « de 2012 à 2016, il y a eu une augmentation de 110,4 % des diagnostics d’ankyloglossie signalés en milieu hospitalier. [aux États-Unis]avec une augmentation similaire des procédures de frénotomie linguale.

Les parents de Jules Beauchemin ont longtemps hésité avant de rendre publique leur histoire. «Mais notre objectif est de sensibiliser le public et les professionnels de santé à cette intervention», précise le père de famille. “Pour que plus aucun parent ne vive ce que nous avons vécu”, ajoute la maman.

Apprendre encore plus

  • De 4,2% à 10,7%
    Prévalence de l’ankyloglossie (problème de mobilité de la langue) chez les nourrissons

    source : Société canadienne de pédiatrie

 
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