C’est presque un miracle de pouvoir surprendre Caroline Monnet entre deux engagements et trois expositions à l’étranger.
Rien qu’en 2024, l’artiste multidisciplinaire voyage entre Paris, Berlin, Los Angeles, Boston, Venise et Toronto, en plus de s’arrêter à Ibiza pendant un mois pour écrire. L’année qui commence sera tout aussi nomade. « C’est passionnant, on rencontre beaucoup de Monde, on apprend, c’est riche, mais c’est parfois difficile sur le corps. Il faut être prudent», dit le voyageur de 39 ans au converti du voyage que je suis.
Mais ne vous inquiétez pas, cet article ne couvrira pas la meilleure façon de collecter des points Air Miles. Si j’avais envie de rencontrer Caroline Monnet, c’était pour lui parler d’un sujet à la fois politique et intime. Parce que j’aimerais savoir comment nous pouvons aujourd’hui élever un enfant pour qu’il soit plus en phase avec la culture, l’histoire et les causes autochtones que ses parents.
Ma génération, celle du X, était largement plongée dans un climat d’incompréhension, voire d’ignorance à ce sujet. De mère anishinaabe et de père français, Caroline Monnet a grandi dans cette même culture, tout en portant fièrement sa double identité culturelle.
Nous avons tous les deux eu un choc rédempteur en voyant le documentaire d’Alanis Obomsawin Kanehsatake : 270 ans de résistance. Un film qui déboulonne les idées reçues sur la crise d’Oka qui a tant marqué le Québec au début des années 1990.
Caroline Monnet, qui, à 10 ans, voit pour la première fois d’autres Autochtones à l’écran, a alors envie de prendre la caméra pour raconter des histoires. « J’ai compris le pouvoir des médias, puis de la communication, pour changer le monde ou, du moins, pour éduquer et sensibiliser », dit-elle aujourd’hui, assise au lumineux café Butterblume du Mile End, à deux pas de là. de son atelier.
J’ai vu le film un peu plus tard, au début de la vingtaine, et il m’a fait prendre conscience de l’étendue de mon ignorance. Je me suis dit qu’il n’était pas trop tard pour terminer ma propre éducation, un chemin que je parcours depuis et qui s’est beaucoup élargi après l’émergence du mouvement Idle No More et la tenue de la Commission vérité et réconciliation sur les pensionnats. . Puisque nous avons collectivement accès à la fois à l’ombre et à la lumière de la réalité autochtone.
« Contrairement aux générations précédentes, les enfants ne pourront pas ignorer ce qui s’est passé. Sans savoir que l’histoire du Canada n’est pas toute rose. Qu’il y avait l’histoire des pensionnats, de la colonisation, des réserves forcées, Loi sur les Indiens. Ce sont des pans de notre histoire dont on parle beaucoup maintenant ainsi que leurs conséquences », déclare Caroline Monnet.
Cette éducation à l’histoire – qui a longtemps fait défaut – n’est qu’une première étape, estime l’artiste, qui estime qu’il est important de se connecter avec le monde indigène autrement que sur le plan intellectuel. « Cela peut être aussi simple que d’apprendre une chanson dans une langue autochtone. Ou encore savoir dire bonjour dans la langue de la nation à laquelle est lié le territoire auquel nous vivons », donne-t-elle en exemple.
L’art, ajoute-t-elle, offre aussi mille occasions de créer cette connexion plus personnelle, plus ressentie. « J’ai toujours considéré les artistes comme des sociologues. Notre rôle est d’étudier le monde qui nous entoure, de réfléchir sur ce qui nous entoure et d’offrir des pistes de dialogue », ajoute-t-elle, soulignant que cette conversation est bien engagée.
« Cela se passe beaucoup à travers la littérature et la musique en ce moment. Je suis ravi quand j’entends que les jeunes lisent Loi de Michel Jean à l’école ou encore quand les enfants connaissent la poète Joséphine Bacon », raconte celle qui a signé la conception vidéo de la version théâtrale de Loidirected by her sister Émilie Monnet and presented to a sold-out crowd at the Théâtre du Nouveau Monde last fall.
« L’art nous permet de réinscrire les peuples autochtones dans notre imaginaire collectif de manière authentique. Pendant longtemps, nous avons été dans cet imaginaire de manière stéréotypée, voire romancée. Mais maintenant que nous donnons un espace aux peuples autochtones pour qu’ils s’expriment à leur manière, les choses changent », estime-t-elle. Et ce sera au bénéfice des plus jeunes.
Il y a une multitude d’œuvres et d’artistes de la culture indigène qu’elle aimerait faire découvrir aux enfants et aux adolescents. Elle a un faible pour Nutritionle livre de Mélissa Mollen Dupuis, illustré par Elise Gravel. Pour la comédie Chiens de réservation de Sterlin Harjo et Taika Watiti, présenté par CBC, ou pour la série dramatique Pour toi Flore de Sonia Bonspille Boileau (ICI Tou.tv). Elle a craqué pour la musique de l’artiste afro-wendat Joseph Sarenhes, la poésie de Billy-Ray Belcourt et les installations de Nico Williams, également Anishinabe.
Si Caroline Monnet reconnaît qu’il y a parfois des colères qui s’expriment de « manière saine » dans l’art indigène, elle estime que c’est d’abord l’amour qui se dégage de cet art de plus en plus riche et de plus en plus varié.
« J’ai compris à travers mon travail que je voulais y mettre beaucoup d’amour et ne pas forcément pointer du doigt », raconte-t-elle.
Je veux que le message passe – il peut s’agir d’œuvres engagées – mais je veux que le public se dirige vers les œuvres. Ceux-ci peuvent être colorés, tournés vers l’avenir, mais ils parleront quand même de sujets qui me tiennent à cœur, pour faire bouger les choses et sensibiliser.
Caroline Monnet
Elle ressent également cet amour chaque fois qu’elle collabore avec d’autres artistes autochtones et non autochtones sur des projets. «Pour qu’il y ait de vraies rencontres, rien de tel que de travailler ensemble», dit-elle.
Elle a également versé une tonne d’amour dans la magnifique fresque murale intitulée Wabigon (« une fleur s’épanouit » en anishinaabemowin), qui se situe juste à l’extérieur de l’exposition que le Musée d’art contemporain de Montréal consacre à l’œuvre titanesque de la réalisatrice Alanis Obomsawin – oui, la grande réalisatrice abénaquise qui fut au cœur d’une prise de conscience pour Caroline Monnet quant à l’auteur de ces lignes.
Le titre de l’exposition, qui se déroule jusqu’au 26 janvier, est également en synchronie avec notre rencontre caféinée. Les enfants ont besoin d’entendre une autre histoire. C’est bien parti.
Questionnaire sans filtre
- Le café et moi : J’adore l’odeur du café, mais je n’en bois qu’un par jour. Ensuite, je commence par du thé vert.
- Un événement historique auquel j’aurais aimé assister : Discours « J’ai un rêve » de Martin Luther King à Washington le 28 août 1963.
- Si je pouvais réunir des personnes (mortes ou vivantes) autour d’une même table pour un dîner, j’inviterais : Les écrivains James Baldwin et Dany Laferrière, la peintre Rita Letendre, la poète Joséphine Bacon, la chanteuse Nina Simone, le réalisateur Jeff Barnaby, mon arrière-grand-mère Mani Pizandawatc et ma mère.
- Et je servirais mes invités : Un ragoût qui peut être mis au milieu de la table. J’aime particulièrement la recette de mon grand-père, la perdrix enveloppée de chou et de lard. Ou encore du saumon cuit sur planche de cèdre accompagné d’une salade.
Qui est Caroline Monnet ?
- Artiste multidisciplinaire de mère anishinaabe et de père français, Caroline Monnet a grandi en Outaouais.
- Diplômée en sociologie, c’est par le cinéma qu’elle entre dans le domaine des arts.
- Peinture, installations, costumes, mobilier : elle s’est depuis essayée à plusieurs arts.
- Son travail a été présenté au Musée d’art contemporain de Montréal, au Whitney Museum of American Art Biennial, au Festival international du film de Toronto (TIFF) et au Musée des beaux-arts du Canada, pour n’en nommer que quelques-uns. n’en citer qu’une poignée.
- Cet automne, elle a notamment conçu le clip de l’adaptation théâtrale de Loi.
Qu’en penses-tu? Participer au dialogue
Related News :