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“Je vois des similitudes entre Flow et Fury Road”

Le film d’animation remarqué à Cannes et à Annecy vient de remporter un Golden Globe. Nous avons rencontré son créateur pour parler de sa création.

Comment faire un grand film sur un petit chat face à la fin du monde ? Cinéaste letton Gints Zilbalodis explose les codes de l’animation avec Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eauqui vient de recevoir un Golden Globe à Hollywood. Face à des concurrents bien plus gros que lui : Vice-versa 2 et Vaiana 2 des studios Disney, Le robot sauvage de Dreamworks et du nouveau Wallace et Gromit conçu pour Netflix. Un seul autre film indépendant était en lice : Mémoires d’un escargotd’Adam Elliot.

En juin dernier, lors du festival d’animation d’Annecy, il nous révélait les secrets de fabrication de cette bombe dont vous n’avez pas fini d’entendre parler. Voici son interview, initialement publiée dans numéro 556 de D’abord.

Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau : un choc visuel et narratif [critique]

Tour de force visuel et narratif (aucun dialogue n’est parlé), Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau est l’histoire épico-poétique d’un chat et de quelques animaux qui tentent de survivre au Déluge dans un monde où l’humanité a disparu. Passé par Cannes (UCR) et le festival d’Annecy (d’où il est reparti avec quatre prix), ce long métrage atypique fait déjà figure de favori pour l’Oscar du meilleur film d’animation. C’est l’œuvre du Letton Gints Zilbalodis, 30 ans et au regard fuyant d’un timide qui a la boule au ventre à la moindre interaction sociale. « J’ai réalisé mon premier film entièrement seul et l’histoire parlait du sentiment de solitude. Cette fois, j’ai dû travailler en équipe et il s’est avéré que le film parle de notre capacité à faire confiance aux autres. L’ironie de la chose ne m’a pas échappé. »sourit discrètement le réalisateur, qui nous fait part de ses obsessions formelles.

PREMIÈRE : Ce qui vous frappe immédiatement Coulerc’est sa grandeur. On dirait un mélange de L’Impossible et Mad Max : Fury Road.

GINTS ZILBALODIS : L’action en direct m’inspire beaucoup. Je vois des similitudes avec Route de la fureuroù le dialogue est presque secondaire et où tout ce qui compte c’est
la chasse. Sauf que je suis partisan des plans-séquences longs. Pas seulement pour frimer, mais parce que cela permet d’ajouter plusieurs couches de lecture dans un seul plan séquence : on part loin du personnage, on se rapproche, on s’éloigne encore… Cela crée ce sentiment d’objectivité et de subjectivité à la fois. temps, sans que j’aie trop l’impression de manipuler le public. Dans le monde de l’animation, les possibilités de mouvements de caméra n’ont pas été autant explorées qu’elles devraient l’être. Comme il y a une sorte de contrat avec le spectateur, une suspension consentie de l’incrédulité, il faut pouvoir se permettre d’être plus expressif, de pousser les curseurs de l’émotion à travers le cadrage. L’histoire est vraiment importante pour moi, mais parfois je pense que c’est en fait mon excuse pour m’amuser avec la caméra. (Rires.)

Comment composez-vous vos projets ?

Généralement, dans un film d’animation, tout commence par un storyboard dessiné à la main. Nous ne l’avons pas fait avec Flow. Au lieu de cela, je suis passé directement à une animatique 3D. Je place les personnages dans des scènes qui ne sont pas encore animées, et je déplace ma caméra virtuelle pour trouver des idées de plans. Parfois, j’ajoute de l’éclairage, car il me donne la position des ombres, qui est prise en compte dans la composition. Et je mets parfois de la musique pour ressentir le tempo, le ton de la séquence. Puisqu’il n’y a pas de dialogue, le sentiment d’immersion doit primer sur tout. Cela demande de la spontanéité et de la flexibilité. Je n’ai pas relu le scénario une seule fois après l’avoir écrit, et je m’en suis éloigné régulièrement car ce qui fonctionnait sur le papier ne fonctionnait pas du tout dans la vraie vie. Chez les frères Coen, chaque plan est planifié avant le tournage. Je suis incapable de faire ça. J’ai dû expérimenter pendant deux ans pour arriver là où je voulais.

Dream Well Studio, Sacrebleu Productions, Take Five

Au final, vous êtes presque plus proche des mécaniques de création de jeux vidéo que de l’animation.

Il y a quelque chose de cet ordre, oui. De plus, les outils utilisés dans ces deux arts sont de plus en plus courants. Comme dans les jeux vidéo, j’accorde beaucoup d’importance aux environnements, car je crois que la narration passe aussi par là. C’est pourquoi je privilégie les plans larges. Et je voulais que les décors sèment le doute, qu’ils nous empêchent de savoir si nous sommes dans un monde moderne ou très ancien. Petit à petit, une mythologie se dessine. Je guide le regard du public, mais je le laisse tirer ses propres conclusions.

A l’opposé des environnements détaillés, il y a ces animaux presque esquissés et pourtant très réalistes dans leurs mouvements…

C’est parfaitement conscient. Il n’y avait pas de motion capture, mais les animateurs utilisaient beaucoup de références. Nous avons recherché l’équilibre entre le réalisme et quelque chose de plus graphique. Cela a nécessité de nombreux tests visuels en 3D. Nous pourrions modifier en temps réel le “visages” animaux pour voir s’ils performaient sous des lumières différentes. J’aime cette idée de travailler la matière numérique comme s’il s’agissait de pâte à modeler. Ce n’est jamais technique pour moi, c’est fait main, même si cela se fait via un ordinateur. C’est souvent le piège des images de synthèse : le processus de création devient presque clinique. Et on se retrouve avec des personnages photoréalistes, certes très impressionnants, mais qui paraissent déjà datés quelques années plus tard. Je vise modestement l’intemporalité.

Voici la bande-annonce de Couler :

 
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