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Les saisons de patinage fondent comme neige au soleil

Elles seront réfrigérées, couvertes, mais elles ne seront plus telles qu’on les connaît : les patinoires évoluent avec le changement climatique. L’augmentation des degrés au thermomètre bouleverse déjà les habitudes des skateurs.

Il fait quelques degrés au-dessus de zéro, mais à Varennes, la surface de la patinoire Polydôme est impeccable.

En fin de matinée, les hockeyeurs ont quitté la glace et Léo St-Michel est resté, il avait la grande surface pour lui tout seul. Le joueur de 20 ans n’est pas nouveau dans le patinage : il joue pour les Sénateurs juniors d’Ottawa, une équipe junior A, et a découvert les joies du hockey avant même d’aller à l’école.

Il se souvient de la patinoire extérieure qu’il fréquentait près de chez lui, à Verchères. «Ça existe encore, mais ce n’est pas prêt», dit le jeune homme, qui constate que «les - ont un peu changé» et qu’on ne patine plus aussi tôt qu’avant en hiver.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Léo St-Michel vante la glace parfaite au Polydôme de Varennes.

La patinoire couverte et réfrigérée inaugurée il y a quelques années est, selon lui, « parfaite » : « Pas de bosses, un toit et une Zamboni. C’est amusant», dit Léo St-Michel.

Au cours des dernières années, les toits se sont multipliés sur de nombreuses patinoires extérieures de la province, équipées d’un système de réfrigération.

Dorval inaugurera prochainement le sien, construit au coût de 9,5 millions. Les trois patinoires naturelles de cette commune ont été difficiles à entretenir ces derniers -. « La météo n’a pas été belle l’année dernière, on ne les a pas beaucoup ouverts », raconte Annick Charest, directrice des communications de la Ville de Dorval.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE ARCHIVES

Cette patinoire du Plateau-Mont-Royal a été fermée en janvier 2023.

À Sherbrooke, l’an dernier, les patinoires étaient ouvertes en moyenne 20 jours, sur une saison possible de 84 jours.

«C’est beaucoup de coûts pour quelques heures de service, comparativement à la patinoire réfrigérée qui était ouverte 98 jours sur 101», a déclaré Nancy Robichaud, présidente de la Commission de la culture, du loisir, des sports et du développement. à l’extérieur de la Ville de Sherbrooke.

Les 71 patinoires naturelles de la ville seront de nouveau ouvertes cette année, mais dès l’année prochaine, une « réflexion » sera entamée pour déterminer combien doivent rester ouvertes en raison du changement climatique.

“Ce n’est pas notre imagination”

Depuis maintenant 13 ans, Robert McLeman et ses collègues de l’Université Wilfrid Laurier de Waterloo, en Ontario, gèrent le projet « Rink Watch ». Avec des bénévoles, ils surveillent l’état de la glace dans des milliers de patinoires au Canada, mais aussi aux États-Unis.

« On constate que depuis les années 1990, les hivers sont devenus plus courts. Elles commencent plus tard qu’avant et il y a plus de variabilité : des périodes de gel-dégel », explique le professeur du Département de géographie et d’études environnementales.

S’appuyant sur des données recueillies au fil des années, il affirme que la température idéale pour une patinoire est de -5°C. Or, « le nombre de jours plus froids diminue de plus en plus », précise M. McLeman.

Ce n’est pas seulement le fruit de notre imagination : quand nous étions jeunes, les hivers étaient plus froids. C’est vraiment ce qui se passe.

Robert McLeman, professeur au département de géographie et d’études environnementales de l’Université Wilfrid Laurier

Pendant des décennies, la rivière L’Assomption dans Lanaudière s’est transformée chaque hiver en une patinoire de plusieurs kilomètres. Le Festi-Glace s’y est également tenu, mais après des annulations successives, l’organisation a dû se rendre à l’évidence pour son édition 2025 : la patinoire, c’est fini.

Le maire de Joliette et préfet de la MRC de Joliette, Pierre-Luc Bellerose, affirme qu’environ 120 000 $ par année en contrats d’entretien ont été, « sans mauvais jeu de mots, jetés aux égouts » lorsque la patinoire n’a pas pu être réalisée.

«Les gens étaient déçus, mais ils s’y attendaient aussi», raconte M. Bellerose.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

La patinoire de la rivière L’Assomption, dans Lanaudière, en 2014

Cela ne ferme pas la porte à un éventuel retour du festival hivernal sur le fleuve, mais la ville cherche un « plan B » pour tenir le festival lorsque le fleuve ne gèle pas.

Fondateur de l’entreprise Hydro Météo, Pierre Corbin était chargé d’effectuer des essais de glace sur la rivière L’Assomption afin de savoir si les équipements nécessaires à l’entretien de la patinoire pouvaient y être déployés en toute sécurité.

«Cela faisait deux années de suite que c’était du jamais vu : deux débâcles d’affilée en plein mois de décembre. À partir du moment où il n’y a plus de glace en décembre, il faut repartir de zéro», affirme M. Corbin.

Les changements qui étaient observés sur la rive sud du Saint-Laurent il y a 15 ans, comme les débâcles successives en hiver, se produisent désormais au nord, observe-t-il.

« À un moment donné, la situation a dépassé les limites. Il y a eu des mouvements de glace au Québec, dans Lanaudière, dans les Laurentides», raconte M. Corbin, qui connaît la patinoire de la rivière L’Assomption «depuis aussi longtemps qu’il [se] souviens-toi.”

20 jours de moins à Montréal

Selon les données que nous a fournies la Ville de Montréal, il y aura cet hiver plus de 220 patinoires extérieures à Montréal, soit une quarantaine de moins qu’il y a dix ans. Seules 10 patinoires sont réfrigérées, soit 2 de plus qu’en 2016.

Les patinoires naturelles ont disparu des quartiers. Après des années à faire le bonheur des familles, celui de l’étang du parc Jarry n’est plus.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE ARCHIVES

En décembre 2023, la patinoire de l’étang du parc Jarry à Montréal a été fermée.

« Les gelées et les dégels qui caractérisent nos hivers font que la glace […] instable et dangereux », lisait-on l’année dernière sur une affiche installée tout près de l’étang.

Depuis les années 1950, Montréal compte en moyenne 70 jours de patinage par année. Aujourd’hui, cette moyenne est d’environ 50 jours, explique le professeur Robert McLeman.

Verra-t-on de moins en moins de patinoires naturelles ? «Malheureusement, oui, notamment pour les grandes patinoires des parcs gérés par les villes», précise M. McLeman.

« Aux États-Unis, je vois des gens acheter des systèmes de congélation pour créer des patinoires dans leur cour. C’est trop difficile d’avoir des patinoires naturelles », dit-il.

Le professeur de l’Université Wilfrid Laurier s’intéresse aux changements climatiques depuis plus de 25 ans. Il espère, par son travail sur les patinoires, susciter l’intérêt des gens « qui font la queue chez Tim Hortons pour aller emmener leurs enfants à l’école ou au hockey ».

«Quand on parle des impacts des changements climatiques, on parle d’ours polaires, de glaciers, de montagnes, etc. La plupart des Canadiens ne vont pas dans le nord du pays, mais ils peuvent voir la patinoire dans leur cour», explique M. McLeman.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Claude Langevin et Marie Riendeau vont patiner au Polydôme chaque semaine. Les hivers doux ne leur permettent plus de pratiquer un autre sport qu’ils aiment autant : le ski de fond.

À Varennes, Marie Riendeau et Claude Langevin se souviennent d’une époque que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître.

« Dans les années 1950, il y avait de la neige bien plus tôt. Maintenant, nous jouons au golf jusqu’en novembre. C’est une autre histoire», raconte Claude Langevin, avant de s’élancer sur la glace parfaitement lisse.

 
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