Sur les traces des cinémas –
Simon Edelstein met en lumière les pièces sombres
Le photographe genevois a passé plus de vingt ans à photographier les salles obscures du monde entier. Certaines photos sont à découvrir au Centre Mont-Blanc.
Publié aujourd’hui à 21h42
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A l’occasion de l’inauguration du Centre Mont-Blanc fin novembreLa Fondation Plaza expose une sélection de photos de cinéma dans tout le bâtiment jusqu’au 28 février. « Nous ne pouvions pas mieux anticiper la réouverture du Plaza en 2026 qu’en célébrant les cinémas du monde et leur beauté mortelle, selon la belle expression de Simon Edelstein. » a souligné Jean-Pierre Greff, président de la Fondation, lors des journées portes ouvertes de l’établissement.
A travers les cent et une photos de l’exposition, on découvre de magnifiques cinémas, parfois abandonnés ou au bord de la destruction, mais aussi sauvés et réhabilités pour d’autres usages. Salles de concert, cabinets médicaux, garages… L’artiste derrière ces images, Simon Edelstein, est une figure majeure du cinéma suisse et de la télévision romande. Au total, il a photographié plus de 10 000 bâtiments.
« Une obsession »
Rencontré pour une interview, le photographe parle de sa démarche. « J’ai commencé ce travail il y a plus de vingt ans, et ce qui semblait au départ être un simple hobby est devenu une véritable passion, à la limite de l’obsession. Une journée sans photographier un cinéma est pour moi une journée perdue », sourit Simon Edelstein.
Selon lui, « les plus belles chambres du monde se trouvent aux États-Unis et en Inde ». Ce qui répond à une certaine logique au vu des relations fructueuses que ces deux pays entretiennent avec le septième art.
“Dans ces régions, le cinéma est un bâtiment à part entière, construit et conçu à cet effet, contrairement à la Suisse où nos cinémas n’ont jamais été exceptionnels et sont presque construits au hasard, coincés entre les entrées des bâtiments”, explique-t-il.
Photos prises à la dernière minute
Après avoir fait 25 fois l’aller-retour entre la Suisse et l’Inde, Simon Edelstein y reviendra prochainement afin de capturer les pièces qui lui manquent aujourd’hui. Le - presse.
« L’âge d’or du cinéma indien a conduit à la construction de très belles salles de cinéma à la chaîne. Malheureusement, la pandémie de Covid a eu un effet déterminant sur la société indienne, et les habitudes ont changé. L’obsession est désormais de détruire et de construire le plus vite possible. Comme nous, ils réussiront à créer un monde laid, sans aucune esthétique », déplore-t-il.
Côté spécificités architecturales, le photographe constate que les cinémas indiens sont réputés pour avoir de belles façades très colorées. Ces salles feront également l’objet d’une prochaine exposition au Plaza, les photos ne sont donc pas encore disponibles.
Autre phénomène intéressant : les cinémas américains abandonnés sont souvent rachetés par les églises pour les transformer en lieux de culte. Comme l’ancien cinéma Voltaire à Genève, transformé en église évangélique lors de son transfert à la Maison des arts du Grütli à la fin des années 1980.
En Europe occidentale, il y a de bons et de mauvais élèves. L’Angleterre est, selon Edelstein, un doit au niveau des cinémas à photographier. A l’inverse, « il ne reste plus grand chose » en Italie et en France.
Sur l’importance du lieu
La baisse de fréquentation des cinémas ne serait-elle pas corrélée à la disparition des « belles » salles ? « Je crois que le cinéma a perdu quelque chose lors de la création de multiplexes qui sont à l’image de l’architecture d’aujourd’hui, manquant de grâce et de charisme. Aller voir un film dans une très belle salle donne bien plus envie que d’aller s’enfermer dans un centre commercial », répond Edelstein.
La réouverture du Plaza est une bonne nouvelle pour le photographe, qui entrevoit un certain optimisme pour l’avenir. “Les salles sont parfois sauvées intelligemment, en devenant de magnifiques lieux hybrides, c’est le cas de l’Odéon à Florence, qui fait office de cinéma, de librairie et de lieu de détente”, illustre-t-il.
Genève a vu naître et mourir son lot de salles obscures tout au long du XXe siècle.e siècle. Les archives photographiques sont également très rares. « C’est terrible de penser que des pièces disparaissent sans laisser de trace. À l’époque, les intérieurs des cinémas étaient splendides, construits dans le style des opéras, et l’extérieur avait quelque chose de magique », soupire Simon Edelstein en concluant l’entretien.
Cours
L’homme derrière les photos, Simon Edelstein, ne se présente plus. Ce Genevois de 82 ans a consacré sa vie au septième art et à la télévision. Diplômé de l’école de photographie de Vevey, à la vingtaine, il rejoint les rangs de la Télévision suisse romande en tant que chef opérateur et caméraman.
Il travaille notamment avec Claude Torracinta sur l’émission « - Présent ». Edelstein voyage ensuite aux quatre coins du monde pour filmer des images que les francophones découvrent ensuite sur leurs téléviseurs. C’est l’âge d’or de la télévision francophone.
Sa rencontre avec le réalisateur Michel Soutter est décisive : les deux hommes collaborent sur quatre films, avec Edelstein comme chef opérateur.
Parallèlement, Simon Edelstein réalise des films dans les années 1970. On lui doit “Les Manières des Vilaines”, avec un certain Jean-Luc Bideau, et “Un homme en fuite”, distingué dans divers festivals de cinéma européens. Son dernier film, « Quelques jours avant la nuit », est sorti en 2008.
Il consacre deux ouvrages photographiques à sa conquête des cinémas. Le premier sur les cinémas américains, « Le Crépuscule des cinémas » (2020), et le second sur les cinémas français, « Les cinémas : un héritage français » (2023).
Exposition en accès libre du lundi au vendredi de 11h à 18h, fermé les week-ends et jours fériés, Vernissages exceptionnels les samedis 18 janvier et 15 février 2025, de 14h à 18h
Andrea Di Guardo est journaliste à la Tribune de Genève depuis mars 2024. Au niveau local, il s’intéresse également aux sujets culturels et internationaux. Il est titulaire d’une maîtrise en journalisme et communication et d’un baccalauréat en sciences politiques.Plus d’informations
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