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Contre la désinformation, Mediapart quitte X

AA À la suite d’échanges organisés par la Société des journalistes (SDJ) et d’une discussion collective de l’équipe, Mediapart a décidé de quitter X (anciennement Twitter) le 20 janvier 2025. Cette journée marque l’investiture à la Maison-Blanche de Donald Trump, qui décrit journalistes comme« ennemis du peuple »et la prise de fonction d’Elon Musk, le propriétaire de la plateforme, à la tête d’un ministère de « l’efficacité gouvernementale ».

Nous avons chronique dans nos colonnes le risque fasciste que cette nouvelle présidence fait peser non seulement sur son pays, mais aussi sur l’ensemble du continent européen. Nous avons relaté comment le patron de X a utilisé son réseau social pour faire entrer le monde dans une nouvelle ère, celle du chaos informationnel. Comment il a manipulé ses utilisateurs au service de la victoire de son camp. « Vous êtes les médias maintenant »il les a félicités au lendemain de l’élection de son candidat, pour signifier sa volonté d’en finir avec le journalisme.

© Photomontage Armel Baudet / Mediapart avec AFP



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En tant que média, nous avons un combat historique à mener pour défendre notre mission d’intérêt général, qui consiste à rechercher la vérité des faits, en produisant une information recoupée, vérifiée et documentée. Pour garantir un débat public démocratique digne de ce nom, notre responsabilité est de lutter contre les fake news, le poison des inégalités et de la haine, la guerre de tous contre tous.

« Ce qui rend possible un État totalitaire ou une dictature, c’est que les gens ne sont pas informés […]. Si tout le monde vous ment tout le -, la conséquence n’est pas que vous croyez aux mensonges mais plutôt que personne ne croit plus rien.affirmait Hannah Arendt en 1974 dans une interview au Revue de livres de New York. À l’heure où l’idéologie d’extrême droite et l’industrie technologique unissent leurs forces pour faire naître le monde orwellien du 1984là où la paix est la guerre, la liberté est l’esclavage, le bien est le mal, nous ne pouvons pas faire semblant de ne pas voir.

En contre-pouvoir, nous nous opposons à ce renversement des valeurs. Cela implique avant tout de refuser de se laisser enfermer dans le cadre choisi par les ennemis de la liberté d’information et du pluralisme.

Adressez-vous à tout le monde

En restant, qu’on le veuille ou non, on légitime leur espace et leurs armes. De qui ? de ce que nous avons de plus précieux : nos lecteurs, ceux qui nous sont fidèles, mais aussi, plus largement, ceux qui s’intéressent, même de loin, à nos informations, pour en discuter et pourquoi pas les challenger.

En restant sur cette plateforme dangereuse, nous les encourageons à s’y rendre, nous leur faisons sciemment prendre des risques en les exposant à la désinformation, au harcèlement et au vol de leurs données. En alimentant l’algorithme de X, nous nourrissons la machine qui nous détruit et participons à la production de monstres.

On ne confond pas Musk et les utilisateurs de X. Mediapart s’adresse à tous sans exception. Plus que jamais, nous avons à cœur de nous rendre accessibles au plus grand nombre, de partager nos informations et de faire entendre notre voix au-delà de nos abonnés. Pour ce faire, notre stratégie consiste à amplifier notre présence sur les autres réseaux sociaux et à multiplier les événements publics partout en pour permettre à chacun de nous rencontrer.

On se refuse plus que jamais entre nous : la bulle, aujourd’hui, c’est X.

Nous acceptons plus que jamais l’adversité : X est devenu une prison, c’est-à-dire un lieu de soumission. Nous n’acceptons pas qu’un libertaire d’extrême droite nous fasse taire et nous enchaîne.

Il est - de faire le deuil de cette plateforme qui, un -, a peut-être représenté la promesse d’un Internet contrôlé par ses utilisateurs, cet Internet porteur d’égalité et d’accès partagé au savoir, celui-là même dans lequel Mediapart s’est lancé en 2008 lorsqu’il a été créé. L’écosystème a changé et les réseaux se sont diversifiés. Le capitalisme extractiviste a fait de la connaissance son énième champ de forage et les géants de l’Internet l’exploiteront jusqu’à son tarissement.

Reconstruire la « rue numérique »

On est ainsi conscient des limites des alternatives aux alternatives. Difficile de savoir ce que deviendront Bluesky, Threads, Instagram, LinkedIn ou TikTok. On imagine plus facilement que Mastodon restera viable sur le long terme, de par son architecture décentralisée et ses règles de modération différenciées selon les « instances », comme celle que Mediapart a créée il y a un an.

Ce que l’on sait, c’est qu’entre ces univers plus ou moins périssables et X, il y a une différence de nature et non de degrés. Le programme de Musk est désormais aux mains de la pire idéologie de toutes, celle de la suprématie blanche, elle-même soutenue par la plus grande puissance économique et militaire du monde. Nous ne connaissons aucun équivalent à ce jour quant à son pouvoir de nuisance.

Contrairement à certains journaux, dont la survie dépend des communautés qu’ils ont patiemment bâties, nous avons la possibilité de choisir : notre modèle économique, fondé sur le soutien exclusif de nos abonnés, n’est en aucun cas soumis à des algorithmes.

Plutôt que de souffrir, nous décidons de participer à la construction d’une nouvelle « rue numérique ». Nous le faisons, avec ceux qui, comme nous, journalistes, universitaires, militants des libertés civiles, syndicats, décident de quitter X le 20 janvier. Nous le faisons avant tout avec les citoyens qui résistent aux attaques antidémocratiques et aident à construire des ponts plutôt que les murs.

Sur le plan opérationnel, à partir du 20 janvier, le compte Mediapart cessera de publier sur X, les journalistes et salariés de l’équipe restant libres de choisir leur positionnement.

D’ici là, nous invitons nos abonnés à migrer et à nous rejoindre sur Mastodon ou Bluesky. Vous pouvez également retrouver le compte Club, l’espace d’expression libre pour les abonnés, ici pour Mastodon, et ici pour Bluesky. Pour créer un compte sur Mastodon, nous vous recommandons de le faire depuis Piaille.fr, une « instance » francophone de confiance accessible à tous.

Nous sommes à vos côtés, et continuerons à vous guider et à vous soutenir dans les jours à venir. Par la même occasion, nous déXifierons notre site. Ensemble, remettons l’information au centre du débat public.

 
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