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Poursuite contre Gilbert Rozon | “Si Gilbert te le demande, tu dois y aller.”

Le procès civil contre le fondateur de Juste pour Rire a repris lundi avec le témoignage d’Anne-Marie Charette, aujourd’hui directrice des lieux de tournage. M.moi Charette accuse M. Rozon de l’avoir agressée dans une chambre d’hôtel en 1987.

Anne-Marie Charette, qui avait 25 ans cette année-là, avait été embauchée comme adjointe aux communications par Richard Bleau. Elle fera la promotion du groupe d’humoristes Les Monstres de l’humour, qui comprenait, entre autres, Michel Courtemanche et JiCi Lauzon.

Elle a affirmé à la juge Chantal Tremblay, qui préside ce rare procès civil pour violences sexuelles, qu’elle n’avait aucun lien professionnel avec Gilbert Rozon. « J’étais l’adjoint de Richard Bleau, et c’était François Rozon, notre patron. »

Pourtant, lors du festival, à l’été 1987, elle raconte avoir reçu un appel de Gilbert Rozon, lui demandant de venir lui apporter « un dossier important » dans sa chambre de l’Hôtel du Parc, à Montréal, où de nombreux artistes invités ont été hébergés. M.moi Charette, qui n’était pas à l’aise avec cette demande et qui était occupée avec ses propres dossiers, aurait refusé. «Je lui ai dit que je ne pouvais pas. »

Mais selon son témoignage, M. Rozon a rappelé plusieurs fois par la suite, devenant à chaque fois plus insistant, voire autoritaire. « Au dernier appel, il m’a dit : écoute, je suis ton patron, tu dois venir m’apporter ce dossier. »

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PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

En 1987, Anne-Marie Charette travaille comme adjointe aux communications pour Richard Bleau.

Face à cette situation particulière, Mmoi Charette serait allée voir son supérieur immédiat, Richard Bleau, pour lui demander ce qu’elle devait faire. M. Bleau aurait répondu : « Si Gilbert vous le demande, vous devez y aller. »

Anne-Marie Charette – qui n’a aucun lien de parenté avec l’autre plaignante Annick Charette – se serait présentée à l’Hôtel du Parc, avec ledit dossier dans son sac à dos. «J’avais un conflit intérieur, mais en même -, je voulais bien faire», a-t-elle confié au juge Tremblay.

M.moi Charette ne sait pas si elle est passée par la réception – pour connaître le numéro de chambre de M. Rozon – mais elle se souvient avoir pris l’ascenseur, être montée et avoir frappé à sa porte.

Le reste est nébuleux dans l’esprit de Mmoi Chariot. «Je me souviens avoir été poussé à l’intérieur, sur le lit. Je me souviens de M. Rozon au-dessus de moi. Je revois ses yeux aussi, ce qui m’a fait très peur. »

M.moi Charette ne se souvient pas avoir été violée. Au lieu de cela, elle a parlé d’une agression. Elle a décrit avoir quitté la pièce en panique et s’enfuir en courant. « Je me souviens que mes vêtements étaient défaits. J’ai dû rentrer mon chemisier dans ma jupe. Quand je me suis retrouvé dans le hall de l’hôtel, j’ai eu l’impression que tout le monde le savait. »

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PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Gilbert Rozon, à son arrivée au prétoire lundi

Quelques semaines plus tard, Anne-Marie Charette apprend qu’elle perd son emploi, mais sans qu’on lui donne de raisons, dit-elle. C’est Richard Bleau, son supérieur immédiat, qui lui a dit : « Ma belle rousse aux yeux verts, je t’ai remplacée par une blonde aux yeux bleus. »

Cette blonde aux yeux bleus s’appelait Guylaine Courcelles, qui poursuit également M. Rozon, et qui a fait part au juge Tremblay de son agression sexuelle la semaine dernière.

À la suite de son agression présumée, Anne-Marie Charette, qui réclame 1,29 million de dommages punitifs, a expliqué avoir repris les études. «Pendant deux ans, je n’allais pas bien. J’ai eu des crises d’angoisse. Je me suis dit que le marché du travail n’était pas pour moi. Je suis retourné à l’université et j’ai fait un certificat en scénarisation. »

L’événement aurait affecté son comportement avec ses patrons masculins, a-t-elle soutenu. « Je ne pouvais pas être seule dans le bureau d’un patron… Je n’étais pas non plus à l’aise dans les relations de séduction, même si parfois ce sont des choses qui arrivent, qui sont normales. »

M.moi Charette a expliqué que c’est la sortie publique de la réalisatrice Lyne Charlebois, dans la foulée du mouvement #metoo, qui lui a donné l’élan nécessaire pour dénoncer M. Rozon et porter plainte à la police. Le groupe Les Courageuses lui aurait également « fait beaucoup de bien ».

« J’ai retrouvé ma parole avec la force d’un groupe », explique-t-elle. Avec des filles qui avaient vécu des choses similaires. »

Lors de son contre-interrogatoire, l’avocat de Gilbert Rozon, Me Mélanie Morin, revenue encore sur les échanges de Mmoi Charette avec les autres plaignants, notamment avec Guylaine Courcelles, laissant entendre que leurs récits auraient pu être contaminés.

Elle a également établi qu’Anne-Marie Charette n’avait aucun souvenir de ce qui s’était passé dans la pièce, et que M. Rozon ne l’avait pas empêchée de quitter les lieux.

Le procès civil contre Gilbert Rozon se poursuit toute la semaine. Mardi, Mary Sicari prendra la parole.

 
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