News Day FR

Comment Bachar al-Assad a-t-il fui la Syrie ?

Quelques heures avant la chute de Damas, le 8 décembre, le président syrien Bachar al-Assad s’est enfui sans prévenir les membres de sa famille ni ses plus proches collaborateurs, ont révélé à l’AFP plusieurs hauts responsables syriens.

• Lisez également : Syrie : nouvelles frappes israéliennes sur des sites militaires, selon une ONG

• Lisez également : Dans les ruines du régime d’Assad, des millions de pilules de captagon découvertes

• Lisez également : Syrie : l’ancien directeur de la prison de Damas inculpé pour torture aux Etats-Unis

Il a même appelé samedi soir sa conseillère de presse pour lui demander de lui préparer un discours, avant de prendre un avion de l’aéroport de Damas à destination de la base russe de Hmeimim (ouest).

« Il est parti sans prévenir […] ses proches collaborateurs. Depuis la base russe, un avion l’a emmené à Moscou», raconte un conseiller qui a requis l’anonymat pour des raisons de sécurité.

« Son frère Maher », qui commandait la redoutée quatrième brigade de l’armée, « l’a appris par hasard alors qu’il défendait Damas avec ses soldats. Il décide de prendre un hélicoptère pour fuir, semble-t-il, vers Bagdad”, ajoute-t-il.

De hauts responsables et d’autres sources ont raconté à l’AFP les dernières heures du président qui a dirigé la Syrie d’une main de fer pendant 24 ans.

Navire sans capitaine

Lorsque les rebelles à majorité islamiste ont lancé leur offensive dans le nord de la Syrie, mercredi 27 novembre, Bachar al-Assad se trouvait à Moscou, où sa femme Asma était soignée pour un cancer.

Il ne s’est pas présenté à la soutenance de la thèse de doctorat de son fils Hafez deux jours plus tard, bien que toute la famille y soit présente, selon un responsable présidentiel qui a requis l’anonymat.

Le samedi 30 novembre, à son retour de Moscou, Alep, la grande ville du nord, était déjà tombée.

Quelques jours plus tard, la rébellion s’empare des villes de Hama et Homs au centre, avant de prendre Damas une semaine plus tard.

« Ce samedi [7 décembre]Assad ne nous a pas rencontré. Nous savions qu’il était là, mais nous n’avons pas eu de rendez-vous avec lui”, a déclaré un haut responsable du palais présidentiel qui a requis l’anonymat pour des raisons de sécurité.

“Nous étions au palais, nous n’avions aucune explication et cela a provoqué beaucoup de confusion au niveau de la direction et même sur le terrain”, explique-t-il.

“Depuis la chute d’Alep, nous ne l’avons pas rencontré, ce qui était très étrange”, a-t-il déclaré. En milieu de semaine, il a réuni les chefs des services de renseignement pour les rassurer.

Mais en réalité, il n’y avait plus de capitaine à bord. « La chute d’Alep nous a choqués », relate ce haut responsable.

Puis c’est au tour de Hama, ville clé du centre. “Jeudi, j’ai parlé à 11h30 avec des militaires de Hama qui m’ont assuré que la ville était verrouillée et que même une souris ne pourrait pas passer”, a déclaré à l’AFP un colonel sous couvert d’anonymat.

« Deux heures plus tard, ils ont reçu l’ordre de ne pas combattre et de se redéployer vers Homs, plus au sud. Les soldats […] sont désemparés et changent de vêtements, jettent leurs armes et tentent de rentrer chez eux. Qui a donné l’ordre ? Nous ne le savons pas», ajoute-t-il.

A Homs, le gouverneur assure à un journaliste qu’il a demandé à l’armée de résister, mais en vain : personne ne défendra la ville.

Un discours constamment reporté

Samedi matin, l’idée d’un discours d’Assad a été évoquée. « Nous avons commencé à installer le matériel. Tout était prêt», a déclaré le responsable.

“Plus tard, nous avons été surpris d’apprendre que le discours avait été reporté, peut-être à dimanche matin.”

Tous les hauts responsables ignoraient qu’à ce moment-là, l’armée syrienne avait commencé à brûler ses archives, selon lui.

Samedi à 21 heures (18 heures GMT), “le président appelle sa conseillère politique Bouthaina Chaabane pour lui demander de lui préparer un discours et de le présenter au comité politique qui doit se réunir dimanche matin”, a indiqué à l’AFP un autre haut responsable.

« A 22 heures, elle le rappelle, mais il ne répond plus au téléphone », ajoute ce proche collaborateur d’Assad.

Dans la soirée, le directeur des médias présidentiels Kamel Sakr a déclaré aux journalistes : « Le président fera une déclaration très prochainement », puis a cessé de répondre au téléphone, tout comme le ministre de l’Intérieur Mohammed al-Rahmoun.

Le haut responsable affirme être resté au bureau jusqu’à 2h30 du matin. « Nous étions prêts à recevoir une déclaration ou un message d’Assad à tout moment. Nous n’aurions jamais imaginé un tel scénario. Nous ne savions même pas si le président était toujours au palais », raconte-t-il.

Vers minuit, il est informé que le président aura besoin d’un caméraman pour un événement prévu dans la matinée.

«Ça nous a rassurés qu’il soit toujours là […]», a-t-il déclaré.

Mais vers 2 heures du matin, un officier des renseignements l’a appelé pour lui dire que tout le monde avait quitté les lieux.

«J’ai été choqué. Nous n’étions plus que deux dans le bureau. Le palais était presque vide et nous étions dans une grande confusion », a-t-il déclaré.

A 2h30 du matin, il quitte le palais. “Quand nous sommes arrivés sur la place des Omeyyades, il y avait beaucoup de soldats en fuite, à la recherche d’un moyen de transport.”

«Ils étaient des milliers, venant du complexe de sécurité, du ministère de la Défense et d’autres services de sécurité. Nous avons appris que leurs supérieurs leur avaient ordonné de fuir », raconte-t-il.

« La scène était effrayante : des dizaines de milliers de voitures quittaient Damas, tandis qu’un nombre encore plus important de personnes marchaient sur la route. À ce moment-là, j’ai compris que tout était perdu et que Damas était tombée. »

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

Related News :