Le Canada sera prêt à travailler avec l’administration Trump lorsqu’elle sera au pouvoir, mais prévient qu’il se défendra contre toute décision qui pourrait nuire à son économie.
Pierre Saint-Arnaud
La Presse Canadienne
Invitée vendredi par le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM), la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a indiqué avoir eu de nombreuses rencontres avec les dirigeants de la future administration Trump et des élus, tant républicains que démocrates. « Ce que j’ai vu, c’est que nous pouvons collaborer, mais en même - nous devons être fermes et nous défendre nous-mêmes », a-t-elle déclaré.
«Nous allons nous battre pour chaque emploi au Canada», a-t-elle déclaré devant quelque 200 invités réunis à l’invitation du CORIM, tout en discutant des tarifs douaniers de 25% que le président élu menace d’imposer dès son entrée en fonction. Fonctionne sur tous les produits en provenance du Canada.
Couper l’électricité aux Américains ?
Lorsque l’ancienne déléguée générale du Québec à New York, Martine Hébert, lui a demandé si elle serait prête à aller jusqu’à couper l’électricité aux Américains, comme le propose le premier ministre de l’Ontario Doug Ford, Mmoi Joly n’a pas dit oui, mais n’a pas non plus complètement fermé la porte, se laissant toute la marge pour une éventuelle réponse à ces prix. «Nous aurons plusieurs outils à notre disposition et nous serons prêts à utiliser tous les outils à notre disposition pour défendre nos emplois», a-t-elle répondu.
“Il n’est pas vrai que, lorsque nous avons des partenaires qui prennent des décisions qui peuvent être à notre détriment, nous ne réagissions pas”, a-t-elle insisté.
Inconfort avec les prix
Elle dit cependant avoir constaté, au fil de ses nombreuses rencontres avec des décideurs politiques américains, « qu’il existe un certain malaise quant à l’approche tarifaire, car au final, le Canada est un grand ami, il est le meilleur ami des Américains », a-t-elle soutenu, invoquant l’interdépendance des deux économies.
Elle se dit également confiante que le projet de resserrement des frontières qui sera annoncé la semaine prochaine lors du point économique de sa collègue aux Finances, Chrystia Freeland, sera bien accueilli par Donald Trump. Au point de l’apaiser ? Mélanie Joly ne se fait toujours pas d’illusions, compte tenu de la personnalité du nouvel homme fort de Washington. « Il y a une imprévisibilité avec l’administration Trump. Au final, qui décide ? C’est le président élu Trump. »
Arctique : la Russie n’a plus de ligne rouge
Toutefois, le ministre n’est pas venu devant le CORIM pour parler des tarifs douaniers, bien que le sujet ait été soulevé lors de l’échange, mais plutôt de la nouvelle politique étrangère du Canada pour l’Arctique. Dans ce dossier aussi, bien entendu, la relation avec les États-Unis sera cruciale, cette fois sur des questions de défense, de sécurité et de souveraineté impliquant les deux pays situés au nord du cercle polaire.
Les règles qui régissent le comportement des pays et contribuent au maintien de la paix dans l’Arctique, mises en place après la Seconde Guerre mondiale, ont été considérablement affaiblies par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. « Il est clair que la Russie n’a pas de limites, ni de lignes rouges », a-t-elle soutenu.
La Chine profite de la faiblesse de la Russie
Mais ce qui a changé et qui l’inquiète le plus, ce sont les changements dans l’équilibre géostratégique qu’a provoqué cette guerre. « Ce qui est nouveau, c’est que la Russie dépend de plus en plus de la Chine en raison de sa guerre en Ukraine. »
Cette dépendance, dit-elle, place la Russie dans une position de faiblesse et l’oblige « à ouvrir une partie de son Arctique et la Chine en profite ».
« Le Canada est une nation arctique à un moment charnière. L’Arctique n’est plus une région à faible tension. Nous vivons dans un monde difficile et notre réponse doit être beaucoup plus forte », a-t-elle déclaré. Une part importante des nouvelles dépenses militaires de 8 milliards de dollars sur cinq ans pour l’achat de chasseurs F-35, d’autres avions, navires, brise-glaces et radars sera consacrée à la défense de l’Arctique.
« Nous devons examiner notre politique dans l’Arctique de concert avec notre politique de défense. […] Pendant longtemps, nous avons pensé qu’investir dans la défense devait être fait pour les autres pays, mais ici, nous le faisons pour nous. Et où investissons-nous ? Nous investissons dans l’Arctique. »
Défendre l’Arctique
Les ambitions chinoises sont directement liées à ce mouvement d’autodéfense du Nord. «La Chine souhaite depuis longtemps s’imposer comme un pays arctique et souhaite utiliser les routes maritimes les plus courtes. Dans ce contexte, nous devons nous assurer de protéger le passage du Nord-Ouest, de pouvoir nous protéger nous-mêmes», a insisté le ministre.
C’est notamment pour cette raison que le Canada a conclu en novembre dernier le ICE Pact (Icebreaker Collaboration Pact) avec les États-Unis et la Finlande. « Nous avons beaucoup de rattrapage à faire quand on voit le nombre de brise-glaces que la Russie et la Chine produisent actuellement. »
Même si elle est confrontée à ces questions extrêmement sérieuses, Mélanie Joly ne perd pas pour autant son sens de l’humour. Au début de l’entrevue sur scène après son discours, alors que Martine Hébert la remerciait avec un sourire d’avoir parlé du Canada et des États-Unis et non des 51 États américains, Mme.moi Joly a répondu point par point : « Ce que j’ai aussi dit en plaisantant, notamment à mes amis sénateurs républicains, c’est que Fort Lauderdale pourrait être le 11e province du Canada, il n’y a pas de problème. »
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