Sept ans avant l’affaire Auradou-Jegou, c’était un autre épisode emblématique des violences sexuelles dans le rugby. Le terrain et la défaite, l’alcool et la drogue, l’accusation de viol et la violence. Cinq anciens joueurs du club grenoblois sont jugés à partir de ce lundi 2 décembre devant la cour d’assises de Bordeaux. L’Irlandais Denis Coulson, 30 ans, le Néo-Zélandais Rory Grice, 34 ans, et le Français Loïck Jammes, 29 ans, comparaissent pour viol collectif sur une étudiante alors âgée de 20 ans. L’Irlandais Chris Farrell, 31 ans, et le Néo-Zélandais Dylan Hayes, 30 ans, sont jugés pour non-assistance à personne en danger.
Le 11 mars 2017, trois jeunes femmes rencontrent des rugbymen dans un bar bordelais. Des professionnels qui venaient de lourdement perdre face à l’Union Bordeaux-Bègles avec leur club du FC Grenoble dans un match crucial pour le maintien en Top 14. La soirée s’est poursuivie en discothèque avant qu’une des trois femmes, V., ne reparte en taxi avec Denis Coulson aux alentours. 4 heures du matin. Elle affirme n’avoir aucun souvenir de ce moment. Elle se réveille trois heures plus tard, nue sur un lit avec la sensation d’être pénétrée par un objet métallique, entourée de deux hommes nus et de trois autres habillés. S’appuyant sur les entretiens des accusés, des témoins et une sex tape filmée par Coulson, les enquêteurs évoquent plusieurs fellations et l’introduction d’une banane, d’une bouteille et de béquilles dans le vagin de la victime.
Coulson, Jammes et Grice reconnaissent avoir eu des relations sexuelles avec V. mais affirment qu’elle était consentante, voire en prenait l’initiative. Farrell, qui possédait les béquilles, était dans la pièce et Hayes a également été témoin de l’incident. “Peut-être que cette jeune fille ne voulait pas ce qui se passait, mais son comportement ne suggérait pas à ces garçons, du moins à mon client, qu’elle n’était pas d’accord”a estimé Corinne Dreyfus-Schmidt, l’avocate de Denis Coulson. « Elle était très active, elle l’embrassait dans une discothèque, lui faisait une fellation dans le taxi, elle lui envoyait des pancartes disant : “Je suis dedans””poursuivit M. Dreyfus-Schmidt.
Comportement « voyou » des « dieux du stade »
Selon un expert toxicologue, elle avait entre 2,2 et 3 grammes d’alcool par litre de sang. Sur les images de vidéosurveillance, elle arrive à peine debout à son arrivée à l’hôtel, au point d’être « constamment entretenu » par un joueur, note l’accusation. «Personne n’a besoin d’être parfait du matin au coucher. Ce n’est pas parce que [l’alcoolisation] C’est son fait que cela autorise [les autres] faire tout et n’importe quoi avec son corps »a fait valoir l’avocate de la jeune femme, Me Anne Cadiot-Feidt. « L’obligation, lorsqu’on détecte une situation à risque chez une personne, est de la protéger. Sans vous transformer en super-héros, vous pouvez appeler un taxi et ne pas profiter, ou vous laisser profiter, de la situation de faiblesse dans laquelle vous vous trouvez.a ajouté l’avocat, fustigeant le comportement “voyou” de la « dieux du stade » en dehors du terrain.
Le procès, qui s’ouvrira à 14 heures, devait initialement se tenir en juin, à huis clos, mais a été reporté en l’absence d’un accusé, l’Irlandais Denis Coulson, blessé dans un grave accident de voiture quelques jours plus tôt. Les prévenus risquent jusqu’à vingt ans de prison pénale.
Plusieurs cas d’agressions sexuelles ont terni l’image du rugby français ces derniers mois. Un joueur fidjien de Dax (Landes, Pro D2) a été condamné le 22 novembre à un an de prison avec sursis pour agressions sexuelles et violences lors d’une soirée fortement alcoolisée. Surtout, les internationaux Hugo Auradou et Oscar Jegou ont été accusés de viol aggravé lors d’une tournée en Argentine en juillet. En attendant la décision sur un éventuel licenciement, qui est en délibération, les deux joueurs ont regagné le terrain. Les trois principaux prévenus du procès bordelais avaient quitté Grenoble après leur mise en examen en 2017, mais avaient poursuivi leur carrière dans d’autres clubs.
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