«Ça n’a pas de sens», «c’est extrêmement grave»: les politiques québécois se sont montrés inquiétés par la mise à prix de la tête du journaliste spécialisé de Le Presse Daniel Renaud, qui est selon eux le symptôme de la récente désorganisation du crime organisé.
J’ai été choqué par ce que j’ai lu ce matin
a reconnu le ministre québécois de la Sécurité publique, François Bonnardel, à son entrée à l’Assemblée nationale, vendredi. Vie quotidienne Le Presse a révélé qu’en 2021, le tueur à gages Frédérick Silva avait proposé 100 000 $ pour la tête de son reporter, qui suivait de près sa procédure judiciaire.
M. Silva a été reconnu coupable de plusieurs meurtres, mais il agit désormais comme indicateur de police. Citant son témoignage, Le Presse rapporte qu’il avait élaboré un plan de la prison pour tendre une embuscade au journaliste.
À cette époque, Daniel Renaud couvrait assidûment le procès du tueur à gages. C’est la Sûreté du Québec qui a avisé le journaliste en 2022.
Rappelant la mort violente d’un adolescent près de l’antre d’un club scolaire des Hells Angels en septembre, M. Bonnardel n’a pas exclu que cette agression contre un journaliste soit une démonstration de changement de paradigme extrêmement important dans la hiérarchie du monde criminalisé
. C’est un monde aujourd’hui sans foi ni loi, ou presque.
On n’est pas dans un film, on est au Québec
» s’est indigné le premier ministre François Legault. Cela démontre que nous devons continuer de regarder avec la police ce que nous pouvons faire contre le crime organisé.
ça m’inquiète
a reconnu la députée libérale Marwah Rizqy, visiblement perturbée lors de la mêlée de presse vendredi. Il est important le rôle que chacun joue dans une démocratie, et le quatrième pouvoir est celui des journalistes
a-t-elle ajouté, soulignant que leur travail n’est pas seulement pertinent, il est nécessaire dans une démocratie saine
.
Daniel Renaud je me sentais bien [que Frédérick Silva] je n’ai pas aimé sa présence
mais il n’aurait jamais imaginé que le crime organisé puisse en arriver là, a expliqué le vice-président à l’information et éditeur adjoint de Le PresseFrançois Cardinal, en entretien à Tout un matinon ICI Première.
Frédérick Silva est désormais informateur pour la police. (Photo d’archives)
Photo : SPVM
M. Renaud était les yeux et les oreilles du public dans ce procès
a ajouté M. Cardinal, précisant que Daniel était souvent le seul journaliste au procès de Frédérick Silva
.
On a essayé de faire taire un journaliste parce qu’il joue son rôle de témoin.
Les personnes mandatées par Frédérick Silva étaient réticentes à s’en prendre au journaliste, selon La presse, et le tueur à gages aurait finalement changé d’avis.
Avec 36 ans d’expérience, le journaliste Daniel Renaud se spécialise dans le crime organisé. Il est notamment l’auteur de trois ouvrages sur ce sujet.
Autres tentatives d’assassinat contre des journalistes dans le passé
Ce n’est pas la première fois dans l’histoire contemporaine du Québec que le crime organisé tente de faire taire les journalistes.
Le 13 septembre 2000, alors qu’il sortait ses effets personnels du coffre de sa voiture, le journaliste spécialisé dans la couverture du crime organisé Michel Auger a été abattu de six balles dans le dos dans le stationnement du Journal de Montréal.
Cette opération, commandée par des motards criminels, a suscité l’indignation au Québec.
En pleine guerre des motards, cette tragédie a notamment poussé le gouvernement du Québec à demander un renforcement de la loi fédérale anti-gang. Michel Auger est décédé en 2020.
En mai 1973, Jean-Pierre Charbonneau est abattu dans la salle de rédaction du quotidien Le Devoir. En interview dans l’émission Pénélopeen mai 2023, sur les ondes d’ICI Première, il rappelait que ce qui s’était passé ce jour-là était encore très précis dans sa mémoire.
A l’époque, ses articles sur la corruption et les barons de la mafia avaient troublé la pègre. À un moment donné, le travail journalistique égratigne l’ego de certains, au point que les gens finissent par perdre leur merde.
a-t-il expliqué vendredi en entrevue à RDI. Nous mettons en lumière les personnes qui, par définition, souhaitent travailler dans l’ombre
et qui ont progressé dans le monde criminel grâce à l’intimidation et à la violence
.
Selon M. Charbonneau, le métier de journaliste sera toujours risqué, mais quand cela arrive, nous devons continuer, nous devons faire notre travail
.
C’est ce qu’a fait Daniel Renaud, qui a signé vendredi un papier détaillant les aveux faits par celui qui voulait sa mort aux policiers.
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