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un procès fédéral au casting improbable et un crime qui garde tout son mystère

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Le grand type et sa copine

Mystère également concernant le contenu de la mallette. Et il ne faut pas compter sur le Caire pour apporter des réponses. Même la veuve du diplomate – leur bébé avait 4 mois au moment des faits –, déjà indemnisée, n’a pas souhaité être entendue ni porter plainte. Lors des premières investigations – avant que ces deux prévenus ne se retrouvent dans le collimateur des enquêteurs – d’autres spectres surgissaient. Tariq Ramadan ainsi que le Centre islamique de Genève, dirigé par son frère Hani Ramadan, ont été mis sur écoute pendant plusieurs semaines. Les ressortissants égyptiens, et notamment le clan du président Moubarak, font également l’objet de demandes d’informations. Mais toutes ces pistes ont échoué ou ont été abandonnées.

Retour sur ce duo improbable. Dans le rôle principal, il y a Momo, surnommé le délinquant chronique. Né près d’Abidjan il y a 55 ans, arrivé adolescent à Genève, ce grand homme fort, autoritaire et infidèle travaille parfois comme agent de sécurité et a un long passé, mais ses exploits sont d’une ampleur très moyenne. Cambriolages, vols de voitures et escroqueries à l’assurance. Son ADN, prélevé lors d’un contrôle en 2018, fera cependant de lui le protagoniste central de cette histoire. Car un nouvel algorithme de la base AFIS, avec son système de recherche automatisé, établit une correspondance, vingt-trois ans après les faits.

A ses côtés, sa petite amie de l’époque, Marie (son prénom d’emprunt), 49 ans, aujourd’hui mère tranquille et esthéticienne basée à Genève. Son ADN correspond à l’échantillon féminin identifié sur la mousse et sur la partie collante du ruban adhésif.

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“L’ADN ne peut rien dire”

Le ministère public présente donc Momo comme celui qui guettait l’arrivée de la cible, pénétrait furtivement dans le garage, suivait le quadragénaire dans le couloir menant à l’ascenseur et appuyait sur la gâchette le 13 novembre 1995, vers 21h30, dans ce sous-sol d’un immeuble de l’avenue du Bouchet. Six coups de feu au total, visant à chaque fois le thorax et l’abdomen, n’utilisant le silencieux que pour les trois premiers coups et achevant sa victime à bout portant, non sans fouiller ses poches, déboucher deux porte-stylos et lui retirer son portefeuille. et une mallette.

Quant à Marie, on lui assigne le rôle de complice pour avoir aidé, chez eux à Gaillard (Haute-Savoie) ou ailleurs, à la fabrication de cet appareil artisanal jaune censé étouffer le bruit du pistolet semi-automatique. Selon l’accusation, la jeune femme (20 ans à l’époque) savait que ce bricolage servirait à tuer le diplomate, ou à tout le moins quelqu’un.

Compagnon d’un assassinat ? Me Romanos Skandamis, l’avocat de Marie, affirmera tout le contraire : « L’ADN à lui seul, trente ans plus tard, ne peut raconter aucune histoire. Et il n’y a rien d’autre dans ce dossier. Me Philippe Girod, défenseur acharné de Momo – il avait déjà obtenu la liberté provisoire devant le Tribunal fédéral (une rareté en matière de crimes de sang) faute d’éléments tangibles – s’en prendra également à la logique du procureur : « Le MPC s’en est tenu à son discours initial. idée que la présence de traces biologiques sur cet objet de bricolage qui servait de silencieux ne pouvait pas être due au hasard. Il ne s’est pas écarté de cette conviction qui est celle qu’il défendra lors du procès. Cependant, tout est plus complexe lorsqu’il s’agit de traces biologiques. Ce n’est pas la défense qui le dit, les experts scientifiques et la jurisprudence sont de plus en plus exigeants dans ce domaine.»

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© Emma Farge / Reuters

Mille tracts d’infractions

Si Marie apparaît libre à son procès, ce n’est plus le cas de Momo. Après avoir obtenu son visa de sortie en mai 2020 – Mon-Repos estimant que les soupçons du dossier « ne suffisent plus à ce stade à justifier son maintien en détention provisoire » –, il est revenu derrière les barreaux en décembre 2021 à la suite d’une bagarre avec le nouveau petit ami d’une ex-petite amie et accusations de violences sexuelles de la part de cette dernière, commises entre 2013 et 2021. C’est un autre paradoxe de cette affaire. Sur les 43 pages de l’acte d’accusation, presque toutes concernent des infractions qui ne relèvent habituellement pas de la compétence du Tribunal pénal fédéral.

Viols et enlèvements de la plaignante durant leurs dix années de relation, coups et menaces contre son nouveau petit ami, enregistrements non autorisés de conversations, vidéos violentes retrouvées sur son téléphone portable, fraude à l’assurance des voitures, conduite sans permis, la liste est encore longue. M. Girod précise que Momo conteste les viols et voit dans cette nouvelle accusation une volonté d’en rajouter une couche et de sauver du naufrage un dossier qui piégeait sérieusement sur l’aspect principal de l’assassinat (qui sera prescrit en novembre 2025).

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Un agent infiltré comme témoin

Pour autant, la police judiciaire fédérale n’a pas lésiné sur les moyens, comme cela avait déjà été révélé Temps en évoquant cette enquête baptisée « Opération Diplodocus ». Agent infiltré dans la cellule qui n’obtiendra pas grand chose (ce policier déguisé en détenu sera entendu par visioconférence lors du procès), écoutes téléphoniques très intrusives des proches (le frère de Momo obtiendra que les preuves ainsi recueillies soient déclarées illicites), commissions internationales rogatoire, une expertise scientifique pour faire parler l’ADN un quart de siècle plus tard et deux expertises psychiatriques (la première sur le profil de l’assassin potentiel et la seconde sur l’éventuel violeur).

Le premier expert, Philippe Vuille, décrit un esprit intelligent, manipulateur, sans empathie, peu tolérant à la frustration et doté d’un faible sens moral. Le second, Gérard Level, convoqué aux débats, dépeint lui aussi une personnalité aux traits dyssociaux prononcés du fait de son mépris des règles et de sa tendance à rejeter la faute sur les autres pour expliquer son comportement. En cas de culpabilité, il serait pleinement responsable, « peu dangereux » dans le cas d’un crime de sang resté isolé, mais tout à fait prêt à récidiver en matière de violences sexuelles.

Les juges de la Cour des affaires pénales auront donc fort à faire. La première journée est réservée aux questions préliminaires (inexistantes) et aux réquisitions de preuves. Selon un programme aussi étrange, il faudra alors attendre une semaine avant de reprendre les « vrais » débats et toutes les auditions. Puis nouvelle interruption avant les plaidoiries du 19 décembre et un jugement qui doit tomber le 27 janvier 2025. Si tout se passe comme prévu dans cette affaire des plus singulières.

Un peu d’histoire : Tribunal pénal fédéral : vingt ans d’épreuves et de tourments
 
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