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Au Sahel, les groupes miniers occidentaux sous la pression des juntes militaires

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Près de la mine d’uranium du géant nucléaire français Areva (aujourd’hui Oran), à Arlit, au nord du Niger, en septembre 2010. ISSOUF SANOGO/AFP

Qui sera le prochain ? Les douze jours passés en détention à Bamako par le PDG de la société australienne Resolute Mining sonnent comme un avertissement aux groupes miniers étrangers opérant au Mali et dans tout le Sahel. Le Britannique Terence Holohan et deux autres salariés de la société Resolute, qui exploite la mine d’or de Syama, dans le sud du Mali, ont été libérés mercredi 20 novembre après la conclusion d’un accord qui prévoit le versement de 160 millions de dollars au gouvernement malien pour résoudre le problème. un litige financier.

Fin septembre, plusieurs hauts dirigeants maliens de la major canadienne Barrick Gold, également en conflit avec les autorités du pays, ont également passé plusieurs jours en prison. « L’environnement évolue très rapidement. Les entreprises doivent être extrêmement prudentes dans l’analyse des risques et se préparer à toute éventualité. »» déclare Christian Mion, associé principal et expert du secteur minier chez EY.

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Ces épisodes illustrent la pression maximale exercée par la junte au pouvoir à Bamako pour mieux utiliser les recettes de l’industrie minière. En 2023, le président Assimi Goïta a introduit une réforme du code minier qui permet à l’État de participer jusqu’à 30 % des parts dans les nouveaux projets et réduit les avantages fiscaux des entreprises étrangères.

Le gouvernement exige que les contrats existants soient renégociés, indépendamment des accords conclus avec les administrations précédentes. Une demande exprimée dans un contexte de hausse continue des cours de l’or, dont le Mali est le troisième producteur africain et qui constitue 75% de ses recettes d’exportation.

« Financement des campagnes militaires »

« Parce que nous générons beaucoup plus de liquidités en raison du prix de l’or, l’une des conséquences malheureuses de cela est que les gens essaient d’obtenir une plus grande part du gâteau. »Chris Eger, directeur financier de Resolute, l’a noté lors d’une conférence téléphonique sur les résultats trimestriels en octobre. « Nous constatons cela dans toute l’Afrique, en particulier en Afrique de l’Ouest »a-t-il noté.

Le contexte est particulièrement tendu dans les pays du Sahel, fragilisés par les violences terroristes et dont les régimes militaires manquent de liquidités. « Les gouvernements ont besoin de plus de revenus pour financer les campagnes militaires contre les groupes djihadistes »décrypte Tiffany Wognaih, associée senior pour l’Afrique du cabinet de conseil international JS Held. Pour les juntes au pouvoir, il s’agit aussi de« encourager le nationalisme des ressources à gagner la faveur des populations respectives »souligne l’expert.

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Ainsi, au Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, l’homme fort de Ouagadougou, continue de revendiquer une plus grande souveraineté du pays dans le secteur aurifère qui représente 12% de son produit intérieur brut (PIB). En juillet, le code minier a fait l’objet d’une révision surprise, visant à accroître la part de l’État dans les projets miniers.

Mais pour les multinationales, les signaux sont passés au rouge début octobre, lorsque le dirigeant burkinabé a menacé de leur retirer leurs autorisations d’exploitation. L’annonce a provoqué une vague de panique sur le marché boursier. Les sociétés canadiennes Iamgold, Fortuna Silver Mines et Orezone Gold ont vu leurs valorisations chuter, tout comme la société australienne West African Resources.

La Turquie et la Russie « invitées »

Ces méthodes rapides risquent de freiner un instant l’enthousiasme des investisseurs occidentaux potentiels. « Aujourd’hui déjà, il n’y a quasiment aucune exploration au Burkina ou au Malirapporte, sous couvert d’anonymat, un expert du secteur actif dans la région. Il est compliqué d’engager des dizaines de millions d’euros avec le risque de voir les règles du jeu changer en cours de route. »

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Articulation

D’autant que l’instabilité politique et réglementaire s’ajoute à une situation sécuritaire très dégradée. Au Burkina Faso, les attaques jihadistes de ces dernières années ont entraîné la fermeture de plusieurs mines et de nombreux sites d’orpaillage artisanal. Pour l’heure, les menaces de retrait brandies par le capitaine Traoré n’ont pas été mises à exécution.

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Au Niger, cependant, le général au pouvoir, Abdourahamane Tiani, est déjà intervenu. Suite au divorce entre Niamey et Paris, le spécialiste français de l’uranium Orano s’est vu retirer en juin dernier son autorisation d’exploiter l’un des plus grands gisements d’uranium au monde, Imouraren. Le groupe français, qui a annoncé fin octobre la suspension de la production de sa branche nigériane, n’est pas le seul visé. La junte nigériane a également retiré au groupe canadien GoviEx le permis d’exploitation d’un important gisement d’uranium près d’Arlit.

D’autres pays pourraient tenter d’en profiter, comme la Turquie avec laquelle le Niger a signé fin octobre un accord de coopération dans le secteur minier. Ou même la Russie, dont les entreprises ont été « invité à venir au Niger » » par le ministre des Mines, Ousmane Abarchi, dans un entretien accordé à l’agence publique russe Ria Novosti mi-novembre.

Au Sénégal et en Côte d’Ivoire

Même dans les États voisins, le contexte semble favorable à une restructuration progressive du paysage des investisseurs. Les entreprises occidentales ne devraient pas reculer du jour au lendemain. « Les délais pour vendre ces actifs sont longs et la demande est faible compte tenu des risques opérationnels élevés »souligne Tiffany Wognaih.

Mais c’est “plus probable” qu’à l’avenir l’intérêt pour le secteur viendra de “ acteurs non occidentaux comme la Russie »souligne. Un réalignement économique et géopolitique dans des pays dont les régimes militaires, soutenus par Moscou, affichent une volonté de diversifier leurs partenaires.

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Les conseils sahéliens ne sont pas les seuls à remettre en cause des règles de fonctionnement jugées déséquilibrées. Au Sénégal, le président Bassirou Diomaye Faye a lancé en avril un audit des secteurs minier, pétrolier et gazier, au lendemain de sa prestation de serment. Un exercice qui, selon lui, pourrait conduire à la renégociation de certains contrats afin qu’ils puissent mieux bénéficier aux populations locales.

Même en Côte d’Ivoire, le gouvernement a annoncé vouloir réformer son code minier. L’enjeu est d’augmenter les revenus et la valeur locale du secteur alors que ses nombreuses ressources (or, manganèse, lithium, etc.) suscitent un intérêt croissant de la part des investisseurs.

Marie de Vergès

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