Cet automne, Michel Barnier a changé les chaises autour de sa table de travail car elles lui causaient des maux de dos. Marine Le Pen, qui éprouve souvent de telles douleurs, y sera-t-elle sensible ? Ce lundi, le Premier ministre l’accueillera dans son bureau.
Entre eux, cette rencontre sera importante. Le président du groupe RN à l’Assemblée sera le premier reçu dans le cadre de la série de consultations des groupes d’opposition au Parlement que Michel Barnier dirigera jusqu’à jeudi. Mais depuis plusieurs jours, Marine Le Pen et ses troupes électrisent la situation. Ils n’excluent pas d’ajouter leurs voix à la motion de censure que le Nouveau Front populaire va certainement déposer à la mi-décembre pour rejeter le budget du gouvernement. Cela ferait tomber celui-ci. Depuis, tout le monde s’agite. Et si le Premier ministre tombait la veille de Noël ? C’est devenu le feuilleton actuel.
Censure gouvernementale : Marine Le Pen accentue la pression sur Michel Barnier
Lundi, Marine Le Pen n’arrivera pas de bonne humeur à Matignon. Depuis deux mois, elle s’est sentie totalement délaissée par le Premier ministre, qui ne l’avait jamais reçue jusqu’à présent. Dans le cadre des discussions budgétaires, elle avait exprimé quelques revendications. Il n’en a pas tenu compte. Le triple candidat à la présidentielle avait notamment déclaré inacceptable le retard pris dans la revalorisation des pensions de retraite au 1est Juillet. Mais lorsque le chef du gouvernement est revenu sur cette décision, c’est à Laurent Wauquiez qu’il a accordé cette concession, et la présidente du groupe Droite Républicaine, qu’elle déteste, a pu triompher au 20 Heures de TF1.
Globalement, Marine Le Pen n’a pas du tout apprécié la manière dont elle a géré le débat budgétaire au Palais-Bourbon, le laissant s’enliser, alors que les députés de la base commune brillaient par leur absence. ” Elle a trouvé sa méthode méprisante à l’égard de l’Assemblée et qu’elle révélait une autre facette de Michel Barnier : un homme moins respectueux qu’il ne le prétend. », assure Sébastien Chenu, député du Nord, très proche d’elle.
Michel Barnier cherchera-t-il à calmer la colère de Marine Le Pen ? Réussira-t-il ? A Matignon, on souligne son état d’esprit : « Il est ouvert au dialogue. » Lors de leur entretien, le Premier ministre ne compte pas se limiter aux questions budgétaires et abordera également les grands enjeux du pays. Pourrait-il avancer sur la mise en place de la représentation proportionnelle aux législatives souhaitée par Marine Le Pen, alors qu’il a jusqu’à présent laissé le sujet sans réponse ?
Sans attendre, face à la perspective d’une éventuelle motion de censure qui ferait connaître de forts chocs au pays, le chef du gouvernement a en tout cas commencé à dramatiser son discours afin de mettre chacun à ses responsabilités. ” Je sais que ce n’est pas ce que veulent les Français, qui veulent aujourd’hui la stabilité, la sérénité », a-t-il déclaré jeudi devant le congrès des maires de France. Selon une enquête réalisée par Ipsos pour Dimanche à la Tribunela réalité semble plus contrastée. 53% des Français sont favorables à la censure du gouvernement Barnier. Dans le détail, ce résultat est entièrement structuré par des bases partisanes. Si 88 % des sympathisants de LFI y sont favorables, 85 % de ceux de Renaissance, MoDem et Horizons et 83 % de ceux de LR y sont opposés. Au RN, 67 % souhaitent une telle censure.
Les gagnants et les perdants de la fiscalité de Macron pour contrer l’inflation
Ce sera le chiffre le plus scruté. Marine Le Pen ne parviendra-t-elle pas à satisfaire sa base ? ” Même si la base est très favorable à la censure, cela ne suffit pas pour gagner une élection », répond un ministre. Au sein du gouvernement, nombreux sont ceux qui ne veulent pas croire à sa chute, même si la menace d’inéligibilité immédiate qui plane désormais sur Marine Le Pen dans le cadre du procès des assistants parlementaires du FN aurait pu faire basculer ses troupes dans l’irrationnel. . ” Je pensais qu’apparaître en artisans du désordre, ce n’était plus ce que recherchait le RN », raconte un autre de ses collègues.
A Matignon, on met aussi beaucoup l’accent sur un autre entretien que le Premier ministre aura mercredi. Ce sera avec Boris Vallaud, le président des députés socialistes, et Patrick Kanner, celui des sénateurs. ” Le PS est central à l’Assemblée. Ce groupe, qui comprend un ancien président de la République, est-il prêt à voter une motion de censure avec Mathilde Panot et Marine Le Pen pour faire tomber le gouvernement et provoquer une instabilité économique et institutionnelle ? » demande un de ses proches. Dans l’enquête Ipsos, le résultat est pourtant sans appel : 73% des sympathisants PS souhaitent la censure du gouvernement Barnier.
Aujourd’hui, sa dynamique peut-elle encore être stoppée ? Lancé dans un contre-la-montre, le Premier ministre a un mois pour y travailler. En cas d’échec, seuls 29% des Français déclarent souhaiter qu’Emmanuel Macron le reconduit à Matignon. 33% d’entre eux préféreraient la nomination d’un Premier ministre issu de la Base commune, comme Michel Barnier, et 38% d’un Premier ministre issu du Nouveau Front populaire. ” C’est un retour à la case départ : on retrouve la même situation qu’il y a cinq mois, au lendemain du second tour des élections législatives.analyse Brice Teinturier, directeur général adjoint d’Ipsos. Les lignes ne bougent pas. Le rapport de force est cristallisé. »
Enquête Ipsos pour La Tribune Dimanche réalisée du 20 au 22 novembre 2024 auprès d’un échantillon représentatif de la population française de 1 000 personnes âgées de 18 ans et plus interrogées via Internet selon la méthode des quotas. (Crédits : Infographie Camille Chauvin pour La Tribune Dimanche.)
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