«Je vais être dans la rue!» Je perds ma maison, je perds tout ! » Lahcene Lehchili, 53 ans, n’arrive plus à dormir. Depuis 20 ans, l’agent administratif de CHSLD occupe deux postes à temps plein dans deux établissements de santé de Montréal. Avec l’arrivée d’un seul employeur, Santé Québec, il est obligé de faire un choix.
« Ils ont réduit mon salaire de moitié ! », raconte le père de quatre enfants. «J’ai une hypothèque à payer. J’ai des factures. Je n’ai pas de plan B. »
Tous les matins à 5 heures, Lahcène Lehchili quitte sa maison de Sainte-Anne-des-Plaines, dans les Laurentides, pour aller travailler dans un CHSLD de Montréal de 7 heures à 15 heures. Il doit ensuite se rendre rapidement à son deuxième quart de travail en CHSLD. , qui commence à 15h30 et se termine à 22h30
«Ma vie est basée sur ces deux métiers», dit-il.
L’agent administratif gagne 25 $ de l’heure. Sa femme travaille deux ou trois jours par semaine au salaire minimum.
Lahcene Lehchili a jusqu’à jeudi pour décider s’il conserve son poste au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal ou celui du CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal. Il aimerait continuer à travailler 70 heures par semaine.
Je ne demande pas à être payé pour les heures supplémentaires. Juste pour me laisser travailler, subvenir aux besoins de mes enfants.
Lahcene Lehchili, agent administratif
Selon Santé Québec, 3 034 employés du réseau public de santé sont en situation de « double emploi ». La « majorité d’entre eux » pourront conserver leurs deux postes, « puisque le nombre d’heures de leurs deux postes cumulés n’excède pas l’équivalent d’un poste à temps plein », explique le porte-parole de l’agence, Jean-Nicolas Aubé. .
Mais 1307 devra en abandonner un d’ici le 1erest Décembre. «Sur les 1 307, il est prévu que 450 bénéficieront d’une période de transition pour éviter les heures supplémentaires obligatoires ou les interruptions de service», indique-t-il.
Une analyse « minutieuse » est en cours pour « maintenir les soins à la population tout en respectant nos budgets », précise M. Aubé.
Plus besoin d’heures supplémentaires ?
Sandy Roy juge « aberrationnel » de devoir arrêter de travailler au CHU de Québec – Université Laval parce qu’elle occupe un poste de jour à temps plein dans un CLSC du CIUSSS de la Capitale-Nationale.
Spécialisée dans les grossesses à risque, l’infirmière de 38 ans effectuait, toutes les deux semaines, deux à quatre gardes de soir le week-end au CHU, où elle a travaillé de 2007 à 2021. Elle était rémunérée « au tarif simple », précise-t-elle.
Ils veulent plus de mobilité. On se mobilise pour aller ailleurs et on nous dit que ce n’est plus correct.
Sandy Roy, infirmière
Sandy Roy estime avoir « apporté une bouffée d’air frais » à ses collègues qui étaient obligés de faire du temps supplémentaire obligatoire (TSO) alors qu’il y avait une pénurie de personnel. « Là, ce seront les mêmes filles qui devront rester en TSO », explique-t-elle. Dès qu’il y a un peu de monde dans la salle d’accouchement, votre tour ne tarde pas à revenir. »
Sandy Roy trouve « triste » de ne pas pouvoir mettre à profit son « expertise » qui lui a aussi permis de joindre les deux bouts.
“Je suis très travailleur”
Mirna Chamoum avoue également être « déçue » de devoir quitter l’Institut de réadaptation Gingras-Lindsay-de-Montréal, où elle travaille depuis 17 ans. L’infirmière de 54 ans a choisi de conserver son poste de soir à temps plein dans un CLSC du CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal, plutôt que son quart de nuit au centre de réadaptation du CIUSSS du Centre- Sud-de-l’île-de-Montréal.
La Libanaise d’origine, immigrée au Québec en 2004, occupait deux emplois depuis un divorce en 2014. «Je suis très travailleuse», assure la mère d’un enfant. Je n’ai jamais été malade. Jamais en retard. »
Elle fait désormais face à « l’inconnu ». «Je ne sais pas ce qui va se passer. Vais-je perdre mon ancienneté ? Aurai-je encore la chance de travailler dans ce centre de rééducation ? »
Une transition demandée
Le président de la Fédération de la santé et des services sociaux, Réjean Leclerc, déplore que les « petits salariés » savaient « quelques semaines à l’avance » qu’ils devraient régulariser leur situation de « double emploi ». Il suggère que Québec mette sur pied un « comité de transition » de 30 à 60 jours pour permettre aux gens de « changer de direction ».
Denis Cloutier, président du Syndicat des professionnelles en soins de l’Est de l’île de Montréal, juge « regrettable » que les travailleurs se retrouvent dans cette situation.
Il peine à mesurer l’impact de la fin du double emploi dans son établissement. Il explique que « dans certains cas, les personnes en double emploi n’occupaient plus l’un des deux postes », puisque la convention collective leur permettait de travailler temporairement dans un établissement de santé, tout en conservant leur relation de travail avec un autre. . Ces postes vacants pourraient être comblés par un remplaçant ou non.
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