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Revue Hamlet | Le retour de l’opéra prodigue

Quel plaisir d’entendre autre chose que l’ordinaire à l’opéra Traviata et Bohêmece qui a certes l’avantage de faire ronronner les boites, mais nous prive du plaisir de la découverte ! Hamletd’Ambroise Thomas, qui a joué samedi soir à l’Opéra de Montréal jusqu’au 24 novembre, est un spectacle qu’on ne voudra pas manquer, malgré les défauts du rôle-titre.


Publié hier à 19h51

Le compositeur Emmanuel Chabrier disait un jour : « Je ne connais que la bonne et la mauvaise musique et celle d’Ambroise Thomas ». Hamlet Heureusement, il penche le plus souvent du premier côté, malgré un certain académisme et quelques moments plus conventionnels. Les deux airs d’Hamlet et la grande scène d’Ophélie sont depuis longtemps des pièces de bravoure éprouvées. Le reste n’attend plus qu’à être découvert, les partisans de la musique de Gounod – nous en sommes – ayant largement leurs moyens de subsistance. Surtout, nul ne peut nier les dons dramatiques de Thomas, dont la musique souligne habilement la singularité de chaque situation.

Populaire dans les années qui suivirent sa création (en 1868), l’œuvre tomba peu à peu dans un relatif oubli au XXe siècle.e siècle, jusqu’aux années 1980, où il réapparaît sur certaines scènes, porté par de grands barytons qui y trouvent un excellent véhicule de leur talent. Sauf erreur, elle n’a pas été donnée à Montréal depuis 1928 (au Monument-National).

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PHOTO DENIS GERMAIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Les décors, qui représentent plus un entrepôt abandonné qu’un château

L’Opéra de Montréal a opté pour une production maison dont les décors (Frédérick Ouellet) impressionnent plus par leur côté massif que par leur beauté intrinsèque. D’immenses pans de murs couleur rouille, évoquant un entrepôt désaffecté, bougent au cours de la soirée, révélant tantôt un théâtre, tantôt une chambre ou quelque alcôve. Associer décadence industrielle et décomposition du pouvoir à la cour d’Elseneur, d’accord, mais cela reste un peu abstrait sans costumes ni accessoires appropriés.

Lire « Dans les paramètres deHamlet »

La mise en scène d’Alain Gauthier, un habitué de cette scène, a l’avantage d’être bien rythmée. Et le jeu des acteurs, fait rare, est uniformément subtil et incarné.

Là où ça se passe moins, c’est dans le rôle d’Hamlet, que le baryton Elliot Madore endosse pour la toute première fois. Malgré un abattement scénique indéniable, on s’étonne d’entendre de la part de ce chanteur au CV très fourni une voix aussi courte d’aigus et de graves, au timbre un peu cru, sans grand éclat ni projection.

Le français n’est pas non plus très bien servi par les deux rôles principaux. Malgré leur nom de famille, lui et sa co-vedette Sarah Dufresne sont des Ontariens anglophones, et cela se voit, surtout pour Madore. Non, on n’accentue pas les « e » muets en français. Et un « e » n’est pas un « eu ». Sans être dramatique, cela n’avait pas sa place dans une capitale culturelle francophone comme Montréal.

C’est pourtant le seul élément (avec une rare dureté dans les aigus) à imputer à cet ancien membre de l’Atelier lyrique qui chantait également Ophélie pour la première fois et se distingue par une voix d’une fraîcheur juvénile. La scène finale exigeante ne l’a pas dérangé.

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PHOTO DENIS GERMAIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Nathan Berg et Karine Deshayes, qui interprètent les rôles de Claudius et Gertrude

Notre préférence va cependant à Karine Deshayes, une mezzo-soprano française bien connue qui a fait ses débuts à l’Opéra de Montréal dans le rôle de Gertrude (la mère d’Hamlet). C’est une voix bien placée, puissante et chaleureuse. Un vrai délice. Le baryton-basse Nathan Berg (Saskatchewan), que l’on entend beaucoup plus souvent dans la musique du XVIIIe sièclee siècle, a également bien réussi chez Claude.

Même s’il chante peu, le ténor Antoine Bélanger (Laërtes) a fait meilleure impression que dans Le capricieuxle répertoire français lui convient plutôt bien, malgré quelques aigus hésitants.

Pour les petits rôles, on retient l’Horatio du baryton-basse Alexandre Sylvestre, au français et au placement vocal impeccable, et le saisissant Spectre de la basse Alain Coulombe.

A la tête de l’Orchestre Métropolitain, Jacques Lacombe délivre un accompagnement clair et expressif. On n’en attendait pas moins de ce spécialiste de l’opéra français.

Les prochaines représentations seront données les 19 et 21 novembre, à 19h30, et le 24 novembre, à 14h.

 
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