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Des ouvriers de la construction de Davie exposés à l’amiante

Des travailleurs du chantier Davie, à Lévis, ont été exposés à la poussière d’amiante même s’ils n’étaient pas adéquatement protégés, a appris Radio-Canada.

L’incident s’est produit le 17 octobre à bord du NCSM Toronto. La frégate de la Marine royale canadienne est actuellement amarrée à la cale sèche Lorne, où elle fait l’objet d’importantes réparations et améliorations.

Des employés ayant des difficultés à retirer un joint du système d’échappement du navire ont décidé d’utiliser un outil rotatif pour le retirer, ignorant que le joint en question contenait de l’amiante, une substance cancérigène pour l’homme.

Le NCSM Toronto est en cale sèche au chantier naval Davie depuis deux ans et demi. (Photo d’archives)

Photo : Crédit : Facebook/NCSM Toronto / NCSM Toronto

Les frottements générés par le broyage provoquaient l’émission de poussières composées en partie d’amiante.

Lorsqu’ils ont remarqué la poussière générée par cette opération, ils ont immédiatement identifié et signalé un danger potentiel. Conformément aux procédures habituelles, notre équipe d’hygiène et de sécurité est intervenue immédiatement pour sécuriser la zone.indique dans un courriel adressé à Radio-Canada Marcel Poulin, directeur des affaires extérieures et de la participation industrielle au chantier Davie.

Enquête sur le CNESST

Il ajoute qu’une équipe environnementale qualifiée a depuis nettoyé les lieux en profondeur et qu’une enquête est en cours, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). M. Poulin souligne que la santé et la sécurité du personnel sont la priorité du chantier naval.

Nous nous engageons à maintenir les normes de sécurité les plus élevées dans toutes nos opérations et examinerons attentivement les résultats de l’enquête.

Une citation de Marcel Poulin, directeur, affaires extérieures et participation industrielle, Chantier Davie Canada inc.

Un échantillon de poussière générée par le meulage du joint a été prélevé et envoyé à un laboratoire pour analyse. Le résumé du rapport d’analyse rédigé par EMSL Canada inc. mentionne que l’échantillon était composé de 2 % d’amiante chrysotile.

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Marcel Poulin est directeur, Affaires externes et participation industrielle au Chantier Davie Canada. (Photo d’archives)

Photo: Radio-Canada / Pierre-Alexandre Bolduc

Le chantier Davie savait que certains scellés présents à bord du NCSM Toronto était susceptible de contenir de l’amiante.

123 choses à surveiller

En août 2023, le ministère de la Défense nationale (MDN) lui fait parvenir une copie du portefeuille de matières dangereuses du navire.

Le document, dont nous avons également obtenu copie, identifie 123 composants de la frégate contenant potentiellement de l’amiante, dont plusieurs scellés (joints dans le document).

Cliquez ici pour télécharger et visualiser le document au format PDF (Nouvelle fenêtre)

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Le MDN a fourni au chantier naval Davie un document l’informant de la présence, à bord du NCSM Toronto, de 123 composants pouvant contenir de l’amiante.

Photo : Radio-Canada / Olivia Laperrière-Roy

En tête de liste, une clause d’exonération (clause de non-responsabilité) informe les entrepreneurs et le personnel des installations de maintenance de la flotte que des composants d’origine du navire contenant de l’amiante peuvent encore être à bord.

Autrement dit, les travaux de désamiantage auxquels le NCSM Toronto, qui fait l’objet depuis sa mise en service au début des années 1990, n’a pas nécessairement supprimé tous les éléments à base d’amiante.

Composants sans étiquette

Le chantier Davie n’a toutefois pas jugé bon d’identifier clairement les 123 éléments en cause puisqu’aucune des tâches à réaliser énumérées au bon de travail n’était censée dégager de la poussière d’amiante.

L’entreprise considère que le retrait du scellé n’aurait pas entraîné de dégagement de poussières toxiques si les travailleurs avaient pu le retirer à l’aide d’un couteau.

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Selon une Source au sein de l’entreprise, le joint du système d’échappement qui contenait de l’amiante correspond à l’article numéro 85 sur la liste fournie par le MDN.

Photo : Radio-Canada

Cependant, le joint était tellement collé au métal du système d’échappement que les ouvriers ont dû utiliser une meuleuse.

Ne soupçonnant pas que le joint contenait de l’amiante, les employés ont procédé à son retrait sans enfiler au préalable l’équipement de protection individuelle requis pour ce type d’intervention, qui comprend un respirateur purificateur d’air et une combinaison de protection de type Tyvek.

Nouvelle mesure

Depuis l’incident du mois dernier, l’entreprise a modifié ses procédures concernant les travaux dans les zones pouvant contenir de l’amiante.

Suite à cet événement, tous les éléments du navire susceptibles de contenir de l’amiante ont été étiquetés, que des travaux soient prévus ou non. Cette mesure supplémentaire réduira le risque que la même erreur se reproduise à l’avenir.précise le réalisateur Marcel Poulin.

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Trois des douze frégates de la Marine royale canadienne ont été construites au chantier Davie au tournant des années 1990. (Photo d’archives)

Photo: Radio-Canada / MARC GODBOUT

Le Syndicat des travailleurs du chantier naval de Lauzon (STCNL) n’a pas voulu nous accorder une entrevue enregistrée.

Au téléphone, son vice-président, Alain Samson, a qualifié l’incident du 17 octobre de cas isolé. Il juge que l’employeur prend les mesures appropriées pour protéger ses membres contre les dangers liés à l’amiante.

Allégations de négligence

Deux travailleurs syndiqués avec qui nous avons parlé ne sont pas d’accord. Ils affirment avoir travaillé à l’aide d’outils mécanisés sur de nombreux éléments de la liste fournie par le MDNsans avoir été informé qu’ils contenaient potentiellement de l’amiante.

Le surveillant des travaux aurait approuvé verbalement l’utilisation d’outils rotatifs. Des permis de travail à chaud auraient également été délivrés pour des interventions sur ces composantes. Les deux travailleurs ont demandé à ne pas être identifiés par crainte de représailles. L’un d’eux accuse l’employeur de négligence quant aux risques posés par l’amiante.

Sans le savoir, j’ai travaillé sur des objets contenant probablement de l’amiante. Je trouve ça irresponsable de la part du chantieril dénonce.

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Une fois sorti des installations du chantier naval Davie, le NCSM Toronto subira une période de rodage. Le ministère de la Défense nationale s’attend à ce que le navire soit de nouveau opérationnel en 2026. (Photo d’archives)

Photo : La Presse Canadienne / Andrew Vaughan

Son collègue mentionne pour sa part que des ouvriers ont tenté pendant plusieurs semaines, mais sans succès, d’obtenir auprès de différents contremaîtres la liste de 123 éléments fournie par le MDN.

Les travailleurs disent craindre pour leur santé et celle de leurs collègues. Tout le monde sur le chantier Davie a été en contact avec l’amiante d’une manière ou d’une autre.inquiète le premier ouvrier.

Risques pour la santé

Leurs inquiétudes sont justifiées si l’on évoque les risques sanitaires liés à l’exposition à l’amiante. Georges Adib, conseiller scientifique au sein de l’équipe de surveillance, d’évaluation et de recherche en santé au travail duINSPQindique que l’amiante peut provoquer différents types de maladies.

Les principales pathologies connues sont l’amiantose, le cancer du poumon et le mésothéliome. Ils apparaissent généralement plusieurs années après l’exposition.

Tous les types d’amiante sont reconnus comme cancérigènes pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer, leSGD et d’autres organisations et agences gouvernementalessouligne M. Adib en entrevue à Radio-Canada.

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Georges Adib est chimiste et hygiéniste du travail. Il a développé une expertise dans les problématiques liées à l’exposition à l’amiante.

Photo : Radio-Canada

Il ajoute qu’il n’existe pas de seuil d’exposition minimum clairement défini pour souffrir d’une maladie provoquée par l’amiante. Cela signifie qu’une exposition unique, même de faible intensité, peut entraîner des lésions pulmonaires.

Nous connaissons certaines études dans la littérature scientifique, pas nécessairement seulement au Québec, mais partout dans le monde. [faisant état de] cas signalés [de maladies] chez les individus ayant subi une petite exposition ponctuelle ou une exposition ponctuelle assez massive. On ne peut donc pas exclure le développement d’une maladieinsiste le conseiller scientifique.

Prévenir les expositions

D’où l’importance, pour les propriétaires d’actifs (bâtiments, infrastructures, navires…) et les entreprises appelées à y réaliser des travaux, de tenir un registre des matériaux contenant de l’amiante pour protéger les salariés. une exposition accidentelle, plaide Georges Adib.

Suite à une plainte, un inspecteur du CNESST a visité le chantier naval le 30 octobre en compagnie de représentants de la partie patronale et du STCNL.

L’inspecteur continue de recueillir des informations auprès des deux parties. Une visite de suivi sera effectuée dès que tous les renseignements demandés par l’inspecteur lui auront été transmismentionne le CNESST.

Avec la collaboration d’Audrey Paris et Guylaine Bussière

 
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