Des sans-abri habitant sous des tentes le long de la rue Notre-Dame, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, ont reçu vendredi dernier un avis d’expulsion qui leur donne jusqu’à jeudi pour quitter les lieux, même s’ils affirment ne pas avoir nulle part où aller.
Mélanie Adam, qui campe près du parc Morgan depuis mars dernier, explique par exemple avoir été expulsée d’un refuge de l’organisme CAP Saint-Barnabé et n’avoir pas réussi à trouver de place dans une autre ressource d’hébergement.
«Avant, j’étais directement dans le parc et [les employés municipaux] m’a demandé de m’éloigner un peu en me disant que je n’aurais plus à changer de place”, a-t-elle déclaré lundi, ajoutant qu’elle n’avait pas l’intention de démonter sa tente, entourée d’un amas hétéroclite d’objets.
Personne ne lui a proposé de solution ni ne l’a mise en contact avec un organisme qui pourrait l’aider, dit-elle.
Son voisin, Pascal-Aurèle Lefebvre, est sur une liste d’attente pour rejoindre un refuge, car il ne veut pas passer l’hiver dehors, mais il ne sait pas quand viendra son tour. « Chaque jour, je vois de nouveaux visages. Les gens arrivent de partout avec le froid», constate-t-il.
Nuisances
Le terrain situé entre la rue Notre-Dame et la piste cyclable adjacente appartient au ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD) du Québec, qui se dit obligé de démanteler une partie du campement après avoir reçu des avis d’infraction du district de Mercier. –Hochelaga-Maisonneuve, en raison des nuisances observées dans le secteur.
«Nous citons notamment l’accumulation de matière, la présence de matières inflammables et dangereuses, les déchets biologiques, le trafic de drogue et le bruit», explique le porte-parole du MTMD, Gilles Payer, au sujet des avis de non-conformité municipaux reçus le 28 octobre.
Mais tous les campeurs ne sont pas concernés par l’avis d’expulsion. Nous ciblons ceux situés au sud du parc Morgan, comme Mélanie Adam, ceux situés au coin de la rue Bourbonnière ainsi qu’un secteur proche des rues Joliette et Aylwin.
Le MTMD n’est pas en mesure de préciser combien de tentes, sur la trentaine que compte le site, devront être démontées, mais une dizaine de personnes seraient concernées, selon la Ville de Montréal.
Quel soutien sera proposé aux personnes sans abri concernées ? Seront-ils orientés vers des ressources pouvant les accueillir ? « Cela dépasse le mandat du ministère », répond le porte-parole du MTMD. Je ne peux pas répondre à la question, mais tout le monde le sait. »
Cette situation inquiète beaucoup Julien Montreuil, directeur de l’organisme L’Anonyme, qui œuvre auprès des sans-abri. “Nous avons toujours été opposés au démantèlement tant qu’il n’y avait pas de solutions adaptées à ces personnes, mais pour l’instant, il n’y a pas de solution du tout”, déplore-t-il.
1000 personnes par soir dans la rue
Il estime qu’environ 1 000 personnes dorment chaque nuit dans les espaces publics à Montréal, faute de places dans les ressources d’hébergement.
«Il est clair que la Ville de Montréal a une politique de tolérance zéro envers les camps et nous craignons qu’il y ait d’autres démantèlements à l’approche de l’hiver», dénonce M. Montreuil, soulignant que certains installeront leurs tentes dans des endroits cachés, où l’isolement risque de nuire à leur sécurité.
Au 1est En décembre, Montréal comptera 2 102 places d’hébergement d’urgence, indique le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, responsable de la gestion des fonds provinciaux alloués aux organismes d’aide aux sans-abri. Un montant de 1,4 million vient d’être distribué pour l’ajout de 118 places, précise-t-on.
Or, il y aurait près de 5 000 personnes itinérantes à Montréal, selon le dernier décompte des sans-abri, réalisé en 2023. Les refuges de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve refusent environ 60 personnes par nuit en raison du manque d’espace, selon le maire de l’arrondissement. , Pierre Lessard-Blais.
Montréal demande du soutien
Pour le conseiller et responsable de l’itinérance au comité exécutif, Robert Beaudry, c’est au gouvernement Legault d’agir, et vite.
« C’est le ministère des Transports qui a pris la décision de procéder à un démantèlement ciblé. […] Nous espérons qu’il y aura du soutien, comme nous lorsque nous intervenons, et pas seulement pour dire : tais-toi », a-t-il soutenu lundi lors de la mêlée de presse.
M. Beaudry a refusé d’expliquer dans quel contexte les infractions ont été signalées par l’arrondissement au MTMD. Il y a eu des plaintes de riverains, mais la décision proviendrait plutôt de la présence sur les lieux de malfaiteurs qui profitent des personnes vulnérables, a-t-il précisé.
On y voit aussi des éléments de danger, par exemple les structures en bois qui sont préoccupantes en termes d’incendie, ou encore des problèmes de santé mentale liés à l’accumulation de matériaux à grande échelle. Cela crée des problèmes de santé.
Robert Beaudry, conseiller et responsable de l’itinérance au comité exécutif de la Ville
En opposition, le conseiller Benoit Langevin réclame un plan clair de la Ville pour l’avenir. « Où allons-nous emmener ces gens ? Les droits de l’homme ont leur place dans tout cela. Pourquoi n’avons-nous pas à ce jour de politique de gestion de camps comme la majorité des grandes villes américaines ? », a-t-il demandé.
En 2023, le démantèlement d’un campement situé sur le terrain du MTMD, sous l’autoroute Ville-Marie, à l’ouest du centre-ville, avait donné lieu à une bataille judiciaire, perdue en appel par les sans-abri. Mais dans ce cas, l’expulsion était justifiée par des travaux d’entretien nécessaires à cet endroit.
Un précédent campement le long de la rue Notre-Dame, qui comptait une soixantaine de tentes, avait été démantelé en décembre 2020 à la demande du Service de sécurité incendie de Montréal (SIM), après l’incendie de deux tentes.
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