Désespéré et se sentant abandonné par le système, un octogénaire qui a tué sa femme atteinte de la maladie d’Alzheimer devra désormais purger un minimum de 10 ans de prison après avoir avoué ses actes devant le tribunal.
« Je ne suis pas un meurtrier. Je l’ai fait par amour et par grande compassion, tout simplement. Il n’y a eu aucune violence, aucune méchanceté dans mon geste», a témoigné Gilles Brassard, jeudi matin au palais de justice de Laval.
L’homme de 81 ans venait de plaider coupable de meurtre au deuxième degré et écopait automatiquement de la prison à vie. Il était initialement accusé du meurtre prémédité de sa compagne de 53 ans, Thérèse Brassard-Lévesque.
Thérèse Brassard-Lévesque was residing at the Ressource de Lanaudière intermediate residence, in Terrebonne, at the time of the murder.
Photo d’archives
Le 30 septembre 2023, l’accusé s’est présenté à la Ressource de Lanaudière, une résidence pour personnes âgées souffrant de troubles de la mémoire où séjournait la femme de 79 ans depuis plusieurs mois.
Scène filmée
Des caméras de surveillance placées dans la chambre de la victime ont filmé toute la scène tragique.
Peu après son arrivée, Brassard a tenté de lui passer une corde autour du cou, mais la victime a protesté d’un geste et il l’a retirée. Ce n’est qu’à sa quatrième tentative en 20 minutes qu’il réussit finalement à l’étrangler.
« Elle crie : « Eille, ayoye ! puis il va s’allonger dessus pour la contrôler, car elle se débat”, mentionne-t-on dans le résumé concerté des faits lu au tribunal.
L’octogénaire a alors avalé le contenu d’environ cinq pots de pilules.
Le couple n’a finalement été retrouvé qu’à 18 heures par un employé de la résidence. Un autre travailleur et un résident étaient entre-temps entrés dans la pièce, sans se rendre compte de ce qui s’était passé.
Gilles Brassard était assis dans un fauteuil à bascule, une enveloppe « Mes dernières volontés » et un testament manuscrit à proximité.
L’octogénaire a été transporté à l’hôpital, mais sa compagne a été constatée morte sur place.
Pascal Brassard témoigne que, lorsqu’il fut enfin hors de danger, l’accusé dit à son fils : « Je voulais t’enlever ta tristesse. »
La maladie d’Alzheimer
Sa mère, Thérèse Brassard-Lévesque, souffrait de la maladie d’Alzheimer depuis plusieurs années et son état s’était rapidement détérioré.
« J’ai vu mon père aller au bout de ses forces pour garder ma mère auprès de lui. Il ne voulait pas tout me dire sur ce qui se passait à la maison », a-t-il témoigné.
En raison de la maladie, la victime est devenue de plus en plus violente physiquement et verbalement avec son mari.
En 2022, Thérèse Brassard-Lévesque a finalement dû être hospitalisée, puis placée dans une ressource adaptée à ses besoins.
«Mais la société n’a pas pris tous les moyens possibles pour prendre soin de ma belle-mère», a mentionné la compagne de Pascal Brassard, Brigitte Fournier.
Selon elle, la victime pouvait passer plusieurs jours sans se laver, portait les mêmes vêtements jour et nuit, dormait avec ses chaussures et avait les ongles noirs.
Gilles Brassard était arrivé avec ses sacs au palais de justice de Laval pour sa détention. Il restera finalement libre jusqu’à ce que la juge Hélène Di Salvo rende sa décision la semaine prochaine.
Photo MARTIN ALARIE
La juge Hélène Di Salvo a annoncé qu’elle entérinerait la suggestion commune de 10 ans et 6 mois d’incarcération avant une éventuelle libération conditionnelle lors du retour en cour de Gilles Brassard la semaine prochaine.
«Votre situation familiale touche beaucoup de gens au Québec», a mentionné le magistrat.
Ce qu’ils ont dit :
- «Je voulais l’envoyer dans un monde meilleur et partir en même temps qu’elle. Je me suis dit : « Alors, on a vécu une belle vie. Cela fera du mal aux enfants, mais cela passera. J’ai raté mon tir et j’en paie le prix aujourd’hui. — Gilles Brassard, accusé
- «Nous avons sous-estimé l’état de désespoir dans lequel se trouvait mon père.» — Martin Brassard, fils du couple
- « Il a été abandonné par tout le monde, encore plus par le gouvernement. Mon grand-père est victime du système de santé, qui n’a pas pu lui apporter l’aide dont il avait besoin. — Laurie Brassard, petite-fille du couple
- « Je pensais en 2017 que c’était le dernier cas de ce genre, le dernier événement tragique lié à la maladie d’Alzheimer. Mais malheureusement, c’est arrivé. C’est une tragédie pour la société, pour la famille et pour la victime.» — L’avocat de Gilles Brassard, Me Elfriede Duclervil, faisant référence à son ancien client, Michel Cadotte, qui avait également mis fin à la vie de sa compagne atteinte de cette maladie.
- « Je ne pense pas qu’on puisse faire une comparaison avec l’aide médicale à mourir. Il y a des lois, c’est réglementé, ça relève du domaine médical. Ici, nous parlons d’un conjoint qui a décidé de mettre fin à la vie de sa compagne. -Me Geneviève Aumond, procureure de la Couronne
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