Ensuite, probablement parmi les plus jeunes, ceux qui vont devenir sexuellement actifs, on ne parle pas assez des IST en général. (NDLR : infections sexuellement transmissibles) et la prévention. Quand on voit tout le foin qui a été fait pour EVRAS (NDLR : éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle) et qui est à mon avis quelque chose d’utile, dispensé par des professionnels et adapté à l’âge du public, je suis surpris car, oui, il y a une éducation à faire autour de la vie sexuelle. Aujourd’hui, on parle moins du VIH et c’est sans doute une bonne chose aussi – cela veut dire qu’il fait partie des pathologies existantes, et cela veut aussi dire qu’il y a eu des progrès en termes de discrimination envers les malades – mais en parlant moins de cela, nous n’atteignons pas les publics cibles.
Devons-nous encore nous rappeler comment le VIH est contracté ?
Oui. Le virus se transmet par le sang, sexuellement et de la mère à l’enfant. Dans le premier cas, il est capturé par échange de seringues. C’est là qu’intervient toute la prévention qui peut exister dans les grandes villes comme Liège ou Verviers, autour de la distribution de matériel propre. Il y a un travail important à faire avec les acteurs sociaux sur le terrain.
Ensuite, en matière de transmission mère-enfant, une stratégie est en place depuis des années : une femme qui accouche de manière indétectable ne transmettra pas le VIH à son bébé. Par ailleurs, sous certaines conditions, l’allaitement est désormais autorisé. Cela ne veut pas dire que toutes les femmes le font, mais le fait de dire que désormais elles ont le choix est très sympa.
Enfin, dans la prévention liée à la transmission sexuelle, hétérosexuelle ou homosexuelle, il y a le port du préservatif sur lequel on ne soulignera jamais assez ; il y a le fait de traiter au plus vite les personnes séropositives car indétectable signifie intransmissible ; et il y a la fameuse PrEP.
Ce moyen de prévention est-il nouveau ?
Cela existe depuis plusieurs années mais on en parle peu. C’est un traitement proposé aux personnes ayant des partenaires multiples, sans toujours se protéger de manière optimale, à titre prophylactique, donc avant les rapports sexuels. Il existe deux types de planning : soit à la demande (2 comprimés avant le rapport puis un 3ème après le rapport et un 4ème encore après) ; ou en continu (vous prenez vos médicaments tous les jours). Il y a tout un suivi organisé autour de ce traitement et autour du dépistage d’autres IST éventuelles.
Je suis vraiment ravi de pouvoir désormais proposer ce traitement à Verviers car jusqu’à présent les patients de la région verviétoise devaient se rendre à Brull, à Liège, pour en bénéficier.
Une fois que le virus est là, comment se propage-t-il dans le corps ?
Le virus va s’attaquer aux lymphocytes CD4. Notre immunité est efficace grâce à la grande famille des globules blancs qui sont les soldats qui luttent, entre autres, contre les infections et, dans ces cellules sanguines, il y a ces lymphocytes CD4. Alors pourquoi le SIDA ne se guérit-il pas ? Car il s’agit d’un virus à ARN qui, pour se multiplier, a besoin de pénétrer dans le noyau des lymphocytes. Après cette multiplication (réplication), il va alors infecter d’autres cellules. Ce qui provoque le SIDA après la manifestation infectieuse, c’est la baisse significative du nombre de CD4. Ces lymphocytes infectés seront reconnus par le reste de notre immunité comme infectés et cela les détruira. Donc après les maladies opportunistes.
Aujourd’hui, même si la maladie est découverte tardivement, on dispose réellement d’un arsenal de traitements. Nous disposons de traitements antiviraux extrêmement efficaces et puissants, qui permettent de réduire la charge virale assez rapidement tout en étant bien tolérés. Nous disposons également de tous les traitements pour contrecarrer les manifestations liées au SIDA, mais nous devons garder à l’esprit que plus tôt nous saurons que nous avons le VIH, mieux ce sera.
D’où l’importance du dépistage ?
Bien sûr. Ce qu’il est important de dire, c’est qu’une fois que vous savez que vous avez une IST, il est très utile de dépister toutes les autres IST, y compris le VIH. Ensuite, lorsqu’on est un soignant face à un patient qui a une IST, il faut être capable d’évaluer le risque qu’a la personne, dans le futur, d’être exposée à une autre IST. Cela demande beaucoup d’ouverture.
Parce que la maladie reste taboue ?
Je pense que le VIH reste tabou, c’est sûr. Quand je dis qu’il y a moins de discrimination, c’est vrai et c’est faux. Cela reste une maladie cachée, avec un risque de jugement de valeur. Ce qui reste compliqué, c’est de parler de sexe ou de sexualité, pour le patient ou pour le médecin. Les gens sont très mal à l’aise en parlant de ça. Et il est parfois difficile pour certaines personnes de répondre honnêtement et ouvertement.
Quelles sont les évolutions médicales attendues par rapport au SIDA ?
La guérison n’est toujours pas au rendez-vous pour le moment, il faut le répéter.
Ces dernières années, on a assisté au développement des traitements injectables, avec pour principale contrainte de devoir se présenter à l’hôpital tous les deux mois. Mais, en ce moment, des molécules sont à l’étude qui permettraient des injections deux fois par an. Ce serait révolutionnaire pour la qualité de vie des gens. En matière de PrEP, en Belgique, le traitement injectable n’est toujours pas d’actualité car il existe des contraintes liées aux injections et des contraintes de coûts.
« Il faut parler de toutes les IST sans être moralisateur car ça ne sert à rien »
Christelle Meuris, le VIH n’est pas la seule infection sexuellement transmissible (IST). Quels sont les autres ?
Les autres IST qui nécessitent une vigilance sont les gonocoques, la chlamydia trachomatis et la syphilis. Les trois sont attrapés par contact muco-muqueux, donc contact oral ou simplement lors des préliminaires. Le préservatif couvrira une grande partie des rapports sexuels mais, comme je le dis souvent, on n’enveloppe pas tout son corps dans un grand sac plastique.
Et là où c’est inquiétant, en réalité, c’est qu’on constate que les hommes comme les femmes sont concernés et principalement ceux de moins de 49 ans. Et ces infections peuvent avoir des conséquences importantes en termes de fertilité.
Y a-t-il des symptômes à surveiller lors d’un test ?
Il peut provoquer des symptômes urinaires et provoquer des brûlures ou des picotements lorsque vous urinez. Cela peut provoquer des écoulements purulents, surtout chez les hommes. Les femmes peuvent également présenter d’autres symptômes de salpingite. (NDLR : inflammation des trompes de Fallope)de cervicite (NDLR : inflammation du col de l’utérus). Là, on aura des douleurs dans le bas-ventre ou des douleurs lors des rapports sexuels.
Et en ce qui concerne la syphilis, elle peut causer à peu près tout : chancres, éruptions cutanées,…
Si l’on se rend compte que quelque chose ne va pas, le dépistage est-il une prise de sang ?
Pour la syphilis, cela se fait par prise de sang, oui, et pour les deux autres, le dépistage se fait par frottis ou par analyse d’urine. Et il faut savoir que les frottis peuvent être réalisés soi-même, aussi bien pour les hommes que pour les femmes.
Il faut aussi rappeler qu’il existe l’herpès contre lequel on sait peu de choses et le papillomavirus pour lequel il existe un traitement efficace, via un vaccin. Il est là depuis plus de 20 ans et son effet est clairement démontré, avec une réduction de l’incidence du cancer du col de l’utérus mais aussi des lésions précancéreuses. Depuis 2-3 ans, il est également proposé aux jeunes garçons. C’est une très bonne chose. Et il est très important de rappeler, à cette époque où les gens hésitent à se faire vacciner, qu’il n’existe que deux vaccins qui protègent contre le cancer : celui contre l’hépatite B administré dès la naissance et celui contre le papillomavirus.
Je sais qu’on parle ici d’un vaccin à administrer aux jeunes, aux adolescents qui ne sont pas encore en âge d’avoir une vie sexuelle, et c’est parfois compliqué pour les parents d’y penser mais on sait qu’on est infecté en les premières années de la vie sexuelle et on ne sait pas qui développera ou non un cancer ; qui nettoiera son virus seul ou pas. Je pense donc que ce vaccin constitue vraiment un grand pas en avant.
Nous avons évoqué la difficulté parfois de parler de sexualité, mais est-il important, crucial, de laisser place au dialogue avec des proches, un médecin, une association ?
Oui, définitivement. Je pense qu’il faut beaucoup d’ouverture pour discuter de tout ça. Pour que la personne se sente en confiance, l’aidant doit dire qu’il n’est pas là pour juger mais pour soigner, pour prévenir. Généralement, quand on aborde des choses comme ça, les gens s’ouvrent petit à petit. Il est important de parler de cela comme d’autres pathologies, sans être moralisateur car cela ne sert à rien. Car pour moi, la plus belle médecine est la médecine préventive. Par exemple, certains médecins n’apprécient pas la PrEP, mais ce traitement préventif coûte finalement moins cher que de soigner un patient porteur du virus VIH et il est également moins pénible de suivre ce traitement que de vivre avec le VIH.
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