Mexique ou Marseille ? La France est en voie de « mexicanisation », lançait il y a quelques jours le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, en évoquant l’ultraviolence des cartels en Amérique centrale et du Sud. « Une mexicanisation, non, une marseillaise, oui », corrige un haut responsable breton, en référence à la multiplication des règlements de comptes sur l’ensemble du territoire. En Bretagne, Nantes et désormais Rennes en sont l’effrayante illustration. La capitale bretonne détient même le « record national », hors attentats, du plus long tir avec armes de guerre : 67 minutes, le 10 mars !
“Marseille barbecue” near Morlaix, shootings in Rennes
Le phénomène, lié aux rivalités entre trafiquants de drogue, a déjà touché Brest, Lorient ou encore Morlaix récemment. Même les campagnes ne sont plus épargnées. Est-ce une déclinaison du « barbecue marseillais », ce procédé consistant à brûler un cadavre dans une voiture pour effacer toute trace d’un crime et effrayer ceux qui pourraient parler ? Le 13 mai 2021, tout près de Morlaix, à Taulé (2 853 habitants), dans une affaire qui n’a pas encore été élucidée, un trafiquant local de 29 ans, touché à la tête, a été découvert brûlé dans sa voiture incendiée.
A Lorient, le spectre marseillais est apparu sous les traits d’un jeune dealer étranger, soupçonné du meurtre d’un habitant, dans le quartier de Kervénanec, en septembre 2023. Toujours en fuite, le suspect a d’abord quitté la cité phocéenne pour fuir vers une vengeance. lié à une dette de drogue, avant d’être enrôlé à Angers, puis à Nantes, et enfin à Lorient lorsqu’un réseau prend la place du réseau local qui vient de tomber.
“Pas de gang marseillais en Bretagne”
C’est également à Lorient qu’un jeune recruteur de tueurs se disant lié à la mafia DZ, l’un des gangs impliqués dans les sanglants règlements de compte à Marseille, affirme avoir envoyé une équipe « pour récupérer un point de deal maché (NDLR). : de cocaïne) ». Ses deux recrues ont dû « tirer, traverser et mettre deux ou trois balles dans la jambe du manager », explique-t-il dans un reportage dont Le Télégramme a pris connaissance.
Faut-il voir dans ces épisodes tragiques la main de bandes marseillaises qui tentent de conquérir de nouvelles parts de marché en Bretagne ? « Nous n’en avons détecté aucun dans la région », affirme catégoriquement une Source judiciaire.
A Rennes, les tags « DZ Mafia » sur les murs de la ville ont récemment enflammé les réseaux sociaux. “Certains dealers ont pu travailler à Marseille pour ce groupe”, racontait récemment une autre Source judiciaire à Télégramme. Ils entretiennent des liens et le font largement connaître. Cela entretient leur légende personnelle. Mais la DZ Mafia ne cherche pas à mettre la main sur Rennes. Elle n’a aucun désir. »
« Les équipes marseillaises ont actuellement d’autres priorités à gérer, et d’autres villes sur lesquelles se concentrer localement avant d’arriver au bout du pays, en Bretagne ! », poursuit Jérôme Pierrat, auteur de plusieurs documentaires et livres sur le crime organisé, notamment à Marseille. Cela n’empêche pas, là encore, les « exclus du marché marseillais », jugeant la concurrence trop intense et musclée localement, d’être tentés d’aller voir si l’herbe n’est pas plus verte ici. « Là-bas, il suffit d’avoir un ami ou un membre de la famille », ajoute Jérôme Pierrat. Certains y viennent simplement pour se mettre au vert. C’était, semble-t-il, le cas de ce membre de la « DZ Mafia » arrêté le 11 mars près de Rennes, à Montgermont. Le jeune homme, caché chez un ami, était recherché dans le cadre d’une tentative d’homicide en 2023 sur un concurrent marseillais réfugié en Espagne.
Cocktail explosif made in Marseille
Il n’y a pas de gangs marseillais qui attaquent les points de deal bretons. Mais il existe bel et bien une culture de l’ultraviolence à la marseillaise, qui s’est répandue dans tout le pays. Boostée par l’ultramobilité des petites mains du trafic de drogue, interchangeables, particulièrement conçues pour cloisonner les trafics et préserver l’intégrité des réseaux.
La multiplication des interdictions de séjour judiciaire, favorisées par certaines juridictions pour se débarrasser des dealers locaux, a peut-être contribué à ce turnover de dealers temporaires, fébriles en terre inconnue, mais parfois expérimentés dans le maniement des armes et équipés en conséquence.
« Ces trafiquants de drogue sont de plus en plus jeunes », constate un enquêteur spécialisé. Ils ont moins d’expérience et moins de sang-froid. » Ce rajeunissement, lié à « un accès plus facile aux armes à feu », à « un usage décomplexé de la violence » seraient les autres ingrédients du cocktail explosif marseillais.
« Il y a encore six ou sept ans, même dans les grandes villes, on ne trouvait pas d’armes dans les affaires de drogue », rapporte le même policier. C’est devenu un mode de communication, de négociation. Il n’y a pas de surenchère, mais les barrières tombent et ce que les trafiquants interdisaient hier devient monnaie courante, devient la norme. »
France
Related News :