(West Palm Beach) Ils sont une vingtaine d’amis, pendant quatre heures devant le West Palm Beach Convention Center. Drapeaux, casquettes MAGA, cris de joie. Une jeunesse dorée de Floride, étudiante en première ou deuxième année d’université. Ils sont là pour « vivre l’instant présent », et qui sait si Donald Trump ne passera pas par là…
C’est ici, à 15 minutes de Mar-a-Lago, que le 45e Le président des États-Unis devrait venir dire qu’il sera le 47ee. Un seul président défait a réussi l’exploit d’être réélu quatre ans après sa défaite : Grover Cleveland. Il agace d’ailleurs les historiens parce qu’il était le 22e et le 24e président, et donc il n’y avait pas 46, mais 45 personnes pour occuper le poste, même si Joe Biden est le 46e.
« Qu’est-ce qui vous plaît chez Trump ?
«Ses politiques correspondent mieux à mes valeurs», m’a dit Wynn, 20 ans, qui a voté pour la première fois cette année.
Je lui demande si la question des droits reproductifs la concerne.
« Fondamentalement, c’est à chaque État de décider de sa politique en matière d’avortement, et si vous n’aimez pas les lois de votre État, vous pouvez simplement déménager », m’a-t-elle dit.
Un peu plus loin, je croise un demandeur d’asile vénézuélien. Il est venu célébrer la (probable) victoire de Trump. Je lui parle du programme humanitaire spécial de Biden pour les Cubains, les Haïtiens, les Vénézuéliens et les Nicaraguayens – des permis de travail pour 30 000 personnes. Il me dit que Trump est plus dur envers les socialistes comme Nicolás Maduro.
Je vais un peu plus loin. Une jeune immigrante colombienne attend sa commande dans un restaurant. Elle a 20 ans. Elle aurait voulu voter, mais elle a dû remplacer quelqu’un au travail, et comme elle travaille aussi dans le garage de son père, en plus de ses études en génie mécanique, finalement, elle n’a pas eu le temps.
“Nerveux?
— Non, je pense que Trump va gagner. »
Elle le soutient pour deux raisons. Elle pense que les mesures économiques seront meilleures sous sa direction. Et aussi, sa famille a immigré par les voies officielles. Elle a plusieurs amis qui l’ont fait clandestinement, ça ne la choque pas. Mais elle s’oppose à ceux qui viennent ici, ont beaucoup d’enfants et reçoivent une aide sociale « payée par d’autres immigrés qui travaillent 7 jours sur 7 comme [elle] ».
Pourquoi Donald Trump semble-t-il être élu ? Ou, si, par impossibilité, il perd à la fin du décompte, pourquoi s’est-il rapproché si près ?
Dans ces trois rencontres sur les trottoirs de Floride, comme dans toutes les villes de ce pays, il y a des réponses.
Premièrement, le conservatisme. Pour de nombreux Américains, démocrates et peut-être plus encore pour une démocrate californienne, c’est une impossibilité morale et religieuse. Tous les « conservateurs » n’ont pas 83 ans. Ils ont parfois 20 ans et fréquentent l’université.
Deuxièmement, l’argent. Celui qu’on obtient quand on est riche et qu’on ne veut pas trop d’impôts. Mais surtout celui qui, semaine après semaine, ne parvient pas à payer ses courses et son loyer, même en travaillant comme un fou.
Troisièmement, l’impression que ce pays va trop à gauche, quel que soit le sens qu’on donne à ce mot. Soit culturellement, parce que « les toilettes pour femmes doivent rester pour les femmes », soit parce que « les garçons font du sport contre les filles ». Ou politiquement, en étant trop complaisant envers les pays communistes – un thème profond dans cet État où les ex-Cubains sont très républicains. Par un étrange renversement historique, par exemple, la Russie, pour de nombreux républicains, n’est plus l’empire communiste du mal, mais un lieu où l’on tente de préserver les valeurs traditionnelles.
En sept mois de reportage aux États-Unis, j’ai entendu tout cela exprimé de cent manières. Nous ne résumerons pas l’électeur trumpiste à un seul stéréotype.
Il existe une base très conséquente qui aime et admire Trump, ce qu’il incarne ou ce qu’il vend : le succès, l’autorité et la force. Mais cette base, même si elle représente des millions de personnes, ne suffit pas pour remporter la présidence. Nous devons convaincre ceux du milieu. En plus de convaincre ceux qui ne l’aiment pas de voter pour lui quand même.
Il a réussi.
Difficile à comprendre, quand on pense à ses discours, où il ne faisait aucun effort pour arrondir les angles de son image agressive. Aucune concession pour paraître acceptable aux yeux des proverbiales « femmes de banlieue ». La question de l’avortement n’a pas fait pencher la balance. Le vote « secret » des femmes n’existe évidemment pas, ou vice versa.
Ce 5 novembre, il gagne donc – ou perd de peu…
Comme si l’on revenait à la situation, juste après la tentative d’assassinat contre lui, où la convention républicaine semblait le conduire directement au pouvoir. Lorsque le pays semblait rejeter Joe Biden et que les démocrates n’avaient pas de réponses.
Kamala Harris a semblé changer la conversation du jour au lendemain. À peine 100 jours plus tard, force est de constater qu’elle n’a pas réussi à représenter le changement. Elle est redevenue ce que les Américains ont rejeté : la numéro 2 de Joe Biden.
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